Il y a quelques jours sont
apparus sur les réseaux sociaux des images du drapeau légal de la Latgale mais avec
l’inscription en Russe « République Populaire de Latgale », ainsi que
des cartes de la Lettonie où le territoire d’une Latgale séparée était
recouvert du même drapeau.
Mais qu’est-ce que la
Latgale ? Et y a-t-il des risques pour qu’on y voie apparaître une
sécession instrumentalisée comme dans le Donbass ?
La Latgale est une des
quatre régions administratives mais aussi historique de la Lettonie (les trois
autres étant la Kurzeme, la Zemgale et la Vidzeme). Sa superficie est de
14 600 km2, soit 22,6 % de la Lettonie. Son chef-lieu est
Daugavpils (110 000 habitants). La population de Daugavpils est
majoritairement composée de Russes ethniques (environ 53 %) ; à titre de
comparaison les Russes sont 42 % à Riga et en moyenne 27 % dans l’ensemble de
la Lettonie. Cette multiethnicité est due à l’histoire de la région, différente
de celle du reste de la Lettonie.
A l’origine, le territoire actuel de la Latgale était habité par des
tribus baltes orientales, dont le langage donnera naissance au Latgallien
moderne (encore parlé) et au Letton. Comme le reste de la Lettonie, la Latgale
a subi les invasions de tous ses voisins. Le tournant se
produisit pendant le Guerre de Livonie (1558 – 1583), pendant laquelle la Latgale fut annexée (1559) par le Grand-duché de Lituanie. Le Tsar
Ivan IV (le Terrible) y renonça définitivement en 1582 par la Trêve de Jam
Zapolski.
En 1621, alors que la plus grande partie de la
Livonie était cédée à la Suède, la Latgale resta vassale de la République des
Deux-Nations polono-lituanienne. Elle sera connue depuis lors sous le nom d’Inflantie
polonaise. C’est à cette époque que le dialecte Latgallien sera influencé
par le Polonais et se développera séparément du Letton. Cette longue période
polono-lituanienne (1559 – 1772) explique également pourquoi la Latgale soit
restée en grande partie catholique. En 1772, la Latgale fut annexée par l’Empire russe et en 1865
commença une période de russification pendant laquelle le Latgallien (écrit en
écriture latine) fut interdit (de 1871 à 1904).
Tatjana Ždanoka (à gauche) |
En septembre 2014, un membre du Parlement letton
avait signalé que des activistes pro-russes faisaient du porte-à-porte à
Daugavpils. A l’époque on avait accusé l’Union
russe de Lettonie (nouveau nom depuis les élections européennes de 2014 de Pour
les droits de l'homme dans une Lettonie unie / PCTVL en letton) de Tatjana Ždanoka, député européen, « observateur »
au « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée.
En novembre, c’est le maire de la petite ville latgallienne de
Kraslava qui faisait état également d’opérations de porte-à-porte, y compris
dans les écoles et dans les administrations, par des militants prônant la
sécession de la Latgale et son rattachement à la Russie.
Dans le cas des images signalées sur internet, la Police de
Sécurité lettone (Drošības policija) orienterait ses investigations vers l’activiste
pro-russe, leader du parti non reconnu national-bolchevique Vladimir Linderman (non-citoyen
letton).
Vladimir Linderman |
Un scénario comme dans le Donbass est-il à redouter ? Ce
sera moins facile dans la mesure où la Lettonie est membre de l’UE et de l’OTAN.
En cas d’agression, même par « petits hommes verts », on se
rappellera l’article 5 du Traité de
Washington : « Les parties conviennent qu'une attaque armée
contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du
Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Mais, avec un Vladimir Poutine passé maître
dans l’art de la maskirovka (terme qui
regroupe à la fois camouflage, dissimulation, tromperie, désinformation), on
peut s’attendre à tout !
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