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vendredi 7 octobre 2022

7 octobre 2006 : Anna Politkovskaïa nous avait prévenus …….

 


Le samedi 7 octobre 2006 à 17H10, c’est une voisine qui découvrit le corps sans vie de la journaliste Anna Politkovskaïa devant l’ascenseur de son immeuble à Moscou. Dans l’ascenseur, les policiers retrouvèrent un pistolet Makarov de 9 mm et quatre douilles. L'émotion avait été très forte en Occident où elle jouissait d'une plus grande notoriété qu'en Russie.

Depuis Juin 1999, Anna Politkovskaïa collaborait au journal en ligne Novaïa Gazeta (Новая газета - Le Nouveau Journal ), média indépendant obligé de suspendre sa publication en mars 2022, mais dont une édition, Novaïa Gazeta Europe, paraît aujourd'hui depuis Riga (Lettonie) Anna Politkovskaïa s'était rendue à de nombreuses reprises dans les zones de combats en Tchétchénie et dans des camps de réfugiés au Daghestan, puis en Ingouchie. En octobre 2002, au péril de sa vie, elle avait accepté de servir de négociatrice lors de la prise d'otages dans le théâtre Doubrovka de Moscou, qui s'est terminée de manière dramatique. Régulièrement menacée, elle avait subit une tentative d'empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait en avion dans le Caucase. 

En 2004 justement, Anna Politkovskaïa avait écrit un livre intitulé « La Russie de Poutine » . Elle y peignait un portrait exhaustif de Vladimir Poutine. C’était un avertissement au monde entier, mais il n’a pas été entendu. On n’a pas voulu l’entendre.



Elle écrivait notamment : « Le KGB ne respecte que les forts, il dévore les faibles. N’est-ce pas à nous de le savoir ? Et pourtant, pour la plupart, nous nous sommes montrés faibles et avons été écrasés. Pour le tchékiste soviétique, notre peur, c’est du miel. Il n’y a pas de meilleur cadeau pour lui que de voir trembler les foules, qu’il doit soumettre à sa volonté. » Ou encore « Pourquoi ai-je pris Poutine en grippe ? Pour tout cela. Pour sa nature criminelle. Pour son cynisme. Son racisme. Pour la guerre éternelle. Pour le mensonge. Pour le gaz répandu dans la salle du Théâtre Doubrovka. {……} Je ne l’aime pas parce qu’il n’aime pas les êtres humains. Il ne nous supporte pas. Il nous méprise. Il nous considère comme un simple moyen pour lui, et rien de plus. Le moyen d’atteindre ses objectifs personnels de pouvoir. C’est pourquoi il peut faire de nous tout ce qu’il veut, jouer à sa guise. Nous exterminer selon son caprice. Nous ne sommes rien. »

Anna Politkovskaïa nous avait prévenus, nous n'avons pas voulu l'entendre ! Souvenez-vous, il y a encore quelques semaines, on disait qu'il ne fallait pas humilier la Russie, cette Russie dont on savait déjà qu'elle tuait des civils, violait des enfants, bombardait des hôpitaux, pillait ……. Souvenez-vous de ces Français, y compris des Officiers, pour qui il est toujours une idole …… Paix à l'âme d'Anna, un jour le monde dira « Elle avait raison ! ».


lundi 26 septembre 2022

Parution de « Les enfants de la Garde Blanche »

 



Après la révolution d'octobre 1917, une partie de la population russe n'a pas accepté la prise du pouvoir par les bolcheviks qui, contrairement à ce qu'indique leur nom, sont minoritaires. Les Russes Blancs, opposants monarchiques à la Russie soviétique, menés par d'anciens cadres de l'Armée impériale (Koltchak, Denikine, Wrangel) vont lutter avec l'aide de troupes britanniques, françaises et américaines contre l'armée rouge. La coalition des armées blanches étant mal coordonnée, elle perd la guerre civile et la majorité des Russes Blancs (entre 1,1 et 1,5 millions) va s’exiler en Europe et dans le monde.

Cent ans après, les descendants des environ 400 000 qui ont émigré en France – les enfants de la Garde Blanche – se sont fondus dans le paysage mais sont encore souvent la mémoire vivante d'une histoire singulière et dramatique.

Hélène Blanc, spécialiste reconnue du monde slave, elle-même d'origine russe, a réuni dans « Les enfants de la Garde Blanche » (Ginko éditeur) plusieurs auteurs venus d'horizons divers pour évoquer le destin des héritiers d'un monde disparu.

