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jeudi 25 mars 2021

25-28 mars 1949 : Déportation de 90 000 Baltes, un crime contre l'humanité

 


Le 8 mai 1945 n’a pas signifié la fin de la guerre pour une grande partie de l’Europe, occupée par l’Union soviétique. Des mouvements de résistance, principalement les Frères de la Forêt, menèrent des actions armées dans les trois États baltes, et principalement en Lituanie où ils étaient les mieux organisés.

C’est Alexsandr Mishutin, procureur de la RSS de Lettonie, qui alerta Moscou dans un rapport secret,  le 21 septembre 1948, indiquant que des groupes clandestins de résistance, incluant des Koulaks (« riches » paysans), et des éléments contre-révolutionnaires, « pourrissaient la société soviétique lettone ».  

Le Conseil des Ministres de l’URSS (dont le président était Joseph Staline) prit, le 29 janvier 1949 la décision n° 390-1388ss approuvant la déportation des « Koulaks », des nationalistes (sic) et des bandits (re-sic), mais aussi de leurs soutiens et de leurs familles, depuis l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie.  L’objectif était double : forcer à la collectivisation des propriétés et éliminer les soutiens des insurgés.

Le 28 février 1949, Viktor Abakumov, le Ministre de la Sécurité d’Etat (MGB) signa l’ordre n° 0068 du MGB pour la préparation et l’exécution de la déportation par les Forces de l’Intérieur, aux ordres du Lieutenant-Général Burmak. Compte tenu de l’objectif de 30 000 familles à déporter, des troupes additionnelles sont venues en renfort de l’intérieur de l’URSS, 4 350 en Estonie, 4 500 en Lettonie. C’est au total 76 212 personnels, articulés en équipe de 9-10, y compris des activistes du parti communiste armés pour l’occasion, qui ont été impliqués dans la déportation. C'est l'Opération Priboï / Oперация «Прибой»opération « Déferlante »



Selon les chiffres officiels, mais qui parfois divergent, 19 827 personnes ont été déportées d’Estonie, 41 811 de Lettonie et 25 951 de Lituanie. Ils se répartissaient en 27 % d’hommes, 44 % de femmes et 29 % d’enfants de moins de 16 ans. Leur destination était la Sibérie, principalement les oblasts d’Irkoutsk (27 %), d’Omsk (23 %) et de Tomsk (16 %).

Compte tenu du fort taux de mortalité enregistré chez les déportés lors de leurs premières années en Sibérie, en raison de l’incapacité – que ce soit par négligence ou par préméditation – de fournir un hébergement et de l’habillement adapté, certaines sources considèrent ces déportations comme un génocide (intention d’éliminer systématiquement un groupe culturel, ethnique, linguistique, national, racial ou religieux). Se fondant sur la clause dite de Martens (1899) et sur les principes de la Charte de Nuremberg (1945), la Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué que les déportations de mars 1949 constituaient un crime contre l’humanité.

En 1949, le commanditaire du crime (mais pas seulement de celui-là) était Staline, ce même Staline réhabilité par le pouvoir russe actuel.  



La conclusion que j'avais écrite en 2011 sur le sujet est toujours d'actualité : « Les crimes nazis et les crimes soviétiques sont une réalité. En aucun cas les crimes des uns ne peuvent excuser les crimes des autres. En aucun cas le commanditaire du crime, qu'il soit vainqueur ou vaincu d'une guerre mondiale, n'est absout et ne doit échapper à la justice, pas plus que l'exécutant. »




jeudi 18 mars 2021

15 mars 1909 : naissance du Général Jonas Žemaitis

 


S’il est quasiment inconnu en France, le Général Jonas Žemaitis est un héros en Lituanie. L'anniversaire de sa naissance est l’occasion de rappeler sa carrière et son destin, et de souligner que certains, en France, auraient – au moins - une raison de le connaître.

Jonas Žemaitis  est né le 15 Mars 1909 à Palanga. Il étudie à l’Ecole Militaire de Kaunas à partir de 1926 et en sortira le 23 Novembre 1929 avec le grade de Lieutenant. En 1936, il réussit un concours et part en France. De 1936 à 1938, Jonas Žemaitis est Officier stagiaire à l’Ecole d’Application d’Artillerie de Fontainebleau.



Installée initialement à Metz depuis 1802, l’École d’Application de l’artillerie et du génie est recréée à Fontainebleau le 11 Décembre 1871 suite à la défaite de 1871. En 1912, l’Ecole d’Application du génie est créée à Versailles et l’École de Fontainebleau est rebaptisée École d’Application d’Artillerie. Lorsque le Lieutenant Jonas Žemaitis y effectue son stage, le commandant de l’École est le Général Joseph de la Porte du Theil qui sera, en Juillet 1940, le fondateur et le chef des chantiers de la jeunesse française.  

