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mercredi 31 août 2011

30 Août 1721: traité de Nystad



Le 30 Août 1721, le Traité de Nystad (nom suédois d’Uusikaupunki, en Finlande alors suédoise), signé entre la Suède et la Russie, mettait fin à la Grande Guerre du Nord (1700 – 1721). Ce traité consacrait l’éviction de la Suède de la rive est de la Baltique. A contrario, la Russie de Pierre 1er récupérait une fenêtre sur la Baltique et devenait une puissance incontournable en Europe.    
  
Comment en était-on arrivé là ?

Entre 1560 et 1660, la Suède possédait un empire baltique, centré sur le golfe de Finlande. Par contre, l’Ingrie étant devenue suédoise en 1617, la Russie n’avait plus accès à la Baltique et la Suède contrôlait les débouchés des produits russes et polonais.
La Suède en 1650
Un noble livonien, Johann Reinhold von Patkul (1660 – 1707, ci-dessous), défenseur des privilèges de la noblesse germano-balte face au Roi de Suède Charles XI (1655 – 1697), passé au service de Pierre le Grand, joua un rôle essentiel en 1699 dans la mise en place d’une alliance militaire entre la Pologne-Lituanie, le Danemark, la Saxe et la Russie contre la Suède, et donc dans le déclenchement de la Grande Guerre du Nord.
Johann Reinhold von Patkul
Les Suédois furent d’abord victorieux, infligeant notamment, avec seulement 8 000 hommes, une sévère défaite aux Russes, fort de 23 000 hommes, à la bataille de Narva (30 Novembre 1700). Ayant envahi la Pologne, le Roi de Suède Charles XII (1682 – 1718) put même se permettre d’imposer Stanislas Leszczynski comme Roi de Pologne, laquelle quittait alors le conflit.

Ayant battu les Danois, les Polonais et les Saxons, Charles XII se tourna en 1706 vers son ennemi principal, Pierre 1er de Russie, allant en outre chercher en Ukraine l’aide de l’hetman des Cosaques, Ivan Mazepa. Mais, le 8 Juillet 1709, les Russes remportèrent la victoire de Poltava, véritable tournant de la guerre, et Charles XII fut obligé de se refugier sur le territoire de l’Empire Ottoman. Le sultan déclara la guerre à la Russie le 20 Novembre 1710, mais ce ne fut pas suffisant pour contrebalancer les victoires russes au nord : occupation de la Finlande (la Grande Rage, de 1714 à 1721) et débarquements sur le territoire métropolitain de la Suède.   
Charles XII et Ivan Mazepa à la bataille de Poltava
La Suède signa des traités séparés avec le Hanovre (Stockholm – Novembre 1719), la Prusse (Stockholm – Février 1720), le Danemark (Frederiksborg – 3 Juillet 1720), et enfin la Russie (Nystad – 30 Août 1721). Par le traité de Nystad, la Suède cédait donc à la Russie le duché d’Estonie, la Livonie et l’Ingrie, ainsi qu’une partie de la Carélie. De plus, la noblesse suédoise et germano-balte était confirmée dans ses privilèges, ce qui perdurera jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque les nouveaux Etats baltes imposeront la réforme agraire.  
On constate donc que le traité de Nystad, très largement inconnu à l’ouest, est très important pour la région car il donne à la Russie une fenêtre sur la Baltique, et ce pour deux siècles, fenêtre qui s’élargira encore lors des trois partages de la Pologne-Lituanie (1772, 1793, 1795).  

Les possessions suédoises cédées à la Russie en 1721 (en hachuré)


mardi 30 août 2011

Demain, début de l’Eurobasket 2011 en Lituanie


En Lituanie, nul ne peut ignorer que le Championnat d’Europe de basket débute demain 31 Août. Au cas où, le show d’ouverture, organisé hier soir sur le Pont Blanc à Vilnius par TV3, la chaîne qui retransmet les matchs, est venu le rappeler. On y a même vu le Président de la République, Dalia Grybauskaitė, c’est dire où seront les préoccupations lituaniennes jusqu’au 18 Septembre.


En prélude à l’ouverture officielle, un record mondial a été battu, qui ne pouvait l’être qu’en Lituanie : simultanément, pendant 5 minutes, environ 55 000 fans dans 6 villes à travers le pays ont effectué des rebonds avec un ballon de basket: 8 300 à Klaipėda, 6 000 à Alytus, 7 250 à Šiauliai, 7 600 à Panevėžys, 11 000 à Kaunas et 15 000 à Vilnius. Cerise sur le gâteau : le précédent record appartenait à la Pologne avec seulement 30 000 fans.

En France, si l’on sait bien qu’il y a en ce moment (27 Août – 4 Septembre) les Championnats du monde d’athlétisme en Corée du Sud et qu’il y aura bientôt (9 Septembre – 23 Octobre) la Coupe du monde de rugby en Nouvelle-Zélande, il faut aller loin pour entendre parler de basket. Exactement jusqu'à la chaîne Sport+ qui retransmettra quelques-uns des matchs, le plus souvent en différé, entre le Masters de pétanque et un Télé-achat. 

Mais c’était sans compter sur la Communauté lituanienne en France qui fera du WOS Bar, 184 rue Saint Jacques, Paris Ve (http://wosbar.com/) son QG pour supporter l’équipe de Lituanie. Point de détail qui a son importance : le WOS Bar serait le seul endroit en France (à part l’Ambassade ?) où l’on peut trouver de la « Svyturys » !

L’équipe de Lituanie joue ses matchs du 1er tour (Groupe A) à Panevėžys à 21H heure lituanienne (20H heure française) les 31 Août, 1er, 2, 4 et 5 Septembre. La France et la Lettonie jouent dans le groupe B à Šiauliai. Dans chacun des quatre groupes, les 3 premiers sur 6 seront qualifiés pour les quarts de finale.  

Demain 31 Août, la France rencontre la Lettonie à 16H45 (heure française) et à 20H la Lituanie rencontre la Grande-Bretagne. Pour en savoir plus : http://www.eurobasket2011.com/en/default.asp

lundi 29 août 2011

Estonie: réélection du Président Toomas Hendrik Ilves


Le Président estonien Toomas Hendrik Ilves, en poste depuis le 9 Octobre 2006, a été réélu dès le premier tour ce lundi 29 Août par le Parlement monocaméral estonien, le Riigikogu, par 73 voix contre 25 à son rival, Indrek Tarand. 68 voix étaient nécessaires (Aux trois premiers tours de scrutin, seuls votent les 101 députés membre du Riigikogu et une majorité des deux tiers est nécessaire).

Ayant passé sa jeunesse aux Etats-Unis où ses parents avaient émigré après l’occupation de l’Estonie par les soviétiques en 1940, Toomas Hendrik Ilves travaillera de 1984 à 1993 à Radio Free Europe, sera Ambassadeur d’Estonie aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique de 1993 à 1996, puis Ministre des Affaires Etrangères de 1996 à 1998, et de 1999 à 2002. En 2006, il lui avait fallu attendre le quatrième tour pour être élu.  

Le deuxième mandat du Président Ilves débutera officiellement le 10 Octobre.  

samedi 27 août 2011

Concerts ukrainiens à travers la France


Mes amis ukrainiens me signalent une série de concerts de l’ensemble Tcharivni Strouny, cordes et voix magiques d’Ukraine, dans des lieux très militaires à travers la France.

Le Tcharivni Strouny, est un ensemble de jeunes filles, vêtues de leur costume national et qui chantent et jouent de la Bandoura, instrument national à 54 cordes. Leur répertoire comprend des musiques et des chants traditionnels, classiques et modernes. À l'origine, la bandoura était utilisée pour accompagner les danses folkloriques. Elle est devenue vraiment populaire entre le XVe et le XVIIIe siècle, avec les musiciens voyageurs (les kobzars) qui chantaient les exploits des guerriers ukrainiens,  les cosaques.

Pour avoir une idée du style de musique : http://www.youtube.com/watch?v=vD-noGoqAZc

Les dates des concerts sont données ci-dessous. Pour plus de détail, consultez vos medias locaux ou téléphonez aux numéros indiqués à partir du 30 Août.


Bélarus: la Fête de l’Indépendance non célébrée !


A l’instar de ses voisins baltes et ukrainien, le Soviet suprême de la République Socialiste Soviétique de Biélorussie avait adopté, le 27 Juillet 1990, la Déclaration de la souveraineté de l’Etat, premier pas vers l’indépendance.   

Après l’échec du putsch de Moscou, le Front Populaire Bélarusse réunit des dizaines de milliers de personnes sur la place Lénine le 24 Août 1991. Le drapeau traditionnel blanc-rouge-blanc (cf. ci-dessous) fut amené dans la salle de réunion de la Convention et le leader communiste Anatol Malafeeu fut arrêté.

Le Soviet suprême, devenu le Conseil suprême, dans sa session spéciale du 25 Août 1991, adopta une résolution sur l’indépendance économique et politique de la Biélorussie. D’après l’écrivain Syarhei Navumchyk dans son livre « Sept années de renouveau », un seul député du Conseil suprême s’opposa à l’indépendance de la Biélorussie, un certain Alyaksandr Lukashenka ……. Stanislau Shushkevich devint le premier Président de la Biélorussie indépendante.

Le 19 Septembre 1991, le Conseil suprême décida de changer le nom de République Socialiste Soviétique de Biélorussie en République de Bélarus, information transmise à l’ONU. A cette même session, les emblèmes nationaux furent adoptés : le drapeau blanc-rouge-blanc et le Pahonya  (Паго́ня - ci-dessous) comme armoiries, lequel ressemble comme deux gouttes d’eau au Vytis lituanien. Ce qui n’est pas étonnant compte tenu des 550 ans d’histoire commune des deux Etats au sein du Grand-duché de Lituanie.

La nouvelle Constitution fut adoptée le 15 Mars 1994. Mais Lukashenka est élu Président de la République le 10 Juillet 1994 avec 80 % des voix, ayant fait campagne contre la corruption supposée de son prédécesseur, surfant sur la nostalgie du communisme et sur un régime fort. Et, à partir de la, tout change.

En 1995, le drapeau blanc-rouge-blanc et le Pahonya passent à la trappe et l’ancien drapeau de la RSS de Biélorussie est réinstauré (à la seule exception de la faucille et du marteau - cf. ci-dessous). Arborer le drapeau historique est d’ailleurs aujourd’hui passible de prison ! Le 25 Août n’est plus une fête nationale depuis 1996, après qu’un referendum à la légalité douteuse ait donné des pouvoirs illimités à Lukashenka. Le jour de l’indépendance est célébré le 3 Juillet, un jour qui n’a aucun rapport : c’est celui du retour des troupes soviétiques à Minsk en 1944.

La suite est mieux connue. Se maintenant illégalement au pouvoir depuis 1999, Lukashenka a mis ses opposants en prison et muselé presse et ONG. Faisant face désormais à une terrible crise  économique et à des sanctions homéopathiques de la part de l’UE, le peuple bélarusse pourrait être amené à s’inspirer des révolutions arabes qui ont montré que même les dictateurs qui paraissaient le plus solidement inamovibles peuvent être renversés.  

jeudi 25 août 2011

Tensions récurrentes entre la Lituanie et la Pologne


Blason de la Republique des Deux Nations polono-lituanienne


J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’évoquer les poussées de fièvre récurrentes entre la Lituanie et la Pologne, que l’on peut faire remonter à l’Acte de Krėva du 14 Août 1385 ! (Cf. http://gillesenlettonie.blogspot.com/2011/08/14-aout-1385-signature-de-lacte-de.html).

Ces tensions ont pris ces derniers jours un ton plus agressif, et même violent, quelque peu surprenant entre deux Etats membres de l’Union Européenne.  
Ce fut d’abord la parution en Pologne, au cours de la première quinzaine d’Août, d’un pamphlet parlant de « l’occupation de Vilnius par la Lituanie en 1939 » (sic)! Point de détail : ce pamphlet avait été publié par l’Institut polonais de la mémoire nationale et le Ministère polonais des Affaires Etrangères !

Si, comme moi, vous avez l’impression d’avoir manqué un épisode, retour sur l’Histoire.

Depuis 1323, Vilnius est la capitale d’un Etat multinational et multiconfessionnel, s’étendant de la Baltique à la Mer Noire : le Grand-duché de Lituanie. Jusqu'à sa disparition lors des trois partitions de la Pologne-Lituanie à la fin du XVIIIe siècle, le Grand-duché de Lituanie a toujours été, n’en déplaise à certains, un Etat souverain.

Des le milieu du XIXe siecle, les peuples baltiques avaient entrepris de conquérir ou reconquérir leur indépendance, ce qui fut fait en 1919 au prix de luttes armées et de difficultés diplomatiques. La Pologne, elle, dut sa résurrection à la volonté des puissances alliées, recevant pour ce faire des terres lituaniennes, ukrainiennes et ruthènes. Mais cela ne lui suffisait apparemment pas car, bravant la Société des Nations, la division du général polonais Lucjan Żeligowski, après une mise en scène de mutinerie, et vraisemblablement avec l’accord du maréchal Józef Piłsudski, s’empare de Vilnius et de sa région le 8 Octobre 1920 (La veille, 7 Octobre, la Pologne avait reconnu que Vilnius appartenait à la Lituanie !). Une pseudo République de Lituanie Centrale sera proclamée, qui sera rapidement annexée à la Pologne.

Lorsque la Russie soviétique, en accord avec l’Allemagne nazie, envahit la Pologne le 17 Septembre 1939, elle rendra, dans un geste extraordinaire de magnanimité, le territoire de la région de Vilnius à la Lituanie en Octobre 1939. Il est vrai qu’à l’époque le monde ignorait les articles secrets du « Traité de non-agression » par lesquels les deux puissances totalitaires se partageaient la région.

C’est donc cette restitution d’Octobre 1939 que le pamphlet incriminé appelle « occupation de Vilnius par la Lituanie ». On comprend donc que la Ministre lituanien des Affaires Etrangères, M. Audronius Ažubalis, demande à son homologue polonais si ce qui est écrit dans le dit-pamphlet coïncide avec la position officielle de Varsovie.
Mais, ce qui pourrait n’être qu’un épiphénomène pour politiciens en mal de réélection et de populisme (l’interprétation des faits historiques est un outil politique assez répandu……), entraîne toujours des débordements plus ou moins encouragés.
  
Ainsi, le 22 Août, les panneaux bilingues de 12 villes et villages de la région polonaise de Punsk (à 80 % de population lituanienne) ont été badigeonnés en rouge et blanc (couleurs du drapeau polonais), ainsi que d’inscriptions du mouvement d’extrême-droite nationaliste polonais Falanga.
    
Le 23 Août, c’est un mémorial en construction près de Sejny, dédié au 100e anniversaire de la naissance du poète Albinas  Žukauskas (né près de Sejny) qui a été vandalisé.

Ne serait-il pas urgent que les politiciens lituaniens et polonais se parlent avant que le pire n’arrive ? L’Europe est remplie de ces conflits, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, le plus souvent hérités des dislocations d’empires. Mais leur pérennité justifie-t-elle qu’on les laisse perdurer ?
  
