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vendredi 25 mars 2016

25-28 mars 1949 : déportation de 90 000 Baltes


Bougies du souvenir à Tallinn
Le 8 mai 1945 n’a pas signifié la fin de la guerre pour une grande partie de l’Europe, occupée par l’Union soviétique. Des mouvements de résistance, principalement les Frères de la Forêt, menèrent des actions armées dans les trois Etats baltes, et principalement en Lituanie où ils étaient le mieux organisés.

C’est Alexsandr Mishutin, procureur de la RSS de Lettonie, qui alerta Moscou dans un rapport secret,  le 21 septembre 1948, indiquant que des groupes clandestins de résistance, incluant des Koulaks (« riches » paysans), et des éléments contre-révolutionnaires, « pourrissaient la société soviétique lettone.  

Stura Maja (la maison du coin), immeuble du KGB à Riga

Le Conseil des Ministres de l’URSS (dont le président est Joseph Staline) prit, le 29 janvier 1949 la décision n° 390-1388ss approuvant la déportation des « Koulaks », des nationalistes (sic) et des bandits (re-sic), mais aussi de leurs soutiens et de leurs familles, depuis l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie.  L’objectif était double : forcer à la collectivisation des propriétés et éliminer les soutiens des insurgés.

Le 28 février 1949, Viktor Abakumov, le Ministre de la Sécurité d’Etat (MGB) signa l’ordre n° 0068 du MGB pour la préparation et l’exécution de la déportation par les Forces de l’Intérieur, aux ordres du Lieutenant-Général Burmak. Compte tenu de l’objectif de 30 000 familles à déporter, des troupes additionnelles sont venues en renfort de l’intérieur de l’URSS, 4 350 en Estonie, 4 500 en Lettonie. C’est au total 76 212 personnels, articulés en équipe de 9-10, y compris des activistes du parti communiste armés pour l’occasion, qui ont été impliqués dans la déportation.

Selon les chiffres officiels, mais qui parfois divergent, 19 827 personnes oint été déportées d’Estonie, 41 811 de Lettonie et 25 951 de Lituanie. Ils se répartissaient en 27 % d’hommes, 44 % de femmes et 29 % d’enfants de moins de 16 ans. Leur destination était la Sibérie, principalement les oblats d’Irkoutsk (27 %), d’Omsk (23 %) et de Tomsk (16 %).

Wagon de déportation

Compte tenu du fort taux de mortalité enregistré chez les déportés lors de leurs premières années en Sibérie, en raison de l’incapacité – que ce soit par négligence ou par préméditation – de fournir un hébergement et de l’habillement adapté, certaines sources considèrent ces déportations comme un génocide (intention d’éliminer systématiquement un groupe culturel, ethnique, linguistique, national, racial ou religieux). Se fondant sur la clause dite de Martens (1899) et sur les principes de la Charte de Nuremberg (1945), la Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué que les déportations de mars 1949 constituaient un crime contre l’humanité.


Je ne changerai pas une ligne à ma conclusion de 2011 sur le même sujet : « Les crimes nazis et les crimes soviétiques sont une réalité. En aucun cas les crimes des uns ne peuvent excuser les crimes des autres. En aucun cas le commanditaire du crime, qu'il soit vainqueur ou vaincu d'une guerre mondiale, n'est absout et ne doit échapper à la justice, pas plus que l'exécutant. »


En 1949, le commanditaire du crime (mais pas seulement de celui-là) est Staline, ce même Staline aujourd’hui réhabilité par le pouvoir russe.  


mercredi 23 mars 2016

Stendhal, intendant militaire pendant la campagne de Russie


Le 23 mars 1842, à 2 heures du matin, meurt à son domicile, 22 rue Danielle Casanova à Paris,  Henry Beyle, plus connu sous son pseudonyme de Stendhal. Représentant du roman français du XIXe siècle aux côtés de Balzac, Hugo, Flaubert et Zola, Stendhal aurait voulu « consacrer sa vie à la rêverie, à la chasse au bonheur (sic), aux arts et à l’amour ». Mais, bien malgré lui, il eut une vie plus mouvementée.

