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vendredi 23 août 2019

23 Août: journée du ruban noir dans les États Baltes

La voie balte - vers la Liberté

Le 23 Août 1939 a été signé à Moscou le « Traite de non-agression entre l’Allemagne et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.  Pour en savoir plus, je vous convie à lire mes posts précédents :



Ce jour est appelé dans les Etats baltes « Jour du ruban noir » car ce pacte entre les deux puissances totalitaires du XXe siècle a scellé leur destin pour les 50 ans qui suivirent. A cette occasion, les drapeaux nationaux, à la hampe desquels est accroché un ruban noir, sont arborés sur les façades des immeubles.

Il scella également le sort de la Pologne qui fut dépecée à partir du 1er Septembre 1939 par les nouveaux alliés, l'URSS prenant sa part du « gâteau » à partir du 17 septembre. 



C’est aussi le souvenir du 23 Août 1989quand 2 millions de Baltes, bravant l’occupant soviétique, ont formé une chaîne humaine de Vilnius à Tallinn, via Riga (en Lituanien leBaltijos kelias), pour protester contre l’occupation soviétique. Laquelle occupation est toujours non reconnue par la Russie d’aujourd’hui qui, au contraire, réhabilite Staline et essaye de justifier le pacte Molotov-Ribbentrop.

Donc, le 23 août 1989, en signe de protestation contre l’occupation dont ils étaient victimes, 2 millions de Baltes (donc un quart de la population totale) se donnèrent la main sur 675 km, entre Vilnius et Tallinn via Riga. Ce fut la Voie Balte, destinée à attirer l'attention de l'Occident sur le sort des États baltes. Les participants demandaient la reconnaissance des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop, mais surtout le rétablissement de leur indépendance et de leur liberté.



Au passage, le logisticien que je fus ne peut qu’être admiratif devant l’organisation d’un tel événement, au nez et à la barbe de l’occupant ! Le parcours exact fut LT: Vilnius – Širvintos – Ukmergė – Panevėžys – Pasvalys – LV: Bauska – Iecava – Ķekava – Rīga – Vangaži – Sigulda – Līgatne – Drabeši – Cēsis – Lode – Valmiera – Jēči – Lizdēni – Rencēni – Oleri – Zasi – Rūjiena – Koniņi – EE:  Nuija  Karksi – Viljandi – Türi – Rapla – Tallin.

La dalle "Stebuklas" (Miracle), point de départ de la Voie Balte devant la cathédrale de Vilnius

Depuis 2009, le 23 août est la Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme.

Aujourd'hui, 23 août 2019, 30 ans après la Voie Balte, des bruits de bottes, toujours les mêmes, se font encore entendre dans la région,  et les gouvernants et populations baltes ont toutes les raisons de continuer à se méfier de leur voisin russe.



jeudi 22 août 2019

Deux ans d'alliance germano-soviétique (4)




Le pacte signé le 23 août 1939 donnait l'assurance à l'Allemagne qu'elle n'aurait pas à combattre sur deux fronts. On en verra l'application dès la campagne de Pologne. Les accords économiques avec l'URSS allaient en outre lui permettre d'échapper aux conséquences du blocus.

A partir de fin mars – début avril 1939, Hitler savait que la Pologne ne céderait pas à ses exigences sur Dantzig. La solution était de liquider la Pologne par une campagne-éclair avant que toute intervention anglo-française put se produire utilement.

Près de Dantzig le 1er septembre 1939

Montant de toutes pièces une opération commando prétendument polonaise à Gleiwitz le 31 août, les forces allemandes attaquent la Pologne par le nord, l'ouest et le sud au matin du 1er septembre 1939. La bataille de Bzura se solde le 22 septembre par une victoire allemande retentissante. 18 000 soldats polonais sont tués et 170 000 faits prisonniers.

Dès le 3 septembre, date des déclaration de guerre de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne à la France, Ribbentrop avait demandé à l'URSS de faire entrer des troupes en Pologne pour occuper le territoire qui lui avait été réservé par le protocole secret du 23 août. L'armée soviétique ne traverse la frontière que le 17 septembre à 07H00, car Moscou cherchait une justification politique. Les mouvements combinés des armées allemandes et soviétique réalisent rapidement un encerclement total des forces polonaise. A cette occasion, les pertes soviétiques n'ont été que de 737 tués et 1862 blessés, mais suffisamment pour que Staline salue publiquement l'amitié germano-soviétique « scellée dans le sang ».