On lira avec intérêt sur ce sujet un article de Novembre 2010 du Groupement pour les Droits des Minorités : http://gdm.eurominority.org/www/gdm/actualites2.asp?id_gdmnews=99, pour lequel les torts sont partagés.



mercredi 24 août 2011

Les vingt ans de l’Ukraine moderne indépendante


L’Ukraine n’est pas un Etat apparu ex nihilo sur la carte de l’Europe à l’été 1991. Fondée au IXe siècle par le prince Varègue Oleg le Sage, la Rus’ ou Ruthénie deviendra au XIe siècle le plus vaste Etat d’Europe (Cf. carte ci-dessous). Pillée au XIIIe siècle par les Turcs Coumans puis par les Tatars Mongols, la Volhynie (nord-ouest de l’Ukraine) passe sous le contrôle de la Lituanie au XIVe siècle et la Galicie (sud) sous celui de la Pologne. L’Union de Lublin (janvier 1569) consacre le triomphe de la Pologne. La Lituanie perd alors la plus grande partie de ses possessions ukrainiennes.
La Rus' entre 980 et 1054
 
Au XVIe siècle, plusieurs soulèvements cosaques (paysans ruthènes orthodoxes) eurent lieu contre la noblesse polonaise catholique, et qui, finalement, aboutirent à la naissance d’un territoire Cosaque autonome appelé "Ukraine" ("marche"), dans le bassin du Dniepr.

Au tournant du XVIIIe siècle, l’hetman Ivan Mazeppa fait reconnaître l’indépendance de l’Ukraine par Charles XII de Suède, mais, dès 1709, le tsar Pierre 1er bat Ivan Mazeppa et les Suédois à Poltava et les Cosaques deviennent alors vassaux de la Russie. La Galicie devient de son côté autrichienne lors du premier partage de la Pologne-Lituanie en 1772, mais les ¾ du territoire de l’Ukraine actuelle deviennent russes.  
Charles XII et Ivan Mazeppa lors de la bataille de Poltava 
Alors que les empires russe et autrichien se délitent suite à la Première Guerre mondiale, les Ukrainiens créent en 1917 une Verkhovna Rada Oukraïny (Верховна Рада України) qui proclame l’independance de la République populaire ukrainienne (en ukrainien: Українська Народна Республіка, Ukrayins'ka Narodna Respublika) le 22 Janvier 1918. Il s’ensuit une période troublée qui verra s’affronter les différentes factions ukrainiennes (pro-alliées, pro-allemandes ou pro-bolcheviques), mais aussi des Russes blancs et des Allemands, pillant villes et villages.
L'Ukraine entre 1917 et 1920

Vers la fin de 1919 et la première moitié de 1920, les Bolcheviks finissent par l’emporter sur les autres belligérants, et la partie ex-russe de l’Ukraine, avec Kiev pour capitale, est intégrée à l’U.R.S.S. créée en 1922, tandis que la partie ex-autrichienne, avec Lviv pour ville principale, est intégrée à la Pologne en 1921.
Ce n’est qu’en 1989 que la libéralisation du régime soviétique et la libération de tous les détenus politiques permit aux Ukrainiens de s’organiser pour défendre leurs droits. En 1989, le Mouvement Populaire d’Ukraine (Народний Рух України - NRU) fut créé. Lors des élections de Mars 1990, les partis ukrainiens du bloc démocratique ont alors obtenu environ 25 % des sièges au Parlement. Sous l’influence des députés démocrates, le Parlement adopta, le 16 Juillet 1990, la Déclaration sur la souveraineté politique de l’Ukraine. Ce fut le premier pas vers l’indépendance complète de l’Ukraine. Celle-ci fut proclamée le 24 Août 1991 et confirmée par le référendum organisé le 1er Décembre 1991: 90,5 % des électeurs votèrent pour l’indépendance, dans un processus similaire à celui des Etats Baltes. Le premier président de l'Ukraine indépendante fut Leonid Kravtchouk, du 5 Décembre 1991 au 19 Juillet 1994.

