Cérémonie à Kaunas en mai 2010. Avec notamment M. l'Ambassadeur François Laumonier |
Entre mars 1942 et août
1944, 79 convois de déportation ont quitté la France, généralement Drancy, pour
les camps. Ils étaient composés de personnes présumées de religion,
d’appartenance ou d’ascendance juive. Un seul, le convoi 73 s’est dirigé vers
les Etats baltes. A ce jour, on
ignore toujours la raison pour laquelle ce train a été dirigé vers cette
destination "non conventionnelle" et on l’ignorera, sauf surprise, sans doute toujours.
Ce convoi 73, constitué de 15 wagons à bestiaux, a quitté Drancy le 15 Mai 1944.
Il avait pour caractéristique de ne comporter que des hommes dans la force de
l’âge, entre 12 et 66 ans, en tout 878 dont 38 adolescents. Au départ, il leur
avait été dit qu’ils allaient travailler pour l’organisation Todt, groupe de
génie civil et militaire allemand chargé de la réalisation de constructions,
civiles comme militaires, en Allemagne et dans les pays occupés. En fait, le
convoi s’est d’abord dirigé vers la Lituanie qu’il atteint après trois jours
d’un voyage éprouvant, le 18 mai 1944.
Le Fort IX à Kaunas, avec, dans le fond, le monument soviétique, qui ne fait étata que de déportés soviétiques, sans évoquer qu'ils étaient juifs |
Dix des quinze
wagons sont restés à Kaunas, et ce sont environ 600 hommes qui ont été dirigés
vers le IXe Fort puis, peu de temps après, vers le camp
de travail de Pravieniškės,
à une vingtaine de kilomètres de Kaunas. Ils furent soumis au travail forcé
avant d’être exécutés par groupes dans la forêt. Les cinq autres wagons ont
continué jusqu’à Reval, aujourd’hui Tallinn, et les déportés ont d’abord été
internés à la prison de Patarei,
puis utilisés à réparer les pistes du terrain d’aviation de Lasnamaë. Ils furent là aussi
assassinés dans leur grande majorité.
Après la guerre,
les Allemands n’ont pas donné d’explication formelle quant à cette destination
exceptionnelle. Une « erreur d’aiguillage » étant peu vraisemblable,
une des théories serait que les Allemands aient fait venir des « brûleurs
de cadavres » ne parlant pas la langue locale, de façon à ce qu’aucun
témoignage ne puisse filtrer sur les exactions qui se déroulaient au fort.
Inscription au Fort IX : "Nous sommes 900 Français" |
(Sur la ceinture de
forts autour de Kaunas et en particulier le Fort IX, voir également http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/04/la-ceinture-de-forts-autour-de-kaunas.html)
Seuls 22 des 878
hommes du Convoi 73 ont survécu après la guerre, et ont pu rentrer en France en
Mai 1945. Parmi les victimes, on compte le père et le frère de Madame Simone
Veil, elle-même déportée à l’âge de 16 ans à Auschwitz-Birkenau. Le pire est
que les familles ignorent où leur parent a été exécuté. Il reste aujourd’hui un
survivant, M. Henri Zajdenwergier
qui avait 16 ans en 1944.
S.E. M. l’Ambassadeur de France en Estonie, Frédéric Billet, remettant le 16 mai 2013 au Sénat, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à M. Henri Zajdenwergier |
Une cérémonie
commémorative, en mémoire de ceux du Convoi 73, aura lieu ce dimanche 15
mai, à 10H00 devant le Mémorial des Déportés, Cité de la Muette, 109 avenue
Jean Jaurès à Drancy (93700), puis à 11H30 à la Gare de la Déportation, avenue
Henri Barbusse à Bobigny (93000).
L’Association des Familles
et Amis des Déportés du Convoi 73 organise tous les deux ans un voyage de
mémoire en Lituanie et en Estonie. Le prochain a lieu durant ce mois de mai 2016. Par deux fois, lorsque je résidais en
Lituanie, j’avais participé aux cérémonies de Kaunas. Bien que n’étant présent
qu’en tant que modeste historien, je ne pouvais faire autrement, au milieu des
familles, que d’être concerné par ce sentiment de tristesse, décuplé par le
fait de ne pas savoir où étaient mort et a fortiori où étaient enterrés ces
hommes qui n’avaient comme seul « tort » que d’être Juifs.
J'ai été très honoré de recevoir cette médaille, gravée à mon nom. |
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