J'ai modestement participé à ce livre en contant l'histoire extraordinaire de Gali Hagondokoff (1898 - 1985)(photo ci-dessous), princesse circassienne chassée de son pays, devenue comtesse du Luart et surtout icône de la Légion Étrangère. Elle passa toute sa vie à se montrer digne de la France qui l'avait accueillie et la France a reconnu ses mérites en la faisant Commandeur de la Légion d'Honneur et Grand-Officier de l'Ordre National du Mérite. Car elle fut présente sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale avec sa Formation Chirurgicale Mobile, puis installera un Centre militaire de détente à Alger au profit des appelés qui n'avaient pas les moyens de rentrer en permission en métropole.



« Les enfants de la Garde Blanche » est donc une galerie de portraits qui rend hommage à ces Russes Blancs, éloignés de la terre de leurs ancêtres, voire natale, mais qui ont contribué, de façon parfois spectaculaire, dans tous les domaines, au développement de leur terre d'accueil.



jeudi 8 septembre 2022

8 septembre 1514 : les Polono-lituaniens écrasent les Moscovites à la bataille d'Orcha

 

Le Duc Konstantin Ostrogski, Grand Hetman de Lituanie

Au XVIe siècle, le Grand Duché de Lituanie, uni à la Pologne depuis 1386, comprenait, en plus des terres ethniques lituaniennes, des territoires ruthènes et russes. De son côté, la Grande Principauté de Moscou, libérée du joug tatare depuis 1480, voulait unir tous les territoires peuplés de populations parlant le russe ou le ruthène, y compris ceux sous domination lituanienne.

En guerre contre la Lituanie depuis novembre 1512, une armée moscovite aux ordres du Grand Prince Vasili III prit Smolensk le 30 juillet 1514. En réaction, une force polono-lituanienne quitta la région de Wilna/Vilnius pour reconquérir la ville. Cette force comprenait environ 35 000 soldats repartis en 15 000 Lituaniens de l'armée régulière, 17 000 mercenaires polonais (infanterie, cavalerie, artillerie) et 3 000 cavaliers volontaires constitués par les magnats polonais. Elle était commandée par le Duc Konstantin Ostrogski, Grand Hetman de Lituanie, Castellan de Vilnius, futur Voïvode de Trakai, son second étant le Voïvode de Kiev, Jerzy Radziwiłł. Les forces moscovites étaient deux fois plus nombreuses, aux ordres d'Ivan Andreevitch Czeladnin.

NB : les chiffres sont ceux de Rerum Moscoviticarum Commentarii (Notes sur les Affaires Moscovites) écrites en 1549 par Sigismund, Freiherr von Herberstein. Ils ont été par la suite sujets à caution.

Czeladnin décida de livrer bataille près d'Orcha (aujourd'hui dans l'est du Bélarus), là où le Dniepr s'oriente vers le sud. Il partagea ses troupes en deux pour bloquer les ponts, mais les Polono-Lituaniens, qui disposaient de sapeurs, réussirent à traverser le fleuve dans la nuit du 7 septembre sur deux ponts reposant sur de grands barils.

La tactique de Czeladnin était de déborder les Polono-Lituaniens pour les rejeter dans le fleuve. A la deuxième attaque, la cavalerie légère lituanienne de l'aile droite fit semblant de fuir, mais, en fait, attira les Moscovites vers un bois où était cachée l'artillerie polonaise. De tous les côtés, les forces lituaniennes et polonaises surgirent et encerclèrent les Moscovites. Ce fut la panique et la débandade dans les rangs ceux-ci. Czeladnin fut fait prisonnier ainsi que 8 de ses commandeurs et des milliers de soldats. Il y eut entre 30 et 40 000 Moscovites tués. Les Polono-Lituaniens s'emparèrent du camp moscovite et de plus de 300 canons. Dans la foulée, il se réapproprièrent les places fortes qu'ils avaient auparavant perdues, à l'exception de Smolensk. La progression des Moscovites était arrêtée pour quatre ans.