Mais aujourd’hui, on constate en Ukraine une certaine désillusion. La Révolution orange de fin 2004/début 2005 n’a pas tenu ses promesses et le « nouveau » Président russophile, Viktor Ianoukovytch, qui a pris ses fonctions le 25 Février 2010, se caractérise par une pratique autoritaire du pouvoir et un contrôle étroit des medias, sous l’influence d’une Russie qui n’accepte pas l’idée d’une Ukraine affranchie. C’est peu de dire que l’Etat-nation ukrainien, fondé sur les valeurs de la démocratie et de l’économie de marché, a du mal à se faire. Raison de plus, nonobstant l’opposition de certains,  pour affirmer et concrétiser la vocation de l’Ukraine à rejoindre l’Union Européenne.  

mardi 23 août 2011

23 Août: journée du ruban noir dans les Etats Baltes


Ribbentrop baisant la main de Staline sous le regard narquois de Molotov (gravure polonaise)


Le 23 Août 1939 a été signé à Moscou le « Traite de non-agression entre l’Allemagne et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.  Pour en savoir plus, je vous convie à lire mes posts précédents, par exemple une série d’articles faits en 2009 :


Ce jour est appelé dans les Etats baltes « Jour du ruban noir » car ce pacte entre les deux puissances totalitaires du XXe siècle a scellé leur destin pour les 50 ans qui suivirent. A cette occasion, les drapeaux nationaux, à la hampe desquels est accroché un ruban noir, sont arborés sur les façades des immeubles.

Il scella également le sort de la Pologne qui fut dépecéà partir du 1er Septembre 1939 par les nouveaux alliés. 

C’est aussi le souvenir du 23 Août 1989, quand 2 millions de Baltes, bravant l’occupant soviétique, ont formé une chaîne humaine de Vilnius à Tallinn, via Riga (en Lituanien le Baltijos kelias), pour protester contre l’occupation soviétique (occupation toujours non reconnue par la Russie d’aujourd’hui).
Fraternisation de soldats nazis et soviétique en Pologne

lundi 22 août 2011

Retour sur l’étrange putsch de Moscou d’Août 1991



Ces derniers jours, les medias français ont largement évoqué le putsch de Moscou du 19 au 21 Août 1991, en se contentant généralement de rappeler les faits, mais sans toujours en souligner les incohérences qui font qu’il reste une part de mystère à propos de ces événements. 

Retour 20 ans en arrière.

Les faits
Le 19 Août 1991 au matin, les Russes, qui avaient appris à lire entre les lignes, se doutèrent qu’il se passait quelque chose car leur télévision passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet, ce 19 Août à 6H du matin, un « Comité d’Etat pour l’état d’urgence » s’approprie le pouvoir au Kremlin. Parmi les comploteurs, il y a du beau monde. A commencer par Guennadi Ianaïev, le vice-président, Vladimir Krioutchkov, le responsable du KGB, Boris Pougo, le ministre (letton) des Affaires étrangères et Dmitri Iazov, le ministre de la Défense.
C'est la publication du projet de traité de l'Union, le jeudi 15 août, qui a précipité l'instauration de cet état d'urgence, opération envisagée depuis quelque temps. Alors que six des quinze républiques soviétiques (les trois républiques baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient à l'écart d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur aspiration à l'indépendance, les neuf autres avaient accepté de participer à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS. Mais, même pour celles-ci, les dispositions sont floues, ambiguës, voire contradictoires et ne satisfont personne. Ainsi, comment concilier la disposition qui fait de chaque république "un Etat souverain" et celle qui qualifie la nouvelle Union des Républiques soviétiques souveraines d'"Etat fédéral démocratique et souverain" ?
Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et Président de l’Union soviétique,  est depuis le 4 août en vacances en Crimée dans sa somptueuse datcha de Foros. Le 18 août, une délégation des conjurés arrive là-bas, le relevant de ses fonctions et le séquestrant.  Ils justifient le « départ » du Président par une incapacité d'exercer ses fonctions pour des raisons de santé, argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev en 1964…….  Ils proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à Moscou.
Mais, dès le 22 août 1991, tout était terminé, l'armée avait fraternisé avec la foule, après que Boris Eltsine, monté sur un char, ait appelé à défendre le pouvoir légitime de Gorbatchev. Mikhaïl Gorbatchev put regagner Moscou. Les putschistes furent arrêtés.
On notera en amont l’importance de ce qui s’était passé en Lituanie. Gorbatchev aurait dû être l’arbitre de deux tendances qui coexistaient dans son entourage : les durs, qui projetaient l'ouverture économique du pays tout en conservant l'ordre soviétique et les démocrates qui estimaient qu’il fallait détruire le système et sortir du communisme. La proclamation de l'indépendance lituanienne, en mars 1990, a ouvert une série ininterrompue de défis au pouvoir moscovite. Alors que l’opposition lituanienne était dans la rue et que le pouvoir soviétique vacillait, le KGB entraîna le secrétaire général dans son sillage en appliquant à Vilnius la stratégie de répression déjà utilisée à Budapest et à Prague. Mais, devant la réprobation internationale suite aux 15 morts et aux centaines de blessés du 13 Janvier 1991, Gorbatchev recula. En juin 1991, l'élection de Boris Eltsine au suffrage universel a fini de déstabiliser Gorbatchev. Le KGB en arriva alors à la conclusion qu’il fallait « s’en débarrasser ».
Au passage, on notera également que le Président français, François Mitterrand, commettra une grave erreur politique en déclarant vouloir attendre les intentions des « nouveaux dirigeants» soviétiques, reconnaissant de facto le « gouvernement » issu du coup d'Etat. Après ne pas avoir vu venir la réunification de l’Allemagne et s’être opposé à l’indépendance des Baltes, ce manque de vision commençait à faire désordre……
Les incohérences du putsch
Ce fut sans doute un des coups d’Etat les plus mal préparés de l’histoire. En effet, la vraie surprise viendra du degré d’impréparation des putschistes qui n’arrivent pas à empêcher les manifestations. Pire encore, une grande partie des troupes envoyées à Moscou se range du côté des insurgés ou fait défection. Parmi les incongruités, on relèvera :