Les Allemands auraient voulu le maintien d'un petit État polonais indépendant, désarmé, exclusivement polonais. Staline, via Molotov, se prononça pour le partage de la Pologne. Ces questions territoriales seront réglées par un « accord de frontière » conclu le 28 septembre. Un protocole secret précisait que le territoire lituanien tombait dans la sphère d'intérêts de l'URSS. A titre de compensation, le district de Lublin et une partie du district de Varsovie tombaient dans la sphère d'intérêts de l'Allemagne.

La Pologne soumise et partagée, une collaboration militaire soviéto-allemande et une aide économique de l'URSS à l'Allemagne se mirent en place.

Sans accord avec la Russie, l'Allemagne aurait dû immobiliser au moins cinquante divisions pour garder les frontières de l'est. D'après Goering, pendant la campagne de France, le front russe a été presque dégarni puisqu'il n'y a été laissé qu'entre cinq à huit divisions allemandes. Le pacte Molotov-Ribbentrop a été parmi les facteurs les plus importants de la stratégie hitlérienne et, par là, de la défaite française.

Officiers allemand et soviétique

En outre, environ 70 techniciens allemands vont prendre en charge, dans les chantiers navals de Leningrad, la construction ou la réfection ode certaines grandes unités de la marine soviétique. De son côté, la marine soviétique met à la disposition de l'Allemagne une base navale près de Mourmansk.

Enfin, l'aide économique que l'URSS apporte à l'Allemagne est engagée bien avant l'accord formel du 10 février 1940. Pendant la première année, la Russie va fournir pour 800 millions de marks de produits et services, notamment 900 000 tonnes d'huiles minérales, 100 000 tonnes de coton, 500 000 tonnes de minerai de fer, du manganèse, du platine, du bois de charpente, du fourrage, etc ……

Le 10 mai 1940, l'offensive allemande est déclenchée contre la France. Six semaines après l'armistice est signé.

Le 18 juin, Molotov exprime « les plus vives félicitations du gouvernement des Soviets pour le magnifique succès de l'Armée allemande ». Au même moment, il annonce les mesures prises par la Russie dans les Pays baltes et l'envoi de Dekanosov en Lituanie, de Vychinsky en Lettonie et de Jdanov en Estonie pour « mettre au pas » les gouvernements de ces trois pays et les pays eux-mêmes.

On a donc vu que le Pacte Molotov – Ribbentrop a été déterminant dans le déclenchement de la deuxième Guerre mondiale, permettant à l'Allemagne d'être tranquille à l'est pour pouvoir attaquer à l'ouest, mais permettant aussi à la Russie soviétique de sceller l'avenir des États baltes pendant 50 ans.

mardi 20 août 2019

Deux ans d'alliance germano-soviétique (3)




Nous avons vu qu'Hitler, pressé d'entamer les hostilités avec la Pologne, avait envoyé le 20 août 1939 un message personnel à Staline pour qu'il reçoive son Ministre des Affaires Étrangères Joachim von Ribbentrop. Staline ayant accepté le 21 août, Ribbentrop arrive à Moscou le 23 août vers midi.

On notera au passage que, le 22 août, Vorochilov, Commissaire du Peuple à la Défense, reçoit vers 19H le Général Doumenc, chef de la Mission Militaire Française. Celui-ci lui annonce l'accord du gouvernement français pour le passage de troupes soviétiques à travers la Pologne. Vorochilov demande que le gouvernement polonais y consente formellement, manœuvre n'ayant pour but que de gagner du temps puisqu'il sait qu'un accord avec l'Allemagne est imminent.

Les entretiens germano-soviétiques commencent vers 15H. Y assistent Staline, Molotov, Ribbentrop, von Schulenburg (Ambassadeur du Reich à Moscou) et Gustav Hilger (Conseiller à l'Ambassade d'Allemagne à Moscou). Staline pose d'emblée la question essentielle pour lui : la Russie doit avoir sur la Baltique les ports lettons de Libau (Liepāja) et Windau (Ventspils). Hitler donne son accord par téléphone vers 20H.

La séance se poursuit au-delà de minuit, mais le pacte de non-agression et le protocole secret sont datés du 23 août 1939.

