L’Acte de Krėva a été signé le 14 Août 1385 dans le château du même nom, alors au Grand-duché de Lituanie, aujourd’hui au Bélarus. C’était une liste de promesses faites par le Grand-duc de Lituanie, Jogaila Algirdaitis (1362 – 1434) en vue de son mariage avec Jadwