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mercredi 2 décembre 2020

Romain Gary : naissance et jeunesse à Vilnius

 

Romain Gary (2e en partant de la droite), Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération

Le 2 décembre 1980, il y a exactement 40 ans, l’écrivain Romain Gary se donnait la mort à Paris. Héros de la France libre, Compagnon de la Libération, Commandeur de la Légion d’Honneur, Consul de France à Los Angeles, deux fois Prix Goncourt sous deux identités différentes, peu de gens savaient qu'il avait passé sa jeunesse à Vilnius.

C’est effectivement le 21 mai 1914 (du calendrier grégorien) qu’est né à Vilnius Roman Kacew. Roman, puis Romain Kacew, qui ne deviendra Romain Gary qu’en 1943. Mais aussi Emile Ajar, Shatan Bogat, Fosco Sinibaldi ……  Car, durant sa vie d’adulte, Romain Gary jouera constamment avec plusieurs versions de ses origines. Essayons d’y voir clair.

Roman Kacew est issu de deux lignées de Juifs ashkénazes. Son père, Arieh-Leib Kacew est un fourreur né à Vilnius en 1883, par ailleurs administrateur d’une synagogue. Sa mère, Mina Owczyńska est née à Švenčionys en 1879. Ses parents se sont mariés à Vilnius le 28 août 1912. En 1914, Arieh-Leib et Mina Kacew sont de nationalité russe, avant de devenir polonais en 1920, quand la Pologne occupera la région de Vilnius.

Romain Gary jeune

Le père est mobilisé pendant la guerre dans l’armée russe, Mina et Roman quittent Vilnius pour s’installer quelques mois à Švenčionys. La mesure d’expulsion des Juifs de la zone de front les oblige à partir en Russie intérieure, mais les informations sur cette période sont contradictoires. Finalement ils reviennent à Vilnius en septembre 1921, sans doute suite à la paix de Riga (18 mars 1921) signée entre la Pologne et les bolcheviques. Ils vont résider pendant plusieurs années au 16 de la rue Wielka Pohulanka, aujourd’hui rue Basanavičius, appartement n° 4.

Plaque bilingue, 16 rue Basanavičius


Romain Gary racontera cette jeunesse à Vilnius (qu’il appelle Wilno, à la polonaise) dans la première partie de La promesse de l’aube (1960). Le récit se veut autobiographique, mais certains passages relèvent plus de la fiction que du vécu. Mais le plus important est qu’il rend hommage à sa mère qui croit en un destin extraordinaire pour son fils : « Tu seras un héros, tu seras général ….. Ambassadeur de France ».  


  

C’est d’ailleurs une scène de La promesse de l’aube qu’illustre la statue de Romas Kvintas dédiée à Gary, en face du 16 Basanavičius où il a habité. La statue (ci-dessus), inaugurée en 2007, représente le jeune Roman, âgé de 9 ans, s’apprêtant à manger une chaussure pour séduire sa petite voisine, Valentina ……  


Pour mémoire, c'est le 23 août 1928 que Roman et sa mère arriveront en France et s'installeront chez le frère de celle-ci, Eliasz, à Nice.






dimanche 29 novembre 2020

Commémoration des victimes de l’Holodomor

 



La famine et le génocide ukrainiens de 1932 – 1933, connus sous le nom d’Holodomor,  occupent une tragique place à part dans l’histoire de l’Ukraine, mais aussi de l’Europe. Contrairement à ce que certains voudraient encore faire croire aujourd’hui, l’extermination de millions de paysans ukrainiens par une faim artificielle, a été un acte conscient et délibérément déclenché par le régime soviétique de Joseph Staline, en vue d’anéantir systématiquement les aspirations du peuple ukrainien à la liberté et à l’indépendance.



Pendant les décennies qui ont suivi cette tragédie, ses raisons et son ampleur ont été passées sous silence, voire déformées, par le pouvoir soviétique. Ce n’est qu’après l’accession de l’Ukraine à l’indépendance que la vérité a été révélée.  