Jonas Žemaitis sort Capitaine de l’École de Fontainebleau. Après l’occupation de la Lituanie par les troupes soviétiques en 1940, il continue son service actif. Par contre, il se retire lorsque l’Allemagne attaque l’URSS, ne voulant pas servir les nazis.

En Février 1944, les Allemands autorisent la création par le Général Povilas Plechavičius d’une force territoriale lituanienne de défense (Lietuvos vietinė rinktinė), espérant en faire une unité supplétive des SS. Refusant toutes les tentatives allemands de phagocyter son unité forte de 20 à 30 000 hommes, Plechavičius fut arrêté par les Allemands le 15 Mai 1944, avec un millier de cadres et de soldats. Environ une moitié des effectifs réussirent à s’enfuir dans les forêts et constituèrent l’Armée Lituanienne de la Liberté (Lietuvos laisvės armija ou LLA), s’attaquant aux forces d’occupation soviétiques.

Devant le Ministère de la Défense

 La résistance en Lituanie était organisée comme une véritable armée, avec des combattants en uniforme et une chaîne de commandement, contrôlant l’ensemble du territoire de la Lituanie en dehors des villes, organisé en trois régions militaires et neuf districts, jusqu’en 1949.  

En Février 1948, les leaders de la résistance se réunirent dans le village de Minaičiai et établirent un commandement central, l’Union lituanienne des combattants de la Liberté (Lietuvos laisvės kovos sąjūdis ou LLKS). Jonas Žemaitis en fut élu le chef. Le 16 Février 1949, date du 31ème anniversaire de l’indépendance de la Lituanie, le bureau du LLKS signa une déclaration fixant que la Lituanie, une fois sa souveraineté restaurée, sera un État démocratique, fondé sur la Liberté et les valeurs démocratiques, où tous les citoyens auront les mêmes droits. En 1999, le Seimas (Parlement) reconnut formellement ce document comme une déclaration d’indépendance. 

Mais, en Décembre 1951, Žemaitis fut frappé par une hémorragie cérébrale et devint paralysé. Le 30 Mai 1953, sa cachette est découverte et il est arrêté par des agents soviétiques. Il est transporté à Moscou et y est interrogé par le Ministre de l’Intérieur, Lavrentiy Beria lui-même. Jonas Žemaitis sera exécuté, dans la prison de Butyrka, le 26 Novembre 1954.


Monument à Palanga

Jonas Žemaitis sera nommé Général de brigade à titre posthume. Le 11 Mars 2009, il est officiellement reconnu comme quatrième Président de la République de Lituanie. L'Académie Militaire lituanienne porte son nom (Generolo Jono Žemaičio Lietuvos karo akademija)



18 mars 1921 : Traité de Riga

Les signataires du Traité de Riga

Ce 18 mars 2021, nous commémorons le centième anniversaire du Traité de Riga qui mit fin à la guerre entre la Pologne et la Russie soviétique (l'URSS ne sera fondée que le 30 décembre 1922) et redessina la carte de l'est de l'Europe. 

Car, si à l'ouest de l'Europe les combats entre belligérants cessèrent le 11 novembre 1918, à l'est il faudra attendre 1923 pour parvenir à un relatif apaisement. La Pologne, notamment, avait retrouvé le 11 novembre 1918 son indépendance perdue à la fin du XVIIIe siècle. Mais , conséquence du Traité de Versailles (signé le 28 juin 1919), les frontières entre les deux États, Pologne et Russie, ne sont pas clairement définies. 

 En Russie, l'année 1919 est décisive. Les Russes Blancs (Koltchak, Denikine, Ioudenitch) lancent contre les bolcheviques trois grandes offensives – mal coordonnées - qui se soldent toutes par des échecs. Dans un grand élan d'optimisme, Lénine croit que toutes les nations du monde vont se soulever pour créer une alliance communiste mondiale. Il veut d'abord faire la liaison avec la révolution allemande en se servant de la Pologne comme d'un pont. Qu'on se rappelle le Général Mikhaïl Toukhatchevski déclarant : « À l’Ouest ! Sur le cadavre de la Pologne blanche se trouve la route à la révolution mondiale. Marchons sur Vilno, Minsk, Varsovie ! » 

Général Mikhaïl Toukhatchevski


Les premiers affrontements sérieux ont lieu le 14 février 1919 en Biélorussie. Jusqu'au début de 1920, la contre-offensive polonaise est plutôt une réussite. Il faut dire que l'Armée Rouge est très occupée par la guerre civile, même si les Blancs reculent lentement de la Lettonie à l'Ukraine. Mais, en janvier 1920, les bolcheviques concentrent 700 000 hommes en Biélorussie. Les Polonais, ayant appris que les Russes préparaient une offensive, attaquent les premiers en avril. C'est l'opération Kiev, avec pour objectif la création d'une Ukraine indépendante, qui deviendrait une des composantes du projet de Fédération Międzymorze de Piłsudski. Mais, après des succès initiaux, les Polonais doivent battre en retraite. 