En décembre 1514, l'Hetman Ostrogski fit une entrée triomphale à Vilnius. Deux églises orthodoxes y furent construites pour commémorer la victoire : l'église de la Sainte Trinité et l'église Saint-Nicolas.


vendredi 29 juillet 2022

La conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) et Königsberg

 


C'est en 1255 que fut fondée Königsberg (« la montagne du Roi »), en l'honneur du roi de Bohême Ottokar II qui avait donné l'autorisation de raser le village de Tvankste pour la construire. La ville devint la tête de pont du territoire des Chevaliers Teutonique, qui sera appelé en allemand Preussen. Car paradoxalement, les colonisateurs/exterminateurs prirent le nom des colonisés/exterminés, la tribu balte des Prūsai !  

Successivement partie de l'État monastique des chevaliers Teutoniques, du duché héréditaire de Prusse, puis du Royaume en Prusse (1701 – 1772) puis le Royaume de Prusse (1772 – 1918), Königsberg a été « de tous temps » la capitale de la province de Prusse Orientale (Ostpreußen).

A l'issue de la Première Guerre mondiale, la Prusse Orientale a été séparée en 1919 du reste de l'Allemagne par la création du corridor de Dantzig, donnant un accès à la mer à la Pologne , et par celle de la ville libre de Dantzig, sous administration de la SDN. Le traité de Versailles l'amputa également du territoire de Memel au nord, que les Lituaniens annexèrent manu militari en janvier 1923, rebaptisant la ville - Klaipėda. Jusqu'en 1945, la population de la province fut allemande, mais il y avait aussi une minorité d'origine lituanienne, les Lietuvininkai (ou Lituaniens de Prusse).

On se rappellera que, lors de la Conférence de Téhéran (28 novembre au 1er décembre 1943), l'un des points sur lesquels les Alliés s'étaient accordés était le démembrement de l'Allemagne. Staline souleva le sujet de l'annexion de Königsberg, argumentant que l'URSS avait besoin d'un port libre de glace toute l'année. Churchill répondit que c'était une proposition intéressante et qu'il promettait de l'étudier. Roosevelt ne fit pas de commentaire, ce qui fut considéré comme une acceptation.

On oublie généralement que c'est à la conférence de Moscou (du 9 au 19 octobre 1944), qui suivit celle de Téhéran, réunissant principalement Churchill et Staline, que les Britanniques durent accepter le principe d'un partage de l'Europe en zones d'influences entre les Alliés occidentaux et l'URSS, principe entériné à la conférence de Yalta (4 au 11 février 1945). A cette occasion,  les Alliés occidentaux n’ont pas exigé que Staline applique la démocratie et l'auto-détermination des peuples, et l'ont laissé imposer des dictatures d'obédience soviétique qui dureront autour de 45 ans en Europe de l'est.




C'est finalement à la conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) que fut agréé le principe du transfert de Königsberg à l'URSS. Staline dit « Si les gouvernements U.S. et britanniques approuvent le principe de cette proposition, c'est suffisant pour nous ». Churchill répondit : « I agree ». Truman (qui avait été élu comme vice-président de Franklin Roosevelt en 1944, et qui lui a succédé à sa mort le 12 avril 1945) répondit lui aussi « I agree ».



Le 12 septembre 1990 était signé le Traité de Moscou dit « 4+2 » qui fixait le statut international de l'Allemagne unie. Son article premier précisait notamment que « L'Allemagne unie n'a aucune revendication territoriale quelle qu'elle soit envers d'autres États et n'en formulera pas à l'avenir ». La réunification intervient le 3 octobre 1990. Le 14 novembre 1990 était signé à Varsovie le Traité sur la frontière germano-polonaise qui fixait les limites de l'Allemagne réunifiée avec la Pologne sur la ligne Oder-Neiβe, frontière effective depuis 1945. L'Allemagne renonçait donc définitivement aux anciennes provinces situées à l'est de ces deux rivières, en particulier à la Prusse Orientale. Il est indéniable qu'aux yeux de la loi internationale, l'URSS est le propriétaire légal du territoire de Königsberg.

La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque rejoignirent l'OTAN le 12 mars 1999. Le 29 mars 2004, ce fut le tour de sept autres États, dont les trois États baltes. L'oblast de Kaliningrad s'est donc trouvé coincé entre deux États membres de l'Alliance Atlantique, la Pologne et la Lituanie. C'est ainsi que nous avons aujourd'hui cette anomalie russe au sein de l'Union Européenne.

