Du
26 au 28 avril 2007, la capitale estonienne a connu des émeutes qui,
avec le recul, de dix années, peuvent être interprétées comme la
première manifestation d'une guerre hybride.
En
septembre 1944, puis en avril 1945, les restes de soldats soviétiques
sont enterrés sur la colline de Tonismägi, dans le centre de
Tallinn. Le 12 juin 1945, la place est renommée « Square des
Libérateurs », Un mémorial, commandé à l'architecte Arnold
Alas, est inauguré le 22 septembre 1947 ; sa statue centrale
est un soldat de bronze, œuvre du sculpteur Enn Roos. En 1964, il
est ajouté une « flamme éternelle ».
Le
problème est que ce soldat « libérateur » apparaissait,
aux yeux des Estoniens, comme le symbole de 50 ans d'occupation.
Le
4 mai 2006, les partis conservateurs de centre droit Union de la
patrie et Res Publica demandent à la municipalité de Tallinn de
prévoir le déplacement du monuments à un endroit moins central et
la ré-inhumation des restes de soldats dans un cimetière militaire.
C'est le Parti de la Constitution, soutenu par le Kremlin, dont le
leader est Andrei Zarenkov, qui exprime le premier son opposition au
déplacement.
Le
site du monument sur Tõnismägi
devint rapidement le point de fixation à la fois des nationalistes
estoniens et des groupes extrémistes russes. « Nochnoy
Dozor », la Garde Nocturne , est créée, avec pour
objectif la protection du monument. Ça n'empêche pas celui-ci
d'être vandalisé le 22 mai 2006, Le 26 mai, le Ministre de
l'Intérieur interdit tout rassemblement aux alentours immédiats du
monument, lequel est gardé 24 heures sur 24 par la police.
Le
10 janvier 2007, le Riigikogu (parlement) vota le « Décret de
protection des tombes de guerre » qui stipule que le Premier
Ministre peut décider du déplacement des restes de soldats si leur
lieu d'inhumation est inapproprié. Le 9 mars 2007, le Ministère de
la défense recommanda de déplacer les restes des soldats de
Tõnismägi.
Les
travaux préparatoires commencèrent le 26 avril. À 04H30 du matin.
Mais,
rapidement, la tension monta, notamment à partir de 9H du matin ce
26 avril.
Les manifestants lancèrent des pavés sur les policiers (ce qui
n'est pas vraiment dans les mœurs locales) qui durent faire usage de
lacrymogènes et de canons à eau. Des
voitures furent endommagées et des boutiques pillées. Il fut
procédé à 300 arrestations, la plupart des prévenus ayant moins
de 20 ans. Les manifestations reprirent le 27 avril soir, s'étonnant
même à Narva et Jöhvi, dans l'extrême nord-est russophone de
l'Estonie.
Dans
la nuit du 27 au 28 avril, devant la gravité de la situation, le
gouvernement réuni dans la nuit décide de faire enlever le soldat
de bronze le lendemain matin, d'un seul tenant. En outre, la vente de
l'alcool est interdite sur tout le territoire estonien du 28 avril au
2 mai. Mais la situation ne reviendra au calme qu'à partir du 9
mai. Ces manifestations auront toutefois fait un mort, Dmitri
Ganin, 20 ans,
poignardé dans des conditions non encore élucidées à ce jour.
Les
centaines d'arrestations ne conduiront qu'à 91 inculpations et 6
emprisonnements.
Il
est aujourd'hui certain que des agents des forces spéciales russes,
en provenance a priori de la Brigade de Spetsnaz de Pskov (de l'autre
côté de la frontière) , on coordonné les manifestations,
ravitaillant en outre les insurgés en liquide inflammable et en ……
vodka.
En
outre, l'Estonie a eu à subir le 9 mai la première cyberattaque par
déni de service (DoS attack) d'envergure sur les sites des journaux,
les banques et les organismes gouvernementaux. L'attaque ayant eu
lieu le jour où la Russie célèbre la victoire de 1945, le 9 mai et
non pas le 8 mai comme les autres pays, tous les regards accusateurs
se tournèrent vers Moscou …...
Ces
événements de 2007 contenaient donc déjà tous les ingrédients
d'une attaque hybride (manipulation des masses par des agents sur le
terrain et cyberattaques) que l'Estonie pourrait bien subir à
nouveau dans un futur plus ou moins proche.
Le soldat de bronze à son emplacement actuel, dans le Cimetière des Forces de Défense de Tallinn |
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