Le 26 Novembre 1998, le Président ukrainien Leonid Koutchma a pris un décret présidentiel désignant le quatrième samedi de Novembre comme Jour national du souvenir en mémoire des victimes de cette grande famine.


Le 28 Novembre 2006, le Parlement ukrainien a voté pour la reconnaissance de l’Holodomor comme un génocide contre le peuple ukrainien. A ce jour, 24 pays (dont les 3 Etats baltes), ont reconnu l’Holodomor comme génocide. Pas la France.



Le quatrième samedi de Novembre a été reconnu par les communautés ukrainiennes dans le monde comme le jour choisi pour se souvenir des victimes de l’Holodomor et pour promouvoir les libertés fondamentales d’une société démocratique. Hier donc, samedi 28 novembre 2020, une minute de silence, précédée de l’allumage de bougies, a été respectée par les Ukrainiens et leurs amis, où qu’ils soient dans le monde, de 19.32 à 19.33. (comme 1932 – 1933).


Il est important que de tels crimes soient révélés, que la mémoire des victimes soit conservée et que la souffrance des Ukrainiens soit reconnue, afin que de telles tragédies, décidées au nom d’une idéologie mortifère, ne se reproduisent plus. Mais quand on voit la Russie d'aujourd'hui, non seulement réhabiliter, mais glorifier Staline, on est en droit d'avoir des inquiétudes.     

samedi 28 novembre 2020

26 Novembre 1855 , mort à Constantinople d'Adam Mickiewicz

 


Adam Bernard Mickiewicz de Poraj (ci-dessus en 1828), est né le 24 Décembre 1798 à Navahroudak (en biélorusse : Навагрудак) ou Novogroudok (en russe : Новогрудок) ou en polonais : Nowogródek ou encore en lituanien : Naugardukas. La multiplicité des noms de son lieu de naissance en montre déjà toute l’ambiguïté. Mais le lieu est indubitablement en Lithuania propria, ce qui était depuis le XIIIe siècle le Grand-duché de Lituanie.

En 1798, Navahroudak est un siège de district de l’Empire russe. Mais, jusqu’à la troisième partition de la Pologne-Lituanie de 1795 (soit trois ans avant la naissance d’Adam Mickiewicz), c’était une ville de la partie biélorusse du Grand-duché de Lituanie. Elle avait d’ailleurs été le lieu du couronnement du Roi Mindaugas, seul Roi couronné de Lituanie, le 6 Juillet 1253. Mickiewicz fit ses études à Vilnius, fut enseignant à Kaunas et fut mis en prison en 1823 au couvent des Basiliens à Vilnius, en tant que membre de la société des Philomates. On ne fait pas plus Lituanien. Surtout si on considère le début de Pan Tadeusz (écrit en 1834 à Paris) :

« Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé,

Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.

Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,

Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes. »



On pourrait également citer Konrad Wallenrod, écrit en 1828, qui décrit la lutte des Lituaniens contre les Chevaliers Teutoniques.

Ceci posé, il était surtout un citoyen de la République des Deux-Nations, dépecée au cours des trois partages de 1772, 1793 et 1795, en lutte pour recouvrer sa liberté face à la Russie.

La famille d’Adam Mickiewicz était de petite noblesse (la szlachta) et, comme toute la noblesse, elle s’était polonisée après l’Union de Lublin (1569), la Pologne apparaissant plus raffinée et moins rustre que la Lituanie. En outre, les Bélarusses sont en droit de se réclamer de l’héritage de Mickiewicz, outre son lieu de naissance, tant le folklore bélarusse, avec les thèmes historiques lituaniens, a exercé une grande influence sur son œuvre. Il a d’ailleurs son buste à Brest (-Litovsk).

Mickiewicz fut obligé de quitter la Lituanie en 1823, s’en alla à Saint-Pétersbourg, Odessa et Moscou, puis quitta la Russie en 1829 pour l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et enfin la France, où il arrive à Paris en 1832. Il occupa la première chaire de littérature slave au Collège de France de 1840 à 1844. En 1849, il fonda même un journal en français, « La Tribune des Peuples ».