Né le 23 janvier 1783, il quitte Grenoble à l’âge de 16 ans pour Paris, fuyant une famille qui l’étouffe, espérant entrer à l’Ecole Polytechnique. Il se retrouve finalement aux ordres de son cousin Pierre Daru, secrétaire au Ministère de la Guerre, futur Commissaire Général de la Grande Armée. Avec lui, il va découvrir l’Italie mais profitera plus de ses charmes qu’il ne livrera bataille à Marengo (14 juin 1800). Le 23 septembre 1800, il est nommé Sous-lieutenant au 6e régiment de Dragons, en garnison près de Brescia où il s’ennuie. De fait, malade de la syphilis, il rentre à Paris au début de 1802. Il aura toutefois eu le temps d’être ébloui par Milan.

Pierre Daru (1767 - 1829)

Il reprend du service en 1806, il assiste à la bataille d’Iéna (14 octobre 1806) comme Elève Commissaire des guerres, puis à l’entrée de Napoléon à Berlin (27 Octobre 1806). Il est nommé le 11 Juillet 1807 Commissaire de Guerre adjoint à Brunswick. Il participe aussi à la campagne d’Allemagne et d’Autriche (1809), avant d’être nommé auditeur au Conseil d’Etat et d’obtenir le poste d’inspecteur du mobilier de la couronne, tout cela toujours grâce à Daru. 

En 1812, appelé par Daru, Henri Beyle / Stendhal quitte Paris le 23 Juillet, porteur de courriers pour l’Empereur, après avoir vu l’Impératrice à Saint-Cloud. Il atteint Marijampolė début Août, passe à Kaunas et à Vilnius, et rejoint l’Etat-major impérial le 12 Août du côté de la Bérézina (Bojarinkov).

Il est alors affecté à Smolensk (qui vient de brûler) afin d’assurer l’approvisionnement des régions de Smolensk, Moguilev et Vitebsk. Il se trouve à Moscou le 15 Octobre, 4 jours avant son évacuation. De Moscou, il écrit à son collègue et ami le Chevalier de la Noüe, Commissaire à Kaunas : « Je suis complètement en loques {… } Je vous prie de m’acheter à Kaunas ou à Vilnius quatre ou cinq mètres de tissu bleu et six ou sept mètres de cashmere, également bleu. ». Mais sa lettre sera interceptée par les Russes et, en tout état de cause, de la Noüe était décédé le 13 octobre.



Anticipant la retraite, Stendhal quitte Smolensk le 11 Novembre et atteint Vilnius dans la soirée du 6 Décembre, d’où il repart dès le 7 ou le 8, en direction de Kaunas et Königsberg.

A Vilnius, il aura rendu vraisemblablement visite au divers commandement français, et notamment à celui de la trésorerie, installé dans ce qui est maintenant l’Institut français de Lituanie, rue Pilies, connu par les Lituaniens comme Maison Franck et par les Français comme Maison Stendhal (cf. photo ci-dessous). Mais il loge apparemment dans une auberge tenue par un Italien du nom d’Oliverio, qui est a priori un espion à la solde des Français. Il aura le temps d’écrire à sa sœur pour lui dire qu’il est en bonne santé mais qu’il a tout perdu.

Plaque sur la maison Franck / Standhal, à Vilnius.

Il restera à Königsberg (Kaliningrad) du 14 au 30 Décembre, qu’il quittera alors en traîneau pour Danzig (Gdansk). Il rentre à Paris le 31 janvier 1813, vieilli par les souffrances endurées et amer. Dans ses œuvres ultérieures, Stendhal citera souvent des lieux lituaniens (Vilnius, Kaunas, Marijampolė, Tilsit, le Niémen), mais jamais la Lituanie en tant que telle.

On le renverra à Mayence et il assistera à la bataille de Bautzen en mai 1813. Mais la première Restauration mettra fin à sa carrière militaire et sa carrière littéraire commencera à prendre son essor en 1821.