Général Józef Piłsudski



Le 4 juillet 1920, le général Mikhaïl Toukhatchevski lance l'offensive russe. Varsovie et la Pologne ne doivent leur salut que grâce au « Miracle de la Vistule » le 15 août 1920. La retraite russe se déroule dans le plus grand désordre. Les Russes vont alors demander la paix. Un armistice entre en vigueur le 18 octobre 1920 et de longues négociations de paix s'ensuivent, initialement à Minsk, puis à Riga. 

Défenseurs polonais de Varsovie


La paix de Riga est finalement signée le 18 mars 1921, partageant les territoires contestés en Biélorussie et en Ukraine entre la Pologne et la Russie et mettant fin au conflit. Le traité se composait de 26 articles. Il a largement déterminé la frontière soviéto-polonaise pour la période d’entre-deux guerres. Ces frontières sont restées en vigueur jusqu'en 1939 . Les deux États revendiquent la victoire dans ce conflit, mais le traité de 1921 se traduit de facto pour la Pologne par des concessions territoriales. Néanmoins, Lénine, dans son rapport secret à la 9ème Conférence des partis bolcheviques, du 20 septembre 1920, parle ainsi de l'issue de la guerre : « En un mot, une gigantesque et inouïe défaite ».



jeudi 11 mars 2021

11 Mars 1990 : Acte de rétablissement de l’État lituanien

 


Certains datent – arbitrairement – le retour à l’indépendance de la Lituanie de la fin Août 1991, après l’échec de l’étrange putsch de Moscou des 19 – 21 Août. A la rigueur, ce pourrait être du 6 Septembre 1991, lorsque l’Union soviétique a reconnu l’indépendance (et non pas le retour à l’indépendance) de la Lituanie. Mais était-ce à la puissance occupante, depuis 50 ans, de dire le droit ?

A la vérité, les élections au Soviet suprême de Lituanie du 24 Février 1990, les premières qui aient été pluralistes en Union soviétique, avaient amené au Parlement lituanien 96 députés de Sajūdis (mouvement unifiant les partisans d’une Lituanie indépendante) sur 141.

C’est donc légalement, conformément à la Constitution soviétique, que le Soviet suprême, devenu Conseil Suprême de la République de Lituanie, adopta, le 11 Mars 1990, à 22H44, l’Acte de rétablissement de l’État lituanien, marquant la continuité avec l’État lituanien né de la déclaration d’indépendance du 16 Février 1918.



124 députés votèrent pour l’acte de rétablissement (donc y compris les députés du Parti communiste lituanien, qui avait déclaré sa scission avec Moscou), 6 s’abstinrent, aucun ne vota contre (mais où étaient les 11 manquant ?......). Juridiquement, c’est la Constitution du 12 Mai 1938 qui redevenait légale.


Traduction :

« Acte concernant le Rétablissement de l'État lituanien

Le Conseil Suprême de la République de Lituanie, représentant la volonté de la nation, décrète et proclame solennellement que les pouvoirs souverains de l'État de Lituanie, abolis par les forces étrangères en 1940, sont rétablis, et que désormais la Lituanie est à nouveau un État indépendant.

L'Acte d'indépendance du 16 février 1918 du Conseil de Lituanie et le décret de l'Assemblée constituante du 15 mai 1920 sur la restauration de l'État démocratique de Lituanie n'ont jamais perdu leur effet juridique et comprennent la fondation constitutionnelle de l'État de la Lituanie.

Le territoire de la Lituanie est un et indivisible et la constitution d'aucun autre État n'est valide à l'intérieur de ses frontières.

L'État de Lituanie insiste sur son adhésion aux principes universellement reconnus de droit international, il reconnaît le principe d'inviolabilité de frontières comme formulé dans l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la Coopération en Europe tenue à Helsinki en 1975, et il garantit les droits humains, civils et ethniques des communautés.