Pas uniquement poète, avec son implication dans la lutte contre l’occupation russe de la Lituanie, il participe en 1848 à la création d’une Légion Polonaise et part en 1855 à Constantinople pour organiser leur intervention contre les Russes dans la guerre de Crimée. C’est là qu’il meurt, vraisemblablement du choléra, le 26 Novembre 1855. Initialement enterré dans une crypte sous son appartement à Constantinople (Istanbul), puis transféré à Montmorency, il fut ré-enterré le 4 Juillet 1890 au Wawel à Cracovie, dans la crypte des bardes.





jeudi 19 novembre 2020

17 novembre 1520 : naissance de Martynas Mažvydas

 



Ceux qui se sont intéressés peu ou prou à la Lituanie connaissent au moins de nom Martynas Mažvydas. Pendant longtemps, on n'a pas su exactement quand et il était né. On sait aujourd'hui qu'il est né le 17 novembre 1520, il y a donc 500 ans, près de Gardamas, dans l'actuel district de Šilutė.

Ce que l’on sait, c’est qu’il était Protestant, donc persécuté en Lituanie catholique, ce qui est sans doute la raison pour laquelle il accepta en 1546 l’invitation du Duc Albrecht de Prusse (1490 – 1568), premier Duc d’une Prusse sécularisée depuis 1525, de s’installer à Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad) et d’étudier à l’Albertina (Collegium Albertinum).

Afin de diffuser la foi protestante en Prusse, le Duc Albrecht ordonna la traduction et la publication des textes luthériens dans les langues parlées par la paysannerie, à savoir le Vieux Prussien et le Lituanien. C’est ainsi qu’en 1547 Mažvydas publia Catechismvsa prasty szadei (« Les mots simples du catéchisme »), basé sur la traduction polonaise du "Kleiner Katechismus" de Martin Luther. Ce Catéchisme est premier livre imprimé en Lituanien. Le livre a été tiré à environ 200 exemplaires et 2 ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Un se trouve à la bibliothèque de l’université de Toruń (Pologne),  l’autre à la bibliothèque de l’Université de Vilnius.



Nommé prêtre à Ragainė (aujourd’hui Neman dans l’exclave de Kaliningrad) en 1549, puis archidiacre en 1554, Mažvydas continua ses œuvres littéraires, toutes publiées à Königsberg, destinées à l’éducation de ses paroissiens. Ses livres sont publiés en Lituanien, ce qui était révolutionnaire pour l’époque et ce qui l’opposait au clergé catholique qui imposait le Polonais et le Latin.

Martynas Mažvydas meurt le 21 Mai 1563, certains disent à Königsberg , d’autres à Ragainė. La Bibliothèque Nationale lituanienne, fondée en 1919, porte le nom de Martynas Mažvydas




mercredi 18 novembre 2020

18 novembre 1918 : Indépendance de la Lettonie

 


En ce 18 Novembre 2020, la Lettonie fête le 102ème anniversaire de sa déclaration d’indépendance, le 18 Novembre 1918.

Au début de la Première Guerre mondiale, les Lettons avaient pris délibérément fait et cause pour l’Empire russe, espérant, grâce à la victoire de celui-ci, se débarrasser des barons baltes et de l’emprise germanique qu’ils enduraient depuis le XIIIe siècle ! Le 23 Juillet 1915, alors que les forces russes étaient en difficulté, les troupes allemandes occupant la Courlande et progressant vers Riga, un oukase du Tsar Nicolas II permettait la création des Régiments de tirailleurs lettons, premières unités autorisées à se battre sous le drapeau de la Lettonie.

Mais la révolution russe d’Octobre (Novembre 1917) et l’effondrement militaire de la Russie vint changer la donne. L’Allemagne imposa sa domination militaire sur les États baltes. Une partie des unités de tirailleurs lettons devinrent le fer de lance de l’Armée rouge, nouvellement créée. Par l’armistice du 11 Novembre 1918, les troupes allemandes vaincues furent tenues de ne pas quitter leurs positions sur le front oriental, afin de contrer une éventuelle offensive bolchevique. L’armistice ne signifia pas pour autant l’arrêt des combats sur le front de l’est.