La tombe de Stendhal au cimetiès de Montmarte. L'épitaphe est été rédigée par Stendhal lui-même : "Henri Beyle. Milanais. Il écrivit, Il aima, Il vécut"








mardi 22 mars 2016

Comment les Lituaniens célèbrent Pâques


En Lituanie, les célébrations de Pâques commencent en fait une semaine avant, lors du dimanche des Rameaux. Ce jour-là, on fait bénir à l’église des branches d’épinettes naines, les verbos, que l’on orne de fleurs et de rubans avant de les faire sécher.

Verbos, devant la cathédrale de Vilnius

Le Jeudi Saint (Didysis Ketvirtadienis) est le jour du grand nettoyage, non seulement de sa personne (ce qui, dans les temps anciens, n’était pas une activité quotidienne ……), mais aussi de toute la maison, fenêtres, poêles, murs, vêtements ……

Le Vendredi Saint (Didysis Penktadienis), les gens prennent un air triste en respect pour le Christ crucifié. Les enfants ne doivent pas faire de bruit et on arrête le nettoyage commencé le Jeudi Saint car la poussière pourrait entrer dans les yeux de Jésus qui a déjà tant souffert. Une autre superstition du Vendredi saint veut que l’on répande dans la maison de la terre du cimetière afin d’en chasser les insectes nuisibles.

Le Samedi Saint (Didysis Šeštadienis), les Lituaniens vont à l’église pour obtenir l’eau et le feu bénits. La croyance est qu’ils ont des pouvoirs miraculeux, pouvant guérir une multitude de maux et fournir une protection. Un panier d’aliments de Pâques (œufs, sels, pains, gâteaux, jambon, bacon, saucisses, beurre, fromage et un agneau symbolique en beurre ou en sucre) est amené à l’église pour être béni.

Margučiai

Le Samedi Saint, on prépare aussi la nourriture qui sera mangée le Jour de Pâques, puis toute la famille décore les œufs de Pâques, les margučiai. Il y a deux méthodes pour décorer les margučiai : une simple où ils sont teints naturellement avec des pelures d’oignons, des pétales de fleurs, du foin ou encore de l’écorce des arbres. Et une plus élégante avec de la cire.

Après le service religieux du matin de Pâques (Velykos), les gens retournent chez eux pour prendre le petit déjeuner avec le contenu du panier qui a été béni à l’église.

Pyragas su Aguonomis

Puis, pour le déjeuner, tous les interdits du Carême sont levés et sont consommés pour célébrer la Résurrection du Christ : œufs sous toutes les formes imaginables, tête de porc ou rôti de porc, oie rôtie, poulet rôti, jambon cuit ou agneau rôti, pain, fromage, saucisses, pommes de terre et saucisses, bacon, raifort, etc……. Il y a  des blynai (crêpes), du kugelis (plat à bse de pommes de terre), de la salade, des champignons, etc…… . Puis vient un assortiment incroyable de desserts : le pain de Pâques (Velykos Pyragas), le gâteau de Pâques gitan (Velyku Pyragas Cigonas), le gâteau roulé à la graine de pavot (Pyragas su Aguonomis), les biscuits en forme de champignons (Grybai), le gâteau de Pâques (Kaimak), le dessert de fromage moulé (Pashka), les cookies à la graine de pavot (Aguonų Sausainiukai), et bien d’autres choses encore encore. Et pour arroser le tout, un bon café fort ou de la gira maison (boisson fermentée fabriquée depuis le XVIe siècle, similaire au kvass russe, obtenue par la fermentation naturelle du pain, souvent parfumée avec des fruits ou des baies).

Pashka

Bien évidemment, les enfants, eux, partent à la chasse aux œufs laissés par la Grand-mère de Pâques (Velykų Senelė). Les lapins ont décoré les œufs pour la Grand-mère et celle-ci les distribue à partir d’une charrette tirée par un petit cheval. Les enfants sages reçoivent des œufs décorés, les enfants turbulents n’en reçoivent qu’un seul, uni.