J'en profite pour souligner que la pseudo promesse de non-extension de l'OTAN vers l'est, qui aurait été faite par James Baker à Mikhaël Gorbatchev, devenue le nec plus ultra actuel de la propagande russe et de ses affidés occidentaux, est une belle fake news. En juillet 2015, Vladimir Poutine le reconnaissait lui-même face à son faire-valoir, le réalisateur américain Oliver Stone : « Rien n'avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée ». Et là, il parle en connaissance de cause, lui qui a violé en 2014 le mémorandum de Budapest (5 décembre 1994) qui garantissait l'intégrité territoriale et la sécurité de l'Ukraine ……..



dimanche 17 juillet 2022

17 Juillet 1933 : Darius et Girėnas s'écrasent après avoir traversé l’Atlantique

 



Steponas Darius (1896 – 1933) et Stasys Girėnas (1893 – 1933) sont des héros en Lituanie mais, comme bien souvent, inconnus à l’étranger. Ils ont pourtant écrit une des plus belles pages de l’histoire de l’aviation, qui s’est hélas terminée tragiquement.

Tous les deux émigrés aux États-Unis pour fuir l’Empire russe tsariste, ils rejoignirent l’Armée américaine pendant la Première Guerre mondiale. Steponas Darius combattit même en France, y fut blessé et reçut donc pour cela la « Purple Heart ». Il participe même à l’organisation de la révolte de Klaipėda contre les Français en 1923.

Les années 30 les retrouvent tous les deux pilotes aux États-Unis. Le 18 Juin 1932, ils achètent un avion Bellenca CH-300 Pacemaker, et le font modifier pour l’adapter à un vol transatlantique, notamment par l’adjonction de réservoirs de carburant supplémentaires et d’un moteur plus puissant. Les modifications sont terminées le 29 Mars 1933, l’avion est peint en orange et reçoit le nom de « Lituanica ».



Il y a 89 ans, le 15 Juillet 1933, Steponas Darius et Stasys Girėnas quittaient l’aérodrome Floyd Bennett à New York, à 06H24 heure locale (Eastern Time Zone), pour traverser l’Atlantique à bord de leur « Lituanica ».

Après avoir volé avec succès pendant 6 411 km, l’avion s’est écrasé, pour des raisons qui restent indéterminées, à 636 km de sa destination, Kaunas, le 17 Juillet 1933 à 00H36 (heure de Berlin), près du village de Kuhdamm en Prusse Orientale (aujourd’hui Pszczelnik en Pologne), après 37 heures et 11 minutes de vol.  En distance, ce fut le deuxième plus long vol effectué à l’époque, en durée le quatrième. Ce fut surtout le premier vol dans l’histoire à avoir transporté du courrier transatlantique.



Le crash fut peut-être dû à des difficultés de moteur, conjugués à des problèmes météo, entraînant un atterrissage d’urgence raté. Mais certains ont évoqué la possibilité que le « Lituanica » ait été abattu, ayant été pris pour un avion espion car il volait à proximité d’un camp de concentration. A noter que toutes les pièces de l'épave de l'avion n'ont pas été rendues. 

Rapatriés par un avion allemand le 19 Juillet 1933, les corps de Darius et Girėnas furent placé en 1936 dans un mausolée du vieux cimetière de Kaunas, mausolée détruit par les soviétiques pendant leur deuxième occupation.  Ils sont aujourd’hui au cimetière militaire de Šančiai, à Kaunas. L’épave du « Lituanica » est, elle, au Musée de la Guerre.

Mémorial à l'emplacement du crash
En Lituanie, Steponas Darius est doublement un héro puisque c’est lui qui y aurait introduit le basket-ball, deuxième religion du pays.

Ancien billet de 10 Litai


vendredi 15 juillet 2022

15 juillet 1410 : bataille de Žalgiris

 



Même 612 ans après, la date du 15 Juillet 1410 est connue des écoliers lituaniens à l’instar de celle de la bataille de Marignan pour les écoliers français (du moins à mon époque). Il s’agit de la bataille de Žalgiris, qui a mis un coup d’arrêt aux visées expansionnistes des Chevaliers Teutoniques.

Contexte historique

L’Ordre Teutonique, installé dans la région depuis 1226, avait passé le XIVème siècle à combattre la Lituanie païenne. Mais, en 1386, la donne avait changé : le Grand-duc de Lituanie, Jogaila, s’était marié avec la princesse polonaise Edwige (Jadwiga) d’Anjou et était devenu Roi de Pologne, instituant une union personnelle entre la Pologne et la Lituanie. Mais, pour ce faire, il avait dû se faire baptiser et faire baptiser la Lituanie. En 1404, l’Ordre Teutonique et la Pologne avaient signé une paix perpétuelle.