Le Conseil Suprême de la République de Lituanie, en proclamant son pouvoir souverain, commence par le présent acte à mettre en œuvre la souveraineté complète de l'État. »


Le « bon » M. Gorbatchev exigea que la souveraineté de l’U.R.S.S. soit rétablie sur tout le territoire. A partir du 13 Mars 1990, il fit imposer des sanctions politiques et sociales et, d’Avril à Juin 1990, un blocus économique. L’agression soviétique atteint son paroxysme le 13 Janvier 1991, lorsque les OMON attaquèrent la tour de télévision de Vilnius, faisant 14 morts et au moins 600 blessés, ce qui déclencha l’indignation du monde libre. Le Président de la Russie, élu au suffrage universel, Boris Eltsine, condamna l’attaque et reconnut la souveraineté des États baltes. C’était le début de la fin pour l’U.R.S.S..



C’est un euphémisme de dire que la réaction de la France officielle à ces événements a été ambiguë. Le Président François Mitterrand nota dans son journal, à la date du 11 Mars 1990 : « Les Lituaniens vont tout détruire. Ils n’ont presque jamais été libres. {…}. Ces gens sont à plaindre. Je comprendrais si Gorbatchev utilisait la force ». Quant à son Ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, il montrait les limites de sa culture (ou de ses fiches) sur la Lituanie en déclarant le 13 Janvier 1991 : « Après tout, les Baltes n’ont été indépendants que pendant vingt ans »…… Mindaugas, Gediminas, Vytautas, etc.…… ont dû se retourner dans leur tombe !

mercredi 3 mars 2021

3 Mars 1918 : Traité de Brest-Litovsk entre l'Allemagne et la Russie bolchevique

 

Brest (Litovsk) aujourd'hui


On sait que la révolution dite d’octobre en Russie commença le 25 octobre du calendrier julien, donc le 7 novembre 1917 du calendrier grégorien, par un coup d’état mené par Lénine, Trotsky et les bolcheviks contre le gouvernement provisoire d’Aleksandr Kerenski, issu de la révolution de février. Mais immédiatement après cette prise du pouvoir se déclencha une guerre civile qui, au-delà de l’affrontement entre révolutionnaires bolcheviks et « Blancs », est un chaos indescriptible et violent.

Conscient que l’avenir de la révolution dépend de la paix militaire, Lénine signe dès le 8 Novembre, lendemain de la prise de Petrograd (Saint-Pétersbourg), un décret demandant une « paix sans annexion ». Mais, venant d’un agitateur au pouvoir précaire, le décret reste lettre morte.

Lénine

Lénine se résout donc à demander l’armistice aux Empires centraux (Empire allemand, Empire austro-hongrois, Empire ottoman et Royaume de Bulgarie) et aux Alliés. Seule les Empires centraux répondent, l’Allemagne étant notamment intéressée par une paix séparée à l’est qui lui permettrait de ramener des troupes à l’ouest. L’armistice est signé le 15 décembre 1917.

Armistice du 15 décembre 1917


Trotsky, Commissaire du Peuple aux Affaires Étrangères, fut chargé de conduire les négociations de paix. Mais il les fait traîner en longueur car il espère que les Allemands vont rapidement suivre les Russes dans la voie de la « révolution prolétarienne ».

 

Trotsky

Les pourparlers débutent à Brest-Litovsk (Brest-la-Lituanienne, aujourd’hui Brest au Bélarus) le 22 décembre 1917 mais s’arrêtent dès le 28 Décembre, les Russes retournant à Petrograd pour consultations, après l’exposé des exigences allemandes. Il y aura d’ailleurs plusieurs suspensions, les exigences allemandes augmentant à chaque fois. Les négociations étant au point mort en février, les Allemands reprennent l’offensive militaire le 21 février 1918, occupant les Pays baltes et l’Ukraine, dont les ressources agricoles vont pouvoir en outre compenser le blocus allié.

 

Les bolcheviks sont alors contraints de signer le traité de paix le 3 mars 1918, toujours à Brest-Litovsk, à des conditions considérées cette fois comme humiliantes par les bolcheviks. La Biélorussie est directement administrée par l’Allemagne, l’Ukraine (en proie à la guerre civile), les États baltes, récemment indépendants, et la Pologne sont contrôlés par l’Allemagne. L’Empire Ottoman obtient quelques régions.


 

Suite à l’armistice du 11 novembre 1918, le Traité de Brest-Litovsk est dénoncé par le pouvoir soviétique dès le 13 novembre, et l’armée rouge suivra sans l’attaquer la retraite de l’armée allemande, s’attachant toutefois à reconquérir les territoires perdus.

 

Le Traité de Versailles (28 juin 1919) et les traités annexes (Saint-Germain-en-Laye et Trianon avec l’Autriche – Hongrie, Neuilly-sur-Seine avec la Bulgarie et Sèvres avec l’Empire ottoman), rendront caduc le Traité de Brest-Litovsk.