Benjamin
Sumner Welles (photo) serait peut-être resté un diplomate
américain relativement anonyme si, le 23 juillet 1940, Secrétaire
d’État (= Ministre des Affaires Étrangères) par intérim, il
n’avait signé ce qui est resté dans l’histoire comme la
déclaration Welles. Revenons sur les faits et leur contexte.
Il
faut d’abord évoquer la Doctrine Stimson. Du nom de
Henry L. Stimson, Secrétaire d’État de 1929 à 1933, auteur d’une
note du 7 janvier 1932, cette doctrine stipulait que le gouvernement
fédéral des États-Unis ne reconnaîtrait pas les changements
territoriaux qui auraient été imposés. Cette note visait d’abord
l’invasion japonaise de la Manchourie, survenue fin 1931.
C’est
cette doctrine qui est invoquée le 23 juillet 1940 par le
Sous-secrétaire d’État Sumner Welles dans sa note annonçant la
non-reconnaissance par les États-Unis de l’annexion des États
baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie.
On
rappellera que les États-Unis avaient reconnu pleinement
l’indépendance de jure des trois États baltes le
26 juillet 1922. Mais ils menaient globalement une politique de
neutralité et de non-intervention, le Président Franklin D.
Roosevelt ne souhaitant pas mener le pays à la guerre.
Les
choses allaient changer avec les protocoles secrets du Pacte
Molotov – Ribbentrop (23 août 1939), qui ne seront
révélés qu’en 1945, par lesquels les deux puissances
totalitaires se partageaient les États baltes, l’Estonie et la
Lettonie tombant dans la sphère d’influence de l’Union
soviétique, la Lituanie – initialement - dans celle de l’Allemagne
nazie (un protocole additionnel de septembre 1939 la fera tomber,
elle aussi, dans la sphère d’influence de l’URSS).
Fin
1939 – début 1940, l’Union soviétique émit une série
d’ultimatum en direction des États baltes qui conduisirent à
l'occupation de ceux-ci et à leur annexion illégale en juin et
juillet 1940. De pseudo élections aux « assemblées
populaires » furent organisées à la mi-juillet 1940 à
l’issue desquelles les listes soutenues par les soviétiques, les
seules autorisées à participer, reçurent entre 92,2 % et 99,2 %
des voix (les résultats parurent même 24 heures avant la clôture
des « scrutins »).
En
conséquence, la Lituanie fut incorporée à l’URSS le 3 août
1940, la Lettonie le 5 août et l’Estonie le 6 août.
Mais,
dès le 23 juillet 1940,
Sumner Welles, qui assurait l’intérim pendant la maladie du
Secrétaire d’État Cordell Hull, avait fait une proclamation,
initialement rédigée par Loy Henderson, mais durcie en accord avec
le Président Franklin D. Roosevelt :
Pendant
51 ans, même si elle était largement symbolique, la position
officielle de la diplomatie U.S. fut que les États baltes avaient
été annexés de force. Toutes les cartes américaines faisaient
apparaître des États baltes souverains et, le 26 juillet 1983,
61ème anniversaire de la reconnaissance de leur indépendance
par les États-Unis en 1922, le Président Ronald Reagan réitéra
cette reconnaissance dans une déclaration lue à la tribune des
Nations Unies.
On
mesure aujourd'hui l'évolution, pas toujours positive, avec un
président U.S. Donald Trump que l'on soupçonne d'être prêt à
reconnaître, au moins de facto, l'occupation puis le rattachement
illégal de la Crimée ukrainienne à la Russie !
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