Mais, en 1409, la Žemaitija (nord-ouest de la Lituanie actuelle), toujours païenne, prend les armes contre l’Ordre Teutonique qui l’occupe; l’Union Pologne-Lituanie, qui considère la Žemaitija comme une partie de son territoire, appuie sa révolte. Le 14 Août 1409, le Grand-maitre des Teutoniques, Ulrich von Jungingen, déclare la guerre à l’État polono-lituanien. Mais il propose également un armistice, car aucun des deux camps n’était prêt à la guerre. Celui-ci dura du 8 Octobre 1409 au 24 Juin 1410, et fut prolongé de 3 semaines, car chaque camp, comprenant l’importance capitale de la bataille à venir, regroupait ses forces. Côté Teutoniques, des chevaliers vinrent de toute l’Europe, notamment de France (on parle de 120 chevaliers), de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. De l’autre côté des Cosaques ukrainiens, des chevaliers de Bohème, des Russes et des Tatars rejoignirent l’armée polono-lituanienne. Les Polono-Lituaniens étaient les plus nombreux (45 000 à 50 000), mais les Teutoniques (32 000 à 36 000) étaient mieux équipés et mieux entraînés.

La bataille

NB : la bataille est appelée Tannenberg par les Allemands, Grünwald par les Polonais et Žalgiris (traduction littérale de Grünwald) par les Lituaniens.

Au matin du 15 Juillet 1410, le soleil se leva vers 4H30. Mais ce n’est qu’à 8H30, alors que les Teutoniques transpiraient au soleil sous leurs cuirasses, mais que les alliées étaient, eux, à l’ombre des bois, que Jogaila accepta le combat. Celui-ci fut longtemps indécis. Le Grand-duc de Lituanie Vytautas (ci-dessous) était de facto le commandant opérationnel sur le terrain, le Roi Jogaila observant depuis une colline à l’écart.



Les Teutoniques furent prêts de l’emporter. Mais Jogaila avait gardé son infanterie en réserve et ne l’engagea qu’à six heures du soir. Les paysans polonais et lituaniens s’élancèrent fanatiquement, remplis de haine et de revanche contre ces Teutoniques qui avaient détruit leurs villages et tué leurs amis.

A 19H20, le Grand-maitre Ulrich von Jungingen fut tué. 28 000 Teutoniques et leurs aides périrent dans cette bataille, dont 50 des 60 Commandeurs de l’Ordre et 209 chevaliers. Seuls 1 400 réussirent à quitter le champ de bataille et à rejoindre leur capitale Marienburg (aujourd’hui Malbork en Pologne). Les Alliés polono-lituaniens comptèrent environ 20 000 tués, dont 12 chevaliers et les 2/3 des fantassins.



Les conséquences

Le Grand-duc Vytautas alla mettre le siège à Malbork, mais sans trop de conviction, ne voulant pas servir sur un plateau une victoire trop éclatante à son rival de toujours, Jogaila. Il se retira d’ailleurs rapidement sur son territoire de Lituanie.

La Paix de Toruń fut signée entre l’État polono-lituanien et l’Ordre teutonique le 1er Février 1411. Les pertes territoriales de l’Ordre furent relativement minimes, les Polonais et les Lituaniens récupérant toutefois la Žemaitija et une partie de la Poméranie. La rançon était par contre colossale, équivalent à 20 tonnes d’argent pur et ruina totalement le trésor teutonique pour deux siècles !

Mais surtout, le plus important est que cette victoire permit à la Pologne et à la Lituanie de ne pas subir le sort des malheureux Vieux-Prussiens, exterminés par les Teutoniques, et de conserver leur indépendance et leur culture pour les siècles à venir.