Molotov (à gauche) et Ribbentrop (au milieu)


Le pacte de non-agression est rendu tout de suite public. Il contient deux clauses importantes :

# L'article 4 engage les deux parties contractantes à ne pas participer « à un groupement de puissances dirigé, directement ou indirectement, contre l'autre partie » (par groupement de puissances, comprendre les franco-britanniques)
# Le pacte entre en vigueur dès le moment de sa signature, sans besoin de ratification. Hitler a donc immédiatement la voie libre.

Le Pacte vu par "L'Humanité"


Le protocole secret traitait de la délimitation des sphères d'influence de chaque partie en Europe orientale. Le premier paragraphe, repris ci-dessous in extenso, traite des États de la Baltique :
« Dans le cas d'un changement politico-territorial dans les territoires appartenant aux États de la Baltique – Finlande, Estonie, Lettonie et Lituanie - la frontière nord de la Lituanie formera la ligne de démarcation des sphères d'intérêt entre l'Allemagne et l'URSS. Les deux parties reconnaissent les intérêts de la Lituanie sur le territoire de Vilno. » (La région de Vilno / Vilnius était occupé militairement par la Pologne depuis octobre 1920).
In fine, le quatrième paragraphe précise que « ce protocole sera mis en œuvre par les deux parties d'une manière absolument secrète ».



Ribbentrop rentre à Berlin le 24 août. Dans l'après-midi, il met au courant Hitler, rentré exprès de Berchtesgaden. Le Soviet Suprême de l'URSS ratifie le pacte le soir du 31 août. Quelques heures plus tard, la Wehrmacht déclenche son attaque contre la Pologne.

A suivre : les conséquences du Pacte

vendredi 16 août 2019

Deux ans d'alliance germano-soviétique (2)

Staline


Nous avons vu précédemment que c'est au moment des accords de Munich (29-30 septembre 1938) que les rapports germano-soviétiques sont au plus bas .

C'est Staline qui, dans son discours d'ouverture du XVIIIe congrès du Parti communiste pansoviétique (bolchevik), le 10 mars 1939, fait comprendre à l'Allemagne qu'il est prêt à chercher un accord avec elle. Le 1er avril, lors d'un discours à Wilhelmshafen, Hitler reprend l'image de Staline, disant qu'il ne fallait pas « tirer les marrons du feu pour les puissances occidentales ». (NB : il s'avère que le rapprochement avec Hitler a été voulu personnellement par Staline).

Initialement, Hitler voulait un arrangement amiable avec la Pologne pour régler le problème de Dantzig et du couloir de Dantzig. (Rappelons que le Traité de Versailles de 1919 retira Dantzig à l'Allemagne, bien que sa population soit à 95 % germanophone, pour en faire une ville-libre sous la protection de la Société des Nations. Il y avait en outre un corridor, permettant l'accès de la Pologne à la mer, le tout séparant la Prusse orientale du reste de l'Allemagne). Après les accords de Munich, Hitler exigea un plébiscite sur l'appartenance de ces territoires. Mais, le 21 mars 1939, la Pologne refusa de composer sur la question de Dantzig et du couloir. D'où le revirement d'Hitler le 1er avril, un rapprochement avec la Russie permettant d'envisager un quatrième partage de la Pologne.

La ville-libre et le couloir de Dantzig

Le 6 avril 1939, le Premier Ministre britannique, Neville Chamberlain, révéla avoir signé un accord bilatéral d'assistance mutuelle avec la Pologne. A partir de là, le but de Hitler était simple : isoler la Pologne et la liquider avant qu'une intervention franco-anglaise puisse peser dans al balance. Pour ce faire, il fallait intéresser l'URSS à la Pologne, en la faisant sa complice.  

Car, à la mi-avril, débutent des négociations entre l'URSS, la France et la Grande-Bretagne, à la demande de cette dernière. Mais les démocraties occidentales, liées avec la Pologne, n'ont aucune monnaie d'échange (ils argumentent que c'est « pour la liberté »), alors que Staline voit tout l'intérêt qu'il pourrait retirer d'un accord avec Hitler. Le 3 mai 1939, il;limoge Maxime Litvinov, Commissaire aux Affaires Étrangères depuis 1930 et partisan d'une alliance URSS - France – Grande-Bretagne. Il est remplacé par Viatcheslav Molotov et les contacts secrets entre Moscou et Berlin s'intensifient. Berlin enregistre avec satisfaction, car c'est une nouvelle étape, une déclaration de Molotov stipulant que « les relations économiques entre les deux pays {devaient} avoir, pour aboutir, une base politique ».