Il est en effet nécessaire de souligner la multiplicité des forces en présence sur le territoire letton à cette époque, ce qui explique que la situation y soit des plus confuses :

 # Les bolcheviques, qui prétendaient parler au nom du peuple letton ;

# L’armée nationale lettone, partagée en deux, une partie dans la région de Libau/Liepaja, à côté plus qu’avec les Allemands, et l’autre partie dans le nord de la Lettonie avec les Estoniens ;

# La Baltische Landeswehr, constituée de germano-baltes favorables au Pasteur Needra ;

# Le bataillon de Russes blancs du Prince von Lieven (d’origine livonienne) ;

# L’armée régulière allemande commandée par le Général von der Goltz.

 

La République de Lettonie proclamera donc son indépendance le 18 Novembre 1918 à 16H, au Théâtre National de Riga, mais, en dépit de la présence des troupes allemandes, elle sera presque totalement occupée par l’Armée rouge à la fin Janvier 1919.


Déclaration d'Indépendance du 18 novembre 1918

En dépit d’une politique française relativement floue, accordant la priorité de son soutien à la Pologne et traînant quelque peu les pieds pour reconnaître l’indépendance des États baltes, des Officiers français vont toutefois avoir une action réellement déterminante lors de la guerre d’indépendance lettone.

Le Lieutenant-colonel du Parquet


   
Le Général Janin

Le Général Niessel

Le Capitaine de Vaisseau Brisson

Il s’agit du Lieutenant-colonel du Parquet, chef de la Mission Militaire Française en Lettonie (Mai 1919 – Juillet 1920), du Capitaine de Vaisseau Brisson, commandant la flotte alliée devant Riga en Octobre 1919, du Général Niessel, Président de la Commission interalliée des Pays Baltiques, grâce à qui les Allemands évacueront les Pays baltes (Novembre – Décembre 1919), sans oublier le Général Janin qui, depuis la Sibérie, organisera le retour dans leur pays des tirailleurs lettons « blancs » (Juin 1920).


Plaque à la mémoire du CV Brisson sur le mur du château de Riga

Après bien des réticences, liées au désir de voir renaître une Russie forte et aux doutes quant à la viabilité d’un État letton, les puissances alliées ne reconnaîtront de jure l’indépendance de la Lettonie que le 26 Janvier 1921. La candidature de la Lettonie à la Société des Nations sera rejetée une première fois le 16 décembre 1920 et il faudra attendre le 22 Septembre 1921 pour qu’elle puisse y adhérer, en même temps que l’Estonie et la Lituanie.

mercredi 11 novembre 2020

Le 11 novembre, jour de Lāčplēšis en Lettonie

Lāčplēšis sur le monument de la Liberté à Riga

 Si le 11 novembre 1918, date de signature du cessez-le-feu mettant fin aux combats de la Première Guerre mondiale, est encore largement célébré en France et en Europe, la Lettonie célèbre, elle, un autre 11 novembre. 

Le 11 Novembre, les Lettons célèbrent en effet le Jour de Lāčplēšis (Lāčplēša Diena). Ce jour a pour objet de commémorer le combat de tous les habitants de la Lettonie contre tous les envahisseurs (et Dieu sait qu’ils ont été nombreux !).

Mais, sur le plan historique, c’est une réminiscence du 11 Novembre 1919, victoire dans la guerre de libération nationale, qui s’est déroulée de Décembre 1918 à Août 1920. Ce jour-là marque la fin de la bataille de Riga, victoire de l’armée lettone sur celle de Bermondt-Avalov, ce pseudo prince russe, mais véritable aventurier aux origines incertaines, qui avait formé des Corps francs russo-allemands, avec la bénédiction du général allemand Von der Goltz censé avoir retiré ses troupes de Lettonie. 