Sur les jeux traditionnels des enfants autour des margučiai, voir aussi :

  http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2015/04/lituanie-la-tradition-des-marguciai.html





samedi 12 mars 2016

Les honneurs de la presse lituanienne .....

Vu dans Delfi.lt / The Lithuanian Tribune : 'People in France know about the Baltics but not what's different about Lithuania' - Honorary Consul

http://en.delfi.lt/global-lt/people-in-france-know-about-the-baltics-but-not-whats-different-about-lithuania-honorary-consul.d?id=70644794

Avec, à droite, mon amie Anne-Marie Goussard, Consul honoraire de Lituanie en Champagne - Ardennes

vendredi 11 mars 2016

Mort et résurrection de Staline (3ème partie)


Dans mon article précédent du 9 mars (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/03/mort-et-resurrection-de-staline-2eme.html), je soulignais que Nikita Khrouchtchev, dans sa déclaration au XXe Congrès du PCUS le 9 février 1956, tout en condamnant Staline, mettait en avant la figure de Lénine, qualifié de « pur communiste », afin de dédouaner le Politburo, dont la plupart des membres avaient été des lieutenants zélés de Staline.

La tribune du XXe Congrès

En 1956, la direction soviétique, bientôt suivie par les dirigeants des « partis frères » communistes, désigna donc Staline comme bouc émissaire afin d’exorciser quatre décennies de crimes de masse, mais surtout afin de pouvoir continuer à profiter en toute tranquillité de leurs privilèges.

Cependant, ces accusations contre le camarade Staline, considéré jusque là comme infaillible, jetèrent un trouble profond dans le monde communiste. Les « démocraties populaires » furent parcourues de mouvements de révoltes contre leurs dirigeants installés par Staline depuis 1945, et ce furent notamment les émeutes de Poznan (Pologne) de juin 1956, l’insurrection de Budapest (Hongrie) de l’automne 1956 et le printemps de Prague (Tchécoslovaquie) de 1968.  

Budapest, 1956

Aujourd’hui, Vladimir Poutine renvoie le balancier dans l’autre sens. En effet, il accuse Lénine d’avoir « placé une bombe atomique sous la Russie ».

En décembre 1922, en amont de la création de l’URSS, deux conceptions se sont opposées : celle de Staline, qui voudrait faire adopter par le Comité central du Parti l’absorption par la République Fédérative de Russie (RSFSR) de toutes les autres Républiques, et celle de Lénine qui y oppose une fédération de Républiques possédant des droits égaux, y compris de sécession. Le 30 décembre 1922, le 1er Congrès des soviets proclame la création de l’URSS sur la base des propositions de Lénine.

Lénine

Le 2e Congrès adoptera la Constitution de l’URSS le 31 janvier 1924. Or, c’est sur cette Constitution que s’appuieront les Républiques constituant l’URSS, à commencer par la Lituanie le 11 mars 1990, pour proclamer leur indépendance en 1990 et 1991. C’est donc cette disposition, initiée par Lénine qu’aujourd’hui Poutine regrette. Ce qui entraîne que, de facto, il réhabilite Staline, le « grand manager », qui avait rétabli et maintenu l’unité de la Russie impériale, Pays baltes, Caucase et Ukraine compris.

Il n’est donc pas étonnant d’avoir vu le 5 mars dernier, date anniversaire de la mort de Staline, des files  de nostalgiques venir rendre hommage au dictateur sanguinaire sous les murs du Kremlin, avec le consentement du régime. Lequel est généralement plus prompt à arrêter le moindre manifestant agitant un drapeau ukrainien !

5 mars 2016

Il est enfin intéressant de constater que, 60 ans après le XXe Congrès du 9 février 1956, les mânes de Lénine et Staline, fondateurs du premier régime totalitaire du XXe siècle, continuent de hanter les couloirs du Kremlin et, au-delà, les cercles poutinolâtres en Europe et notamment en France.



