Pages vues le mois dernier

dimanche 22 juillet 2018

Retour sur un voyage en Estonie et en Lettonie




Après avoir organisé deux voyages de ma Promotion de Saint-Cyr (Lettonie – Lituanie en 2012, Croatie – Bosnie – Monténégro en 2015), qui avaient réuni chacun 35 participants, après avoir dû annuler en 2014 un voyage à Odessa et en Crimée pour cause d'occupation russe, j'ai continué à emmener dans les Pays baltes quelques amis intéressés par la région.

En ce début juillet 2018 (2 – 9 juillet) , ce sont cinq couples qui ont répondu à mon invitation à un voyage de Tallinn (Estonie) à Riga (Lettonie) via les frontières de l'est : Narva, Tartu et Cesis. Comme à l'habitude le voyage, monté avec l'aide de mes amis de l'agence réceptrice « Taïga Euro Baltika » de Vilnius, voulait aborder des thèmes variés, afin d'avoir une vision d'ensemble des pays visités, mais ménageait également des périodes de quartier libre.

Avec aujourd'hui 15 jours de recul, je reviens sur ce qui m'a paru être, à titre purement personnel, des points forts.



Je voulais faire la traditionnelle photo de groupe à Narva (Estonie), là où, depuis Alexandre Nevski, l'Europe rencontre la Russie. La météo ayant quelque peu perturbé ce projet, j'ai malgré tout réussi à me faire photographier sur fond de forteresses de Narva (Estonie, à gauche) et d'Ivangorod (Russie, à droite). Histoire de montrer la faible largeur de la rivière Narva qui, à cet endroit, sépare deux mondes. A Narva, au moins 95 % de la population est russophone. Mais, si un scénario « à la criméenne » n'est pas totalement à exclure, il semblerait qu'une grande majorité de la population soit satisfaite d'être dans l'Union Européenne et n'ait pas envie d'être « sauvée » par Poutine ……

Autre histoire de frontière , à Valga (Estonie) / Valka (Lettonie). Mais là, au contraire, la frontière est quasiment absente, ne serait-ce quelques poteau la délimitant. Issue d'une partition décidée en 1919 par une commission dirigée par le Britannique Stephen George Tallents et non remise en cause par la suite, l'agglomération de Valga/Valka est en fait un espace particulièrement symbolique du processus d’intégration européenne dans la région. Ce lieu est associé à une image forte lors des cérémonies officielles de l’entrée de la Lettonie et de l’Estonie dans l’espace Schengen le 21 décembre 2007 : les présidents letton Valdis Zatlers et estonien Toomas Hendrik Ilves ont officiellement levé ensemble la barrière qui coupait la rue Rainis/Sõpruse de Valga/Valka. Modestement, nous avons fait une série de photos à cheval sur la frontière histoire de montrer combien serait stupide serait le retour en arrière que constituerait un rétablissement des frontières intérieures de l'UE.

Le pied gauche en Estonie, le pied droit en Lettonie !

Autre moment intéressant pour moi qui me suis auto-proclamé amateur éclairé de la campagne de Russie : la visite du mausolée du feld-maréchal Michael Barclay de Tolly à Jõgeveste (Estonie). C'est Barclay de Tolly qui, en convalescence à Memel/Klaipeda après avoir été blessé à la bataille d'Eylau, avait proposé au Tsar Alexandre 1er d'attirer Napoléon dans les profondeurs de la Russie, de plus en plus loin de ses bases. Plan qui fut appliqué en 1812 et tout historien, quelle que soit sa nationalité, se doit de reconnaître la « vista » du maréchal d'origine livonienne. (http://gillesenlettonie.blogspot.com/2010/10/feld-marechal-michael-bogdanovitch.html) . Après que j'aie fait un exposé in situ à mes amis, la visite était prévue de se dérouler sans guide, la responsable des lieux, qui ne devait pas voir souvent des touristes français, s'est démenée pour nous rendre la visite intéressante, dans un sabir principalement à base de russe, plus ou moins traduit en anglais par notre chauffeur …… lituanien !