Bermondt-Avalov

Lāčplēšis fait référence au personnage central d’un poème épique éponyme, écrit entre 1872 et 1887, à l’époque donc de la Renaissance nationale du peuple letton, par Andrejs Pumpurs (1841 – 1902), une figure marquante du mouvement «Jaunlatvieši » (« Nouveaux Lettons »).

Andrejs Pumpurs


Lāčplēsis avait été choisi par les dieux pour devenir le héros de son peuple. Son nom signifie pourfendeur d’ours car, jeune homme, il avait déchiqueté un ours de ses propres  mains, épisode qui apparaît sur le socle du Monument de la Liberté à Riga. Après maintes aventures, où la lutte de Lāčplēsis contre les Germaniques est omniprésente, le héros disparaît finalement dans la Daugava avec son dernier adversaire, le Chevalier noir, celui-ci ayant découvert que la force de Lāčplēsis résidait dans ses oreilles (sa mère étant une ourse). Mais la légende dit que Lāčplēsis reviendra pour libérer son pays en rejetant le monstre à ma mer. Les ennemis potentiels de la Lettonie sont prévenus.

On notera que l’Ordre de Lāčplēsis a été institué à cette occasion et que les premiers récipiendaires l’ont reçu le 11 Novembre 1920 (il a été attribué jusqu’en 1928). Parmi les récipiendaires, j’ai compté 49 Français s’étant illustrés lors de la guerre d’indépendance de la Lettonie, dont certains sont bien connus des spécialistes de cette période : le Général Niessel, le Général Janin, le Capitaine de Vaisseau Brisson et le Lieutenant-colonel du Parquet. Mais on trouve également le Maréchal Foch et le Général Weygand, ainsi que la ville de Verdun.   



On soulignera enfin que la Fête Nationale lettone tombe une semaine plus tard, le 18 Novembre, et commémore la Proclamation d’Indépendance (Latvijas republikas proklamēšana diena) du 18 Novembre 1918. Cette proximité peut être source de confusion.





jeudi 5 novembre 2020

La famille de Choiseul-Gouffier et la Lituanie

 

La famille de Choiseul est une famille noble française dont on a notamment entendu parler (du moins, à l’époque où l’Histoire était encore aux programmes scolaires) à travers le duc Etienne-François, Premier Ministre de Louis XV de 1758 à 1770. Mais la famille de Choiseul comportait plusieurs branches dont une des moins connues en France est sans doute celle des Choiseul-Gouffier. En France car en Lituanie, et notamment en Žemaitija, ce n’est pas le cas !



En ce 2 novembre 2020, Jour des Morts, la branche de Plungė de l'association Lituanie-France a fleuri à Plateliai la tombe du comte Gabrielius Bogdan (né à Plungé en 1874, décédé à Kaunas en 1935) et de sa sœur aînée Marie Sophie (née en 1871 à Plungé, décédée en 1930 à Plungé), membres de cette illustre famille (cf. ci-dessus). Retour sur la saga des Choiseul-Gouffier en Lituanie.

Marie-Gabriel-Florent-Auguste, comte de Choiseul-Gouffier


Au début était Marie-Gabriel-Florent-Auguste, comte de Choiseul-Gouffier, philhellène (« qui aime la civilisation grecque »), Ambassadeur de Sa Majesté très chrétienne près la Sublime Porte à Constantinople depuis le 23 septembre 1784. Lorsque survient la Révolution française, il ne se résout à quitter son poste qu’en décembre 1792, arrive à Saint-Pétersbourg à l’été 1793, y est reçu avec tous les honneurs et il y devient un parfait courtisan de Catherine II. Nommé président de l’Académie des Beaux-Arts par le tsar Paul 1er, le 27 juin 1797, il sera également Directeur des bibliothèques impériales de 1797 à 1800. Avec ces postes prestigieux, Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier reçoit des terres en Lituanie (annexée depuis 1795), à Plateliai, en Žemaitija (Samogitie, nord-ouest de la Lituanie actuelle), terres comprenant, je cite, « 1 966 serfs mâles avec leurs femmes et leurs enfants, ainsi que les terres et dépendances attenantes »

En 1802, le Premier Consul Bonaparte signant un senatus-consulte décrétant l’amnistie générale, le comte de Choiseul-Gouffier rentre en France où ses biens lui sont restitués. Il meurt à Aix-la-Chapelle le 20 juin 1817, mais l’histoire des Choiseul-Gouffier en Lituanie ne s’arrête pas là !

