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jeudi 25 février 2021

Vilnius : La Kaziuko mugė n'aura pas lieu en 2021

 


Ce mercredi 24 février, le gouvernement lituanien a décidé de prolonger le confinement, dû à la pandémie de la Covid, jusqu'au 31 mars 2021. En conséquence, la Kaziuko mugė n'aura pas lieu cette année dans les rues de Vilnius.

Mais qu'est-ce que la Kaziuko mugė (ou Foire du petit Casimir) ? Un peu d'histoire pour commencer.



Casimir, en lituanien Kazimieras, était le deuxième fils du Roi de Pologne - Grand-duc de Lituanie Casimir IV (Kazimieras Jogailaitis) et de la reine Elisabeth de Habsbourg. Quatre de leurs fils deviendront Rois. Kazimieras naît le 3 Octobre 1458 au château royal du Wawel à Cracovie.

A partir de l’âge de 9 ans, il est éduqué par le prêtre Jan Długosz, futur archevêque de Lviv, célèbre par ses chroniques portant sur les événements survenus en Pologne de 965 à 1480, un homme très pieux mais également un diplomate à l’expertise politique reconnue. Très influencé par son précepteur, Casimir choisit une vie d’ascèse et de dévotion plutôt qu’une vie luxueuse à la Cour.

Alors qu’il n’était âgé que de 13 ans, une faction hongroise lui demande de devenir Roi de Hongrie. Mais le couronnement ne se fit pas. Par contre, quand son père partit pour 5 ans en Lituanie en 1479, le jeune Casimir administra la Pologne avec prudence et justice, faisant preuve d’intelligence et de générosité. C’est à cette époque que son père essaya de le marier à la fille de l’Empereur Frédéric III, mais Casimir, ayant fait vœu de chasteté, et préférant se consacrer au service de Dieu et au bien de son peuple, repoussa l’offre et décida de rester célibataire.

Peu de temps après, il est atteint de tuberculose pulmonaire, en raison de son affaiblissement sans doute dû à des jeûnes successifs. Sur la route de la Lituanie, il meurt à Grodno (Gardinas), le 4 Mars 1484, à l’âge de 26 ans. Ses restes furent inhumés à Vilnius et reposent aujourd’hui dans un cercueil d’argent, dans la chapelle Saint Casimir de la cathédrale, construite au XVIIe siècle.  



Très tôt, la tombe de Casimir fut l’objet de vénération, car on prêtait au jeune homme plusieurs miracles. C’est le Roi Sigismond 1er le Vieux, cinquième fils de Casimir IV, donc frère du disparu, qui initia la demande de canonisation auprès du Pape Léon X et c’est le Pape Adrien VI qui déclara la sainteté de Casimir en 1522. Il a été déclaré Saint patron de la Lituanie en 1613 et celui de la Pologne en 1636. Le 11 Juin 1948, le Pape Pie XII le déclara patron de la jeunesse.


Comme de nombreux pèlerins venaient se recueillir sur la tombe du Saint, notamment au jour anniversaire de sa mort, il fallait bien les soutenir. C’est ainsi que naquit au début du XVIIe siècle la 
Kaziuko mugė. La foire occupe tout le centre ville de Vilnius et attire des dizaines de milliers de visiteurs (un demi-million en 2020) non seulement de Lituanie mais de tous les pays voisins. Jusque là, la foire n'avait été interrompue que par la Deuxième Guerre mondiale.   



En 2021, à défaut de tenir échoppe dans les rues de Vilnius, les commerçants et artisans pourront ouvrir une boutique virtuelle en ligne à partir du 4 mars : www.craftson.lt


samedi 20 février 2021

Histoire d'un père prisonnier à Memel

 


Lorsque M. François Leclerc était enfant, sa mère disait de son père disparu en 1949, Francis, qu'il « avait été prisonnier en Sibérie ». En fait, il s'agissait de Memel, aujourd'hui Klaipėda en Lituanie.

Comme beaucoup d'entre nous, il a voulu en savoir plus sur les destins séparés de ses parents pendant la Deuxième Guerre mondiale. A force de recherches, aidé par l'historien lituanien Egidijus Kazlauskis, il vient de publier un émouvant livre de souvenirs. Émouvant, car très personnel ; nous vivons les vies parallèles pendant la guerre de ses parents, Francis et Marie-Madeleine, qui s'étaient mariés le 22 août 1939, quelques jours avant la mobilisation.

Ce père, Francis, est fait prisonnier en juin 1940. Il est déplacé en train vers le Stalag 1A à Stalback en Prusse Orientale, puis dans la région de Memel, aujourd'hui Klaipeda. Il y restera quatre ans. C'est la vie quotidienne et le travail dans les fermes lituaniennes que M. François Leclerc raconte avec beaucoup d'humanité dans son livre « Un bout de crayon – Mes parents dans la guerre ». Le livre est illustré de très nombreuses photos d'époque.

Même le « voyage » retour est une aventure. « Libéré » le 10 octobre 1944, à la russe, c'est-à-dire capturé et considéré comme un soldat suspect, Francis sera dans un premier temps dirigé en wagon à bestiaux en direction de Mourmansk, avant de repartir vers le sud et d'être interné à partir du 2 janvier 1945 à Tambov, le camp des « Malgré-Nous » aux conditions de vie inhumaines. Un goulag imposé aux prisonniers alliés et aux Français d'Alsace-Moselle : un crime !