Il y aurait encore bien des choses à dire sur ce voyage, d'autant que je gage que chacun aura eu ses propres points forts. Ce fut en tout état de cause pour moi un plaisir, une fois de plus renouvelé, que d'essayer de mieux faire connaître ces pays encore trop méconnus même si mes amis (dont pour certains c'était le quatrième voyage qu'ils faisaient avec moi) sont devenus de facto des amateurs éclairés .

Le groupe sur fond de Golfe de Finlande, à proximité du château livonien de Toolse 

Les participants ont d'ailleurs eu l'amabilité de me dire que le voyage avait été intéressant. Comme à l'habitude, j'avais annoncé que c'était le dernier que j'organisais; et, comme à l'habitude, personne n'a voulu me croire…….

vendredi 20 juillet 2018

23 juillet 1940 : la déclaration Sumner Welles



Benjamin Sumner Welles (ci-dessus) serait peut-être resté un obscur diplomate américain si, le 23 juillet 1940, Secrétaire d’État (= Ministre des Affaires Étrangères) par intérim, il n’avait signé ce qui est resté dans l’histoire comme la déclaration Welles. Revenons donc sur les faits et leur contexte.

Il faut d’abord évoquer la Doctrine Stimson. Du nom de Henry L. Stimson, Secrétaire d’État de 1929 à 1933, auteur d’une note du 7 janvier 1932, cette doctrine stipulait que le gouvernement fédéral des États-Unis ne reconnaîtrait pas les changements territoriaux qui auraient été imposés. Cette note visait d’abord l’invasion japonaise de la Manchourie, survenue fin 1931.

C’est cette doctrine qui est invoquée le 23 juillet 1940 par le Sous-secrétaire d’État Sumner Welles dans sa note annonçant la non-reconnaissance par les États-Unis de l’annexion des États baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie.

On rappellera que les États-Unis avaient reconnu pleinement l’indépendance de jure des trois États baltes le 26 juillet 1922. Mais ils menaient globalement une politique de neutralité et de non-intervention, le Président Franklin D. Roosevelt ne souhaitant pas mener le pays à la guerre.

Les choses allaient changer avec les protocoles secrets du Pacte Molotov – Ribbentrop (23 août 1939), qui ne seront révélés qu’en 1945, par lesquels les deux puissances totalitaires se partageaient les États baltes, l’Estonie et la Lettonie tombant dans la sphère d’influence de l’Union soviétique, la Lituanie dans celle de l’Allemagne nazie (un protocole additionnel de septembre 1939 la fera tomber, elle aussi, dans la sphère d’influence de l’URSS).

Fin 1939 – début 1940, l’Union soviétique émit une série d’ultimatum en direction des États baltes qui conduisirent à l'occupation de ceux-ci et à leur annexion illégale en juin et juillet 1940. De pseudo élections aux « assemblées populaires » furent organisées à la mi-juillet 1940 à l’issue desquelles les listes soutenues par les soviétiques, les seules autorisées à participer, reçurent entre 92,2 % et 99,2 % des voix (les résultats parurent même 24 heures avant la clôture des « scrutins »). 

En conséquence, la Lituanie fut incorporée à l’URSS le 3 août 1940, la Lettonie le 5 août et l’Estonie le 6 août.

Mais, dès le 23 juillet 1940, Sumner Welles, qui assurait l’intérim pendant la maladie du Secrétaire d’État Cordell Hull, avait fait une proclamation, initialement rédigée par Loy Henderson, mais durcie en accord avec le Président Franklin D. Roosevelt :



Pendant 51 ans, même si elle était largement symbolique, la position officielle de la diplomatie U.S. fut que les États baltes avaient été annexés de force. Toutes les cartes américaines faisaient apparaître des États baltes souverains et, le 26 juillet 1983, 61ème anniversaire de la reconnaissance de leur indépendance par les États-Unis en 1922, le Président Ronald Reagan réitéra cette reconnaissance dans une déclaration lue à la tribune des Nations Unies.

On mesure aujourd'hui l'évolution, pas toujours positive, avec un président U.S. Donald Trump que l'on soupçonne d'être prêt à reconnaître, au moins de facto, le rattachement illégal de la Crimée ukrainienne à la Russie.