# S’il est destitué comme Président, Gorbatchev conserve le Secrétariat général du parti communiste. A ce titre, il contrôle toujours l’armée et le KGB.
# Le « Comité pour l’état d’urgence » censure la télévision, mais laisse diffuser des images de Boris Eltsine fraternisant avec les tankistes.
# De même, le Comité laisse diffuser des appels de Chevardnadze et de Iakovlev appelant à constituer des comités de soutien à Gorbatchev.
# Plus généralement, Eltsine bénéficie d’une totale liberté de déplacement et d’expression, se forgeant ainsi une carrure de héros démocrate.
# Le Comité reste d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant pas utiliser la force (la Division Taman fera même allégeance à Boris Eltsine), et n’ayant pas non plus recours à la structure du pouvoir : le parti communiste.

A qui profite le "crime" ?

Ce putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a donné lieu à toutes les hypothèses.

La plus couramment admise est celle du premier degré, un putsch des conservateurs qui échoue du fait notamment de l’opposition de la population qui ne veut pas revenir en arrière sur les acquis de la perestroïka.  

Une autre version affirme que Boris Eltsine, Président démocratiquement élu de la Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé faire en vue de le récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est indubitablement lui qui a été le bénéficiaire de ce putsch.

D’autres encore pensent que c’est Gorbatchev qui a tout monté, dans une partie de billard à plusieurs bandes visant à discréditer les « durs ». Auquel cas, il s’est planté puisque supplanté par Eltsine, et l’U.R.S.S. a bel et bien implosé le 21 Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour au cours du putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que d’augmenter leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui suivirent.
   
(NB : les putschistes ont été arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1994. Ils ont eu une fin de vie paisible, à l’exception de Boris Pougo qui s’est suicidé …… ou qui a été suicidé).

Aujourd’hui, la Russie est dirigée par un ancien Lieutenant-colonel du KGB qui a déclaré que la chute de l’URSS était la plus grande catastrophe du XXe siècle et qui n’a de cesse de faire revenir, y compris par la coercition, l’étranger proche dans le giron de la Russie. Selon un sondage réalisé en mars par le centre indépendant Levada, 58 % des personnes interrogées disent regretter la fin de l'URSS.

Alors, tout ça pour ça ?