 


mercredi 9 mars 2016

Mort et résurrection de Staline (2ème partie)



L’article précédent, du 8 mars (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/03/mort-et-resurrection-de-staline-1ere.html) évoquait in fine le rapport secret de Khrouchtchev du 25 février 1956. Que s’est-il passé ?

Le premier cercle : Mikoïan, Khrouchtchev, Staline, Malenkov, Beria et Molotov

Le 25 février 1956 matin, XXe congrès du Parti Communiste d’Union soviétique (PCUS), le premier qui se soit tenu depuis la mort de Staline, touchait à sa fin, après dix jours de séances. Une ultime séance, d’où avaient été écartées les délégations étrangères, fut convoquée de manière inopinée.

Nikita Khrouchtchev se livra alors à une démolition en règle de l’idole jusque là intouchable, Staline, devant 1 436 délégués quelque peu ….surpris !

Nikita Khrouchtchev

Khrouchtchev accusa Staline d’avoir été un mauvais communiste depuis 1935, à savoir :
    # d’avoir été un chef désastreux pendant « la Grande Guerre patriotique » ;
    # d’avoir été le promoteur du « culte de la personnalité » ;
    # d’avoir été le responsable « de perversions graves et sans cesse plus sérieuses des principes du parti, de la démocratie du parti, de la légalité socialiste » ;
    # d’avoir été responsable de la persécution de « communistes honnêtes »
    # d’avoir déporté plusieurs peuples.

Il faut dire que Khrouchtchev avait fait établir le bilan des condamnations prononcées par les juridictions d’exception de 1921 à 1953. Il était édifiant : 3,7 millions de condamnations, dont 742 980 à la peine de mort, la plupart entre 1935 et 1950.

Lavrenti Beria, chef du NKVD entre 1938 et 1953


Mais, réuni le 9 février 1956, le Politburo, dont la plupart des membres avaient été des lieutenants zélés de Staline, décida de masquer la plus grande partie des crimes du régime,  afin d’exonérer la nomenklatura, voire l’ensemble du PCUS, des exactions de 30 années de pouvoir stalinien. Furent donc laissés dans l’ombre les millions de crimes commis sous Lénine durant la guerre civile, puis pendant la collectivisation des campagnes (1929-1933), avec la création du Goulag en 1930, les fusillades de dizaines de milliers de koulaks (fermier possédant de la terre, du bétail, des outils, ….)  et la déportation de millions d’autres, et surtout la famine organisée en Ukraine, l’Holodomor (1932-1933), qui fit entre 4 et 5 millions de morts (la fourchette de 7 à 10 millions de morts a été retenue par l’Ukraine).

En guise de contre-feu, Khrouchtchev décida de relégitimer le système en mettant en avant la figure de Lénine, qualifié de « pur communiste ». 

Marx - Engels - Lénine - Staline

Il est donc intéressant de voir aujourd’hui Vladimir Poutine prendre une posture contraire, accusant Lénine d’avoir « placé une bombe atomique sous la Russie » en autorisant, du moins sur le papier, toute république de l’URSS à quitter celle-ci.

Cette réhabilitation, cette résurrection de Staline, fera l’objet d’une troisième partie.

(Le présent article a été établi à partir d’un article de Stéphane Courtois du 9 mars 2016 « Communisme : enjeu du rapport Khrouchtchev »)

(A suivre)





mardi 8 mars 2016

Mort et résurrection de Staline (1ère partie)


Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit Joseph Staline, est déclaré mort le 5 mars 1953 à 6 heures du matin, dans sa datcha de Kountsevo près de Moscou.

En fait, c’est dans la nuit du 28 février au 1er mars, après une réunion au Kremlin consacrée au « complot des blouses blanches » et un dîner à la Datcha avec Lavrenti Beria, Gueorgui Malenkov, Nikita Khrouchtchev et Nikolaï Boulganine, tous membres du Praesidium du Soviet suprême (encore appelé Politburo), que Staline eut vraisemblablement une attaque cérébrale. Mais les faits ne sont pas clairement établis et les témoins se contredisent.

