Le précédent post montrait le processus illégal qui avait conduit à l’annexion forcée de la Lettonie par l’Union soviétique, le 5 Aout 1940. Processus illégal car la « Saeima », issue d’élections truquées, avait pris des décisions totalement contraires à la Constitution de 1922.
L’Union soviétique allait très rapidement instaurer un régime d’occupation, avant même que la Lettonie ne soit officiellement incorporée dans l’URSS, mettant en œuvre toute une panoplie d’actes de coercition :
Destruction des forces armées lettones. La préoccupation première des forces d’occupation fut de détruire l’armée lettone, afin de neutraliser toute résistance armée potentielle. Dès le 8 Juillet 1940, des Commissaires politiques de l’Armée rouge firent leur apparition au sein de l’armée lettone. Le 10 Juillet, une organisation paramilitaire patriotique, constituée de volontaires (Aizsargi, littéralement Défenseurs), est dissoute. Le 11 Juillet, le Commissaire du Peuple à la Défense (= Ministre) de l’URSS, le Maréchal Semion Timoshenko, ordonne la création du District Militaire de la Baltique et l’Armée lettone, devenant le 24ème Corps Territorial, est incorporée à l’Armée rouge.
Mais surtout, les Officiers lettons les plus gradés, graduellement remplacés par des soviétiques, sont envoyés à Moscou pour des « cours spéciaux » et là-bas ils sont soit expédiés au Goulag soit fusillés. A l’été 1941, le 24ème Corps est envoyé en entrainement d’été à Litene, au nord-est de la Lettonie. Le 14 Juin 1941, les Officiers (1 100), sous le prétexte d’une mission d’entrainement, sont désarmés et arrêtés. 200 sont fusillés sur place, les autres déportés à Norilsk, au nord du cercle polaire, où ils sont condamnés à mort ou à la prison à vie. La Lettonie, même si on en parle moins, a donc connu elle aussi son Katyn.
Nationalisation de la propriété et collectivisation des fermes. Dès le 26 Juillet, avant donc l’ « admission » de la Lettonie dans l’URSS, mais après les « élections », les autorités d’occupation ont décidé que la terre était la « propriété du peuple », les fermiers n’étant autorisés à garder que 30 hectares. L’économie nationale était sujette à la planification centrale de Moscou et était destinée aux besoins de l’URSS. Les usines et les banques ont été nationalisées en premier, puis les propriétés importantes comme les immeubles et les magasins privés. Le lats fut dévalué et, plus tard, remplacé par le rouble. Toutes ces décisions allaient, bien sûr, à l’encontre des promesses d’avant les « élections ».
Répression de la religion et persécution des Eglises. Toutes les religions et les lieux de cultes furent immédiatement l’objet de répression, en tant que centres potentiels de la résistance spirituelle. La propagande athée remplaça la religion. Le clergé fut empêché de remplir ses responsabilités civiques, comme l’enregistrement des mariages, des naissances et des décès.
Subordination des activités sociales et culturelles à l’idéologie communiste. Dès la première semaine d’occupation, les organisations sociales et confréries indépendantes furent fermées. Des « Unions » furent créées (comme, par exemple, les célèbres Unions des Ecrivains), afin de contrôler que le travail créatif soit en accord avec l’idéologie communiste. L’Etat prit en main l’impression et la distribution des livres et, bien sûr, de la presse, de façon à contrôler leur conformité avec l’idéologie officielle communiste.
Education communiste de la jeunesse. Les écrits de Marx, Engels, Lénine et Staline ont été introduits dans l’enseignement, du jardin d’enfants (!) à l’Université. Les écoliers et étudiants furent obligés de participer aux grandes manifestations communistes, et les organisations de jeunesse de la Lettonie indépendante ont été remplacées par les Pionniers (10 – 14 ans) et les Jeunesses Communistes (Komsomol, 14 – 29 ans).
Répression, déportations massives et exécutions. Les organes de répression, qu’ils soient NKVD ou NKGB, sont appelés en Lettonie de leur nom d’origine, la Tcheka, acronyme russe de Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage. Conformément à l’article 58 du Code criminel, n’importe qui pouvait, sous n’importe quel prétexte, être accusé d’activités antisoviétiques. La torture, si besoin pendant des semaines, était légale !