Viatcheslav Molotov

Fin juillet 1939, son Etat-Major soumet à Hitler le plan de campagne contre la Pologne. Hitler fixe la date de l'attaque au 26 août. Le 29 juillet 1939, Joachim von Ribbentrop, Ministre des Affaires Étrangères du Reich, fait savoir à Molotov que l'Allemagne est prête à « reconnaître les intérêts russes dans la Baltique et en Pologne ».

Joachim von Ribbentrop

Les Allemands sont pressés car les hostilités avec la Pologne sont censées commencer le 26 août. Le 20 août, Hitler envoie un message personnel à Staline, lui demandant de recevoir Ribbentrop le 22 ou au plus tard le 23 août. Le 21 août, Staline accepte.

A suivre …….


vendredi 9 août 2019

Deux ans d’alliance germano-soviétique (août 1939 – juin 1941) (1)




Le 23 août prochain, les États baltes commémoreront les 80 ans du pacte Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939, dont les conséquences leur ont été si funestes pendant 50 ans. En trois posts distincts, j’étudierai la montée vers le pacte, le pacte en lui-même et surtout ses conséquences.

Signature du Pacte Molotov-Ribbentrop en présence de Staline


Le rapprochement de l'Allemagne (alors République de Weimar) et de l'URSS date du Traité de Rapallo (16 avril 1922)., signé en marge des accords de Gênes. Ce traité permet aux deux signataires de rompre l'isolement dont il font l'objet après la Première Guerre mondiale. Par ce traité, l'Allemagne et l'URSS renoncent aux réparations de guerre qu'elles se doivent réciproquement. Elles rétablissent leurs relations diplomatiques et commerciales.

Mais surtout, le traité met en place une collaboration militaire secrète qui durera jusqu'en 1933, avec des camps d'entraînement allemands en URSS : autour des gaz de combat à Saratov, de l'aviation à Lipetsk et des chars de combat à Kazan.



Le Traité de Berlin (24 avril 1926) confirme le Traité de Rapallo. Il confirme l'amitié entre l'Allemagne de Weimar et l'URSS. Les deux pays se promettent une neutralité mutuelle en cas d'agression par un pays tiers. Ils excluent également tout boycottage financier ou économique dirigé contre le pays partenaire.

L'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne le 30 janvier 1933 va changer progressivement les données, notamment économiques. Les premières manifestations hostiles vont venir de l'Allemagne, Hitler ordonnant la répression du parti communiste allemand et lançant une campagne de propagande anti-soviétique.

Le 2 mai 1935, la France et l'Union soviétique signent un traité d'assistance mutuelle. Celui-ci, dans son article 2, stipule : « Au cas où la France ou l'URSS seraient l'objet d'une agression non provoquée de la part d'un État européen, malgré les intentions sincèrement pacifiques des deux pays, l'URSS et réciproquement la France, se prêteront immédiatement aide et assistance ». Le traité ne sera jamais appliqué, l'état-major français étant hostile à une coopération militaire.

Le 25 novembre 1936, l'Allemagne nazie et l'Empire du Japon signent à leur tour le Pacte anti-Komintern, destiné, comme son nom l'indique, à contrer la IIIe Internationale communiste. Ils sont rejoints par l'Italie le 6 novembre 1937, puis ultérieurement par la Hongrie et l'Espagne en 1939.



Maxime Litvinov, qui était Commissaire du peuple (= Ministre) des Affaires Étrangères depuis 1930, suivait une politique de sécurité collective, essayant de contenir l'Allemagne nazie via la coopération avec la Société des Nations et les puissances occidentales. Cette politique échoua avec les accords de Munich (29-30 septembre 1938) par lesquels la Grande-Bretagne et surtout la France scellèrent le démantèlement de la Tchécoslovaquie face à l'Allemagne, sans tenir compte de la position soviétique.

Les protagonistes des Accords de Munich : Chamberlin, Daladier, Hitler et Mussolini


C'est au moment de Munich que les rapports germano-soviétiques sont au plus bas. A partir de Munich, vont se produire les premières oscillations dans les rapports entre les deux pays, oscillations qui pouvaient amener ou une rupture totale ou une étroite collaboration.

À suivre …….