Lavrenti Beria
Durant toute la journée du 1er mars, les gardes attendirent en vain d’être appelés par Staline. Mais celui-ci diffusait une telle terreur dans son environnement que ce n’est qu’avec le prétexte d’apporter un paquet de courrier que les gardes entrèrent dans la chambre du dictateur le 1er mars à 22H30 ! Ils le découvrirent en pyjama, inconscient, gisant sur le sol dans une mare d’urine. Première incongruité, les gardes avaient comme ordre, en cas de nécessité, d’appeler immédiatement les médecins. Or, ils appelèrent les membres du Politburo, pourquoi ? Beria et Malenkov, puis Khrouchtchev et Boulganine, finirent par arriver vers 3 heures du matin mais pour dire de ne pas déranger le camarade Staline qui dormait profondément (sic).

Ce n’est que le 2 mars à 7 heures du matin que les médecins procédèrent au premier examen ! En tout état de cause donc, quel qu’eut été le déroulement exact des événements, Staline a été laissé sans assistance médicale durant de longues heures, avec la complicité des principaux membres du Politburo.

La grave maladie du camarade Staline ne fut annoncée au pays que le 4 mars à 06H30. Le dictateur mourut le 5 mars à 21H50. Entre temps, le bureau du Praesidium s’était réuni, en fait pour entériner les dispositions déjà prise par le tandem Beria – Malenkov, ce dernier devenant chef du gouvernement. La thèse d’un assassinat par empoisonnement, fomenté par Lavrenti Beria (qui savait sa vie menacée), est la plus communément admise, mais, s’il est un jour avéré, l’assassinat n’a pu avoir été commis qu’avec la complicité de Malenkov, Mikoïan et Khrouchtchev. 
  
(Pour plus de détails, voir notamment « Beria, le Janus du Kremlin » de Françoise Thom.)

Le 9 mars 1953, à 10h05, Malenkov, Beria, Molotov, Vorochilov, Khrouchtchev, Boulganine, Kaganovitch et Mikoïan portent le corps de Staline.
Les obsèques du « petit père des peuples » ont lieu le 9 mars 1953. Elles donnent lieu à des scènes d’hystérie collective qui font des centaines de morts (sur les 5 millions de personnes, volontaires ou réquisitionnées, présentes ce jour-là). A Paris, le siège du PCF est drapé de noir et la Chambre des députés observe une minute de silence (à la seule exception de deux députés qui restent assis).



En Allemagne de l’est, par contre, la mort de Staline entraînera un soulèvement à Berlin-Est à partir du 16 juin, soulèvement bien sûr sévèrement réprimé.

Après une assez longue période d’incertitude (qui verra quand même l’exécution de Béria et de ses proches collaborateurs le 26 juin 1953), c’est Nikita Khrouchtchev qui émarge comme le vainqueur de la guerre de succession. Le 25 février 1956, à l’issue du XXe congrès du Parti communiste de l’URSS, il prononce le « discours secret », dénonçant les excès et le culte de la personnalité de la période du stalinisme.

Nikita Khrouchtchev (et sa chaussure) à l'ONU en 1960

En 1961, le corps embaumé de Staline est retiré du mausolée où il cohabitait avec celui de Lénine. Stalingrad devient Volgograd. Les rescapés commencent à être libérés du goulag.

L’affaire semblait donc entendue. Sauf que ……

(A suivre)




lundi 7 mars 2016

Vilnius et la légende du loup de fer


Cette légende, bien connue de ceux qui s’intéressent peu ou prou à l’histoire de la Lituanie, est liée au Grand-duc de Lituanie Gediminas (vers 1275 – 1341).

Gediminas est né vers 1275 et devient Grand-duc de Lituanie après le décès de son frère Vytenis en 1316 (donc à 40 ans passés). Il dirigera le Grand-duché de Lituanie pendant 25 ans. Son titre exact était Gedeminne Dei gratia Letwinorum et multorum Ruthenorum rex, soit « Gediminas, par la grâce de Dieu, Roi des Lituaniens et de nombreux Ruthènes ». 

