Vingt neuf ans après, nous n'avons toujours pas fini d'apurer les comptes suite à l'étrange putsch qui s'est déroulé à Moscou du 19 au 22 août 1991. Après être revenu, dans une première partie, sur les faits, je mettrai en exergue, dans la deuxième partie, les incohérences de ce putsch afin d'essayer d'en tirer des conclusions.
1ère partie : Les faits
Le 19 Août 1991 au matin, les Russes, et au-delà les soviétiques, qui avaient appris à lire entre les lignes, se doutèrent qu’il se passait quelque chose car leur télévision passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet, ce 19 Août à 6H du matin, un « Comité d’État pour l’état d’urgence » s’approprie le pouvoir au Kremlin. Parmi les comploteurs, il y a du beau monde. A commencer par Guennadi Ianaïev, Vice-président de l'URSS, Valentin Pavlov, Premier Ministre de l'URSS, Vladimir Krioutchkov, Président du KGB, Boris Pugo, Ministre (letton) de l'Intérieur et Dmitri Iazov, Ministre de la Défense.
C'est la publication du projet de traité de l'Union, le jeudi 15 août, qui a précipité l'instauration de cet état d'urgence, opération envisagée depuis quelque temps. Alors que six des quinze républiques soviétiques (les trois républiques baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient à l'écart d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur aspiration à l'indépendance, les neuf autres avaient accepté de participer à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS. Mais, même pour celles-ci, les dispositions sont floues, ambiguës, voire contradictoires et ne satisfont personne. Ainsi, comment concilier la disposition qui fait de chaque république "un État souverain" et celle qui qualifie la nouvelle Union des Républiques soviétiques souveraines d'"État fédéral démocratique et souverain" ?
Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et Président de l’Union soviétique, est depuis le 4 août en vacances en Crimée dans sa somptueuse datcha de Foros. Le 18 août, une délégation des conjurés arrive là-bas, le relevant de ses fonctions et le séquestrant. Ils justifient le « départ » du Président par une incapacité d'exercer ses fonctions pour des raisons de santé, argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev en 1964, déjà en séjour sur les bords de la Mer Noire…….
Les huit putschistes du « Comité d’État pour l'état d'urgence », représentant un éventail des principaux intérêts menacés par la politique de réformes de Mikhaïl Gorbatchev, proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à Moscou.
Très rapidement, des manifestations importantes contre les dirigeants du coup d'État se déroulent à Moscou et à Leningrad (ancien nom de Saint-Pétersbourg) et le président de la Russie, Boris Eltsine, dirige la résistance depuis la Maison Blanche, le parlement russe. Un assaut planifié du bâtiment par la force ALFA, force spéciale du KGB, échoue après que les troupes eurent unanimement refusé d'obéir. Durant l'une des manifestations, Eltsine se tint debout sur un blindé pour condamner la « junte ». L'image, diffusée dans le monde entier à la télévision, devint l'une des images les plus marquantes du coup d'État et renforça très fortement la position de Eltsine. Le 21 août 1991, une large majorité des troupes envoyées à Moscou pour soutenir le putsch se rangea au contraire ouvertement aux côtés des manifestants ou firent défection.
Dès le 22 août 1991, tout était terminé, l'armée avait fraternisé avec la foule, après que Boris Eltsine, monté sur un char, ait appelé à défendre le pouvoir légitime de Gorbatchev. Mikhaïl Gorbatchev put regagner Moscou. Les putschistes furent arrêtés.
La tête du tankiste qui ne se rend pas compte qu'il vient d'entrer dans l'Histoire ! |
2ème partie : Les incohérences du putsch
Ce fut sans doute un des coups d’État les plus mal préparés de l’histoire. En effet, la vraie surprise viendra du degré d’impréparation des putschistes qui n’arrivèrent pas à empêcher les manifestations. Parmi les incongruités, on relèvera :
# S’il fut destitué comme Président, Gorbatchev conserva le Secrétariat général du parti communiste et, à ce titre, contrôla toujours, du moins sur le papier, l’armée et le KGB.
# Le « Comité pour l’état d’urgence » censura la télévision, mais laissa diffuser des images de Boris Eltsine fraternisant avec les tankistes.
# De même, le Comité laissa diffuser des appels de Chevardnadze et de Iakovlev appelant à constituer des comités de soutien à Gorbatchev.
# Plus généralement, Eltsine bénéficia d’une totale liberté de déplacement et d’expression, se forgeant ainsi une carrure de héros démocrate.
# Le Comité resta d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant pas utiliser la force (la Division Taman fera même allégeance à Boris Eltsine), et n’ayant pas non plus recours à la structure du pouvoir : le parti communiste.
Gorbatchev de retour de Crimée, qui ne se rend pas compte qu'il vient de sortir de l'histoire ...... |
A qui profita le "crime" ?
Ce putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a donné lieu à toutes les hypothèses.
La plus couramment admise fut celle du premier degré, un putsch des conservateurs qui échoua du fait notamment de l’opposition de la population qui ne voulait pas revenir en arrière sur les acquis de la perestroïka.
Une autre version affirma que Boris Eltsine, Président démocratiquement élu de la Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé faire en vue de le récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est indubitablement lui qui a été le bénéficiaire de ce putsch.
D’autres encore pensèrent que c’est Gorbatchev qui avait tout monté, dans une partie de billard à plusieurs bandes visant à discréditer les « durs ». Auquel cas, il s’est planté puisque supplanté par Eltsine, et l’U.R.S.S. a bel et bien implosé le 21 Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour au cours du putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que d’augmenter leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui suivirent.
(NB : les putschistes furent arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1994. Ils eurent une fin de vie paisible, à l’exception de Boris Pougo qui s’est suicidé …… ou qui a été suicidé).
Aujourd’hui, la Russie est dirigée par un ancien Lieutenant-colonel du KGB qui a déclaré que la chute de l’URSS était la plus grande catastrophe du XXe siècle et qui n’a de cesse de faire revenir, y compris par la coercition, l’étranger proche dans le giron de la Russie.
Alors, tout ça pour ça ?
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