De son premier mariage, Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier avait eu cinq enfants mais un seul garçon, Antoine-Louis-Octave (1773 – 1840). C’est lui qui se fixe en Lituanie et qui épouse, en 1801, la comtesse Viktoria Potocka. Mais celle-ci, avec un mauvais goût certain, lui préfère finalement le général russe Bakhmetev. Ils ont tout de même eu le temps d'avoir une descendance, trois garçons et une fille. Antoine-Louis-Octave se remarie en 1818 avec Sophie Victoire Tyzenhausen (Sofija Tyzenhauzaitė 1790 – 1878). Celle qui est devenue Sofija Šuazel-Gufjė et qui obtiendra la nationalité française, s'est surtout consacrée à l'écriture et est considérée comme la première femme écrivain de Lituanie ; mais elle écrivait en Français ! Sophie de Choiseul-Gouffier décède à Nice le 28 mai 1878, à l'âge vénérable pour l'époque de 88 ans, mais elle est enterrée au cimetière des Champeaux à Montmorency (Val d'Oise) où plus de 270 tombes forment une véritable nécropole polonaise.

comtesse Viktoria Potocka

Avec sa première femme la comtesse Viktoria Potocka, Antoine-Louis-Octave eut une nombreuse descendance. Parmi celle-ci, on notera le philosophe Nicolas Berdiaev , né à Kyiv en 1874, décédé à Clamart en 1948, philosophe de langues russe et française, d'abord marxiste convaincu en 1900 mais il s'en détourne assez rapidement et sera expulsé de Russie en 1922. On remarquera également le comte Alfred de Choiseul-Gouffier (1855 – 1944), Chef de bataillon d'infanterie, décoré de la croix de guerre 14 – 18, Officier de la Légion d'Honneur, mort officiellement célibataire en 1944. Sauf qu'il a fait trois enfants à sa gouvernante, Eugénie Beckmann (décédée en 1953), dont au moins deux se sont installés en Afrique et y ont fait souche.

Sophie Victoire Tyzenhausen

Avec Sophie de Tyzenhausen, Antoine-Louis-Octave a eu un fils, Alexandre-Ignace (1821 – 1896), né à Plungé, mort à Paris en 1896. Alexandre-Ignace épouse Sofia Czapska et ils ont quatre enfants (dont Marie Sophie et Gabrielius Bogdan sus-nommés), tous nés à Plungé, ce qui prouve bien l'enracinement de la famille dans cette partie de la Lituanie.

Gabriel de Choiseul-Gouffier va épouser une Mathilde Emilie Poslowska. De cette union va naître Irena de Choiseul Gouffier, née en 1900, décédée en 1996, qui est la dernière des Choiseul-Gouffier. En 1920, Iréna va épouser Alfred d'Arnaud de Vitrolles, un Lieutenant-colonel , Saint-Cyrien mais aviateur, mort pour la France en 1940. Alfred d'Arnaud de Vitrolles qui n'est autre qu'un descendant d'Antoine-Louis-Octave de Choiseul-Gouffier et de sa première épouse, Viktoria Potoska. Alfred d'Arnaud de Vitrolles qui a effectué en 1927 le premier vol Le Bourget – Kaunas (capitale provisoire de la Lituanie), ce qui lui avait valu d'être décoré le 8 août 1927 de la plus haute distinction lituanienne, l'ordre du Vytis !

Admettez que, si tous les chemins mènent à Rome, beaucoup mènent en Lituanie !

L'église de Plateliai et la tombe des Choiseul-Gouffier