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mercredi 1 août 2012

Débats musclés sur le statut de la langue russe en Ukraine


Au moment où j’écris ces lignes, l’Ukrainien est la seule langue officielle de l’Ukraine, ce qui ne devrait pas constituer une surprise. Et pourtant !.....

L’Ukrainien est une des quatre langues de la famille des langues slaves orientales, avec le Russe, le Biélorusse et le Ruthène. (Le groupe slave de la famille des langues indo-européennes comporte, outre la famille orientale, la famille occidentale – polonais, tchèque, slovaque, etc.… -  et la famille méridionale – croate, bosnien, serbe, monténégrin, bulgare, macédonien, slovène, etc.…

Historiquement, après la chute de la Rus’, on assista en Ukraine au même phénomène qu’en Lituanie. Les aristocrates et la classe moyenne s’étant polonisés ou russifiés, seuls les paysans continuaient à s’exprimer dans la langue vernaculaire. Une exception notable fut le Hetmanat cosaque (XVIIe – XVIIIe siècles). Tout comme le Lituanien, l’Ukrainien ne renaquit qu’au XIXe, mais son expansion fut freinée par la politique de russification menée par l’Empire russe. Un décret du 18 Juillet 1863 interdit même son utilisation.

En 1917, l’Ukrainien devint la langue officielle de d’une éphémère République Populaire Ukrainienne. Mais, après la chute de celle-ci, l’Ukrainien et le Russe devinrent les deux langues officielles de la République Socialiste Soviétique d’Ukraine. Les tentatives d’ukrainisation furent toutefois stoppées par Staline dans les années 1930. A l’indépendance, l’Ukrainien devint la seul langue officielle. Il n’en demeure pas moins que les grandes villes de l’est de l’Ukraine sont russophones, alors que tout est réglementairement écrit en Ukrainien. On a là un exemple de diglossie (Etat dans lequel deux variétés linguistiques coexistent sur un même territoire).  


L’adoption du Russe comme seconde langue officielle fit l’objet de promesses électorales en 1994 (Koutchma) et 2004 (Ianoukovytch). C’est une promesse qui revient aujourd’hui dans l’actualité.

Le 3 Juillet, après un mois de calme dû au Championnat d’Europe de football, la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, ou plutôt la majorité du Parti des Régions du Président Ianukovytch, a voté par surprise, voire illégalement,  un projet de  loi controversé. Cette loi autoriserait les parlements régionaux à donner à toute langue le statut de langue officielle, à partir du moment où elle est utilisée par au moins 10 % de la population. Le Russe aurait ainsi le statut de langue nationale dans 13 régions d’Ukraine sur 27.  

Volodymyr Lytvyn

Pour être validée, cette loi doit être signée par le Président de la Rada, puis par le Président de la République. Le Président de la Rada, Volodymyr Lytvyn, Président du … Bloc Lytvyn, et le vice-président Mykola Tomenko, leader adjoint du parti Batkivschyna de Ioulia Tymochenko, annoncèrent leur démission le 4 Juillet. Mais le 6 Juillet, dernier jour de la session parlementaire avant les vacances, la Rada refusa d’inscrire la démission de Lytvyn et Tomenko à l’ordre du jour. Des manifestations éclatèrent un peu partout, notamment à Kyiv (y compris au sein même de l’hémicycle de la Rada), certains manifestants entamant une grève de la faim.

Bagarre à l'intérieur de la Rada

Le 31 Juillet, on apprenait que Lytvyn avait finalement signé la loi et que celle-ci avait été adressée au Président Ianoukovytch. Le parti Batkivschyna (Tymochenko) accusait immédiatement Lytvyn d’avoir « pris part au crime » en signant une loi anticonstitutionnelle. On en est actuellement là.

Bagarre à l'extérieur de la Rada

La question est très sensible en Ukraine. Pour beaucoup, le Russe c’est la langue de l’occupant, des  responsables de millions de morts notamment par l’Holodomor (extermination par la faim). D’autres, nés en Ukraine, ne comprennent pas pourquoi on ne les autorise pas à utiliser leur langue maternelle, le Russe. Le problème est le même en Estonie et en Lettonie. Autant dire qu’on n’est pas prêt de solder les problèmes créés par l’occupation soviétique.

Comme souvent : à suivre !



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