Ce n'est que le 15 mai 1945 que Francis Leclerc quittera Tambov, sera encore « baladé » à Odessa (où il reste deux mois), avant de revenir par voie terrestre via Prague. Il ne retrouve son épouse Marie-Madeleine que le 19 août 1945 à 16H45 à Quétiéville (Calvados).

Mais ce livre a un double intérêt. Dans une deuxième partie, M. François Leclerc raconte quelle a été sa recherche, à partir de documents conservés par sa mère ou donné par des cousins ; mais surtout lors de ses voyage en Lituanie, en 2016 et en 2019.

Dans son ouvrage, M. François Leclerc « ressuscite » un père que le destin (un accident en 1949) lui a enlevé trop tôt. Et cette « petite » histoire dans la grande est passionnante.

Si vous êtes intéressé par l'acquisition de cet ouvrage (qui en vaut vraiment la peine), publié à compte d'auteur, contactez-moi, je vous mettrai en relation avec M. Leclerc.

« Un bout de crayon – Mes parents dans la guerre » de François Leclerc et Egidijus Kazlauskis, 2021


jeudi 18 février 2021

Le premier « Français » chez les Baltes ?

 



Les premiers documents écrits concernant les anciennes tribus des Baltes occidentaux datent du premier siècle de notre ère. Auparavant, quelques auteurs grecs et romains évoquaient les « Hyperboréens » pour désigner confusément toutes les populations habitant au nord des Alpes ! Le géographe grec Strabon (1er siècle avant J.C.) le reconnaît : « Toute la contrée au-delà de l'Elbe qui avoisine l'océan, nous est complètement inconnue…… les vaisseaux romains n'ont pas dépassé l’embouchure de l'Elbe ».

Toutefois, le premier explorateur connu de la Baltique est sans doute un dénommé Pythéas (vers 380 – vers 310 avant J.C.), originaire de Marseille, ou plus exactement de Massalia, cité grecque depuis 600 avant J.C.. S’il n’est pas le premier à avoir quitté la Méditerranée au-delà des colonnes d’Hercule (= le détroit de Gibraltar), il est le premier à avoir fait le récit de ses voyages jusqu’au nord des îles britanniques, vers l’île de Thulé (qui pourrait être l’Islande) et, sans doute dans la Mer Baltique, au-delà du détroit du Sund. L’ouvrage de Pythéas, “De l’Océan”, disparaît à une date indéterminée, mais Pline l’Ancien (23-79 après J.C.) associe son nom à celui de l’ambre, donnant une certaine crédibilité au fait qu’il ait pu explorer la Baltique.    



Car c'est grâce à l'ambre que la Baltique va être peu à peu connue. Son commerce entre les Pays baltes et l'Empire Romain, via notamment la province de Pannonie, va être très actif du 1er au 4ème siècle. (Province de l'Empire Romain, la Pannonie correspondait  à peu près à la Hongrie actuelle abondée de la Slavonie et du Nord de la Bosnie, ainsi que, à l'Est de l'Autriche, de la Styrie et de la Carniole)

Les premiers témoignages dont nous disposons sont dus aux historiens de l'Antiquité. Pline l'Ancien, déjà cité, parle d'une « route de l'ambre » partant de Carnuntum, entre Vienne et Bratislava, pour atteindre la Baltique.  Homère et Hérodote évoquent eux aussi ces pays de l’ambre. L'Empereur Néron (37 – 68) lui-même enverra une expédition vers 65 – 68 sur les bords de la Baltique, sur le territoire de la Pologne actuelle, pour trouver de l'ambre. Le goût des Romains pour l'ambre est apparemment très ancien. Il y avait jadis de l'ambre en Italie, mais les gisements ont été épuisés au 1er millénaire avant JC. Les Romains achetaient l'ambre brut puis le travaillaient eux-mêmes.

L'historien et sénateur romain Tacite (58 – 120 après J-C) précise qu’à son époque, période intense du commerce de l’ambre, les commerçants romains entretenaient des rapports directs avec la Baltique (qu’il appelle Mer Suévique) sans passer par des intermédiaires germaniques. Dans son ouvrage « Germania », il décrit en termes vagues quelques peuples situés à l'extrémité du monde connu. Parmi eux se trouvent les Aestii et les Fenni, mais toute localisation géographique précise est impossible. Des rapprochements linguistiques pourraient nous inciter à voir dans les Aestii des Pré-lituaniens et des Pré-lettons. Tacite raconte à propos de l'ambre : « C'est notre luxe qui a fait la réputation de cette matière. Les gens du pays n'en font aucun usage. Ils la recueillent brute, nous la remettent informe et s'étonnent du prix qu'on leur en donne » .

Alors, Pythéas premier Français chez les Baltes ? Je reconnais que le titre est racoleur. L'objectif était juste de montrer que, bien avant les marchands et les missionnaires du bas Moyen-Âge, la région baltique recevait déjà des visiteurs.