Le Grand-duc Gediminas

Il s’attache à Gediminas la légende de la création de Vilnius.

Alors qu’il est fatigué après une chasse longue et heureuse, alors qu’il venait de sa capitale Trakai, Gediminas décida de se reposer et de passer la nuit sur une colline nommée Šventaragis, au confluent des rivières Néris et Vilnia. Là, il rêva d’un loup de fer qui hurlait comme une centaine de loups. Il décocha sur l’animal un javelot qui rebondit sur son corps ! Demandant à Lizdeika, son grand prêtre païen d’interpréter ce rêve, celui-ci répondit : « Ce que les dieux ont décidé pour le souverain et pour l'État lituanien, peut arriver : le loup de fer se trouve sur une colline sur laquelle seront érigées une forteresse et une ville - la capitale de la Lituanie et la résidence des souverains. La forteresse cependant doit être forte comme le fer, alors sa renommée aura le plus large écho à travers le monde ».

 Le Grand-duc lituanien, s’inclinant face à al volonté des Dieux, commença immédiatement à faire construire cette future capitale et lui donna son nom Vilnius en raison de la petite rivière Vilnia qui y coule. Le nom de Vilnia viendrait lui-même de vilnis signifiant en lituanien la vague, l’onde. 

La statue de Gediminas, tenant son épée par la lâme en signe de paix, au pied de la coliine éponyme.
         
A la vérité, d’après des fouilles archéologiques, des hommes étaient déjà installés en ce lieu stratégique depuis au moins le XIe siècle……

La réputation de Gediminas fut surtout celle d’un diplomate ayant attiré l’attention de l’Europe sur la Lituanie. C’est dans les lettres que Gediminas a adressées au Pape Jean XXII (fin 1322) et aux Etats d’Europe occidentale que le nom de Vilnius (« in civitate nostra regia Vilna ») est mentionné pour la première fois. L’année 1323 est, de ce fait, considérée comme la date officielle de la fondation de Vilnius. Dans ses lettres, alors qu’il était toujours païen, il informait le Pape des privilèges déjà attribués aux Dominicains et aux Franciscains, et il demandait que des légats lui soient envoyés afin qu’il soit baptisé.

Ayant reçu une réponse favorable du Pape, Gediminas envoya alors des lettres, datées du 25 Janvier 1325, aux principales villes de la Hanse pour offrir le libre accès de ses domaines aux hommes de tous ordres et de toutes professions pour travailler la terre. Les prêtres et les moines étaient également invités à venir et à construire des églises.

Néanmoins, Gediminas se couvrit aussi de la gloire de chef militaire, contre principalement les Chevaliers teutoniques. Il repoussa les frontières et l’influence du Grand-duché de Lituanie loin à l’est et au sud, annexant Vitebsk et la Volhynie, ainsi que des terres slaves de la Rus’. Les forces lituaniennes s’approchèrent même à moins de 200 km de Moscou. A l’époque de Gediminas, le territoire de l’Etat lituanien doubla de surface. 

Evolution du territoire du Grand-duché de Lituanie
Gediminas mourut le 29 Décembre 1341, probablement lors d’un coup d’Etat, et son corps brûlé suivant la tradition totalement païenne. Il laissait 7 fils et 6 filles. Le pouvoir revint initialement à Jaunutis, mais qui fut déposé par ses frères Kęstutis et Algirdas.

Gediminas fait partie, avec Mindaugas et Vytautas (fils de Kęstutis), des plus grands dirigeants lituaniens de tous les temps. Il donna naissance à la dynastie des Gediminides (en Lituanien : Gediminaičiai), dont sont issus, entre autres, les Jagellons et les Czartoryski  polonais et les princes russes Galitzine et Trubetskoy. Mais aussi quelques souverains européens, dont la Reine Elisabeth II d’Angleterre !  

Les colonnes de Gediminas (Gediminaičių stulpai),
blason de la dynastie