Les déportations de masse étaient l’un des instruments de terreur préféré de la Tcheka. La plus spectaculaire eut lieu dans la nuit du 13 au 14 Juin 1941, quand 15 500 personnes (0,8 % de la population lettone), dont 1 200 enfants de moins de 7 ans, furent déportées. Les hommes (environ 8 300) furent séparés de leurs familles et envoyés dans des camps de travail ; les femmes et les enfants furent expédiés dans des « centres administratifs » (sic) en Sibérie, où beaucoup ne survirèrent pas au premier hiver.
Lorsque l’Allemagne attaqua l’URSS le 22 Juin 1941, les prisonniers politiques (environ 3 600) furent envoyés le 26 Juin dans des camps en URSS pour continuer les interrogatoires. Seuls 1 % revinrent. Enfin, après la retraite de l’armée soviétique, des charniers furent découvert en plusieurs endroits, dont à la prison centrale de Riga.
On comprend donc, à l’énumération des exactions de cette année d’occupation soviétique, que la peur et la haine aient pu modifier en peu de temps les idées ancrées chez les Lettons depuis des siècles, à savoir que l’ennemi principal n’était plus désormais les Allemands mais les communistes et la Russie.
(en photo, le drapeau de la République Socialiste Soviétique de Lettonie)
(à suivre)
"l’ennemi principal n’était plus désormais les Allemands mais les communistes et la Russie."
RépondreSupprimerCa explique pourquoi les Lettons se sont si vite tournés vers les nazis et leurs troupes, notamment la légion lettone.
Cependant, en Lituanie, c'etait le meme genre de situation et malgré tout les Lituaniens ne gardent pas le même souvenir de l'arrivée des Allemands.
Pourquoi ?
Je vois a votre commentaire que quelques precisions historiques ne sont pas inutiles, tant l'impact de la reecriture de l'histoire par la Russie d'aujourd'hui est important. Ces precisions viendront dans les posts suivants.
RépondreSupprimerPar exemple, la Legion des "volontaires" SS lettons a ete creee en Fevrier 1943, il lui etait donc difficile de se tourner "si vite" vers les nazis en Juin 1941.
Et, bien sur, la Lituanie a eu aussi ses collaborateurs, y compris dans l'extermination des Juifs, policiers et unites paramilitaires. Mais comme ce fut le cas en France, en Belgique, en Croatie, en Ukraine, etc .... On n'oubliera pas au passage qu'il y a eu deux Divisions SS russes.....
Le régime soviétique, une des pires choses arrivées au XXe siècle! Dès qu'on se plonge dans les crimes de ce régime, ce sont toujours les mêmes horreurs, les mêmes procédés qui ressurgissent.
RépondreSupprimerCertes. Mais comme il a ete du cote des vainqueurs, ce n'est pas politiquement correct d'en parler !
RépondreSupprimerUne chose m'a frappe sur le monument sovietique de la victoire a Riga: la "Grande guerre patriotique" n'a dure que de 1941 a 1945 ! Ce qui s'est passe avant, quand l'URSS etait l'alliee de l'Allemagne nazie depuis le pacte Molotov-Ribbentrop (23 Aout 1939), quand l'URSS a agresse la Pologne (17 septembre 1939), le massacre de Katyn (avril-mai 1940), tout ca, ca ne doit etre qu'un complot des Occidentaux visant a destabiliser la Russie !
Tout est connu en Russie (reportages, livres...). Mais l'auréole glorieuse de la Grande Guerre Patriotique écrase tout et laisse peu de place aux réflexions. Il est difficile de se représenter l'importance de cette guerre et la piété féroce qu'elle suscite. En France, nous n'avons rien de comparable. J'avoue que je souffrais un peu chaque 9 mai dans ma belle-famille russe. Cette guerre est peut-être l'unique chose qui unit tout le peuple. C'est sacré. Et les voix discordantes n'ont pas leur place.
RépondreSupprimerJ'ai vu ca un peu ici, a Riga, ou je suis alle le 9 Mai au Monument de la Victoire. Je dois reconnaitre que ces celebrations sont impressionnantes. Et je pense objectivement qu'une grande partie des gens qui sont la le sont pour rendre hommage au anciens combattants.
RépondreSupprimerL'inconvenient ici, c'est que pour la partie majoritaire de la population elles signifient surtout le debut de 45 ans d'occupation.