Le traumatisme fut énorme côté germanique. À un point tel que, lorsque le général Paul von Hindenburg battit les Russes dans la région le 30 Août 1914, il obtient que sa victoire porte le nom de Tannenberg, afin d’effacer l’affront subi 500 ans auparavant !


mardi 28 juin 2022

28 juin 1919 : le Traité de Versailles et les Baltes

 


Dans l'inconscient populaire, la Première Guerre mondiale a pris fin le 11 novembre 1918. En fait, il n'en est rien, puisque ce jour-là ne fut signé à Rethondes qu'un armistice. Il faut attendre le 28 juin 1919 – soit 5 ans jour pour jour après l'attentat de Sarajevo – pour que soit signé à Versailles un traité de paix avec l'Allemagne, et encore n'était-ce que le premier, d'autres étant signés ultérieurement :

  • Traité de Saint-Germain-en-Laye, le 10 septembre 1919, avec l’Autriche

  • Traité de Neuilly-sur-Seine, le 27 novembre 1919, avec la Bulgarie

  • Traité de Trianon, le 4 juin 1920, avec la Hongrie

  • Traité de Sèvres, le 10 août 1920, avec la Turquie (non ratifié, il sera remplacé par le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923)

Les négociations de paix s'étaient ouvertes à Paris le 18 janvier 1919 et réunissaient 27 délégations des puissances victorieuses. Les plénipotentiaires allemands avaient été tenus à l'écart des débats sur la préparation du traité. Ils ne prirent connaissance du texte final du traité que le 7 mai 1919 (sept semaines avant la séance de signature) sans qu'ils aient pu négocier quoi que ce soit. Ce fut une première dans les annales de la diplomatie européenne. Ils proposèrent des modifications le 29 mai 1919 mais elles furent toutes rejetées sauf une, concernant la Silésie. En Allemagne, ce fut l'indignation et l'opinion publique qualifia le traité de Diktat.



Le traité de Versailles fut pour l'essentiel arbitré par quatre personnes : le Français Georges Clemenceau, le Britannique David Lloyd George, l'Américain Thomas Woodrow Wilson et l'Italien Vittorio Orlando. Le président Wilson était un idéaliste qui voulut imposer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, conformément à ses Quatorze Points de janvier 1918, au risque de créer des États-croupions non viables en Europe centrale. Le Premier ministre britannique Lloyd George, dans le souci de maintenir un certain équilibre entre les puissances européennes et aussi pour complaire au président Wilson, aurait voulu éviter de trop écraser les puissances d'Europe centrale mais son souhait fut contrecarré par Georges Clemenceau. Car le «Tigre» voulait punir l'Allemagne. Il y était poussé par les militaires comme le général Foch et surtout par son opinion publique, qui avait le sentiment justifié d'avoir donné son sang plus que d'autres dans la Grande Guerre.

Le Traité est finalement signé dans la galerie des Glaces du château de Versailles le 28 juin 1919, sur les lieux mêmes où fut fondé l'empire allemand le 18 janvier 1871. En rupture avec les traditions diplomatiques de l'ancienne Europe, les plénipotentiaires allemands sont reçus de la plus mauvaise manière qui soit. La séance dure cinquante minutes. Ni décorum, ni musique. Clemenceau, debout, invite les Allemands à signer les premiers le traité (L'assemblée réunie à Weimar ne s'était résignée à approuver le traité que le 22 juin 1919). À leur suite, chaque délégation s’approche du bureau pour signer.



Alors que les Allemands s'indignent d'un Diktat, la majorité des Français jugent pour leur part le traité encore trop indulgent à l'égard de l'Allemagne, au regard de ce qu'eux-mêmes ont dû encaisser cinquante ans plus tôt avec le traité de Francfort qui a conclu la guerre franco-prussienne. Ils en tiendront rigueur à Clemenceau si bien que celui-ci sera empêché d'être élu à la présidence de la République l'année suivante ! Quant aux Américains, soucieux de concorde, ils s'indignent à l'égal des Allemands de la trop grande sévérité du traité. Le 19 mars 1920, le Sénat américain s'offre même le luxe de ne pas ratifier le texte signé par le président Wilson. En le rejetant, il refuse par la même occasion l'entrée des États-Unis à la SDN !

Quant aux États baltes, ils ne sont évoqués, sans être cités, que dans l'article 99 du Traité. La présence des délégations baltes à la Conférence de Paris n'était d'ailleurs qu'officieuse, et elles n'ont pas participé aux négociations de paix. Il faut dire qu'initialement le Quai d'Orsay, dans une note du 14 février 1919, voyait dans la reconnaissance potentielle de l'indépendance des « provinces baltiques » « un grave danger pour la paix en Europe » !!

C'est le Traité de Versailles qui amputa la Prusse Orientale du territoire de Memel. Mais c'est une autre histoire, sur laquelle je reviendrai abondamment.



Texte intégral du Traité de Versailles : https://www.herodote.net/Textes/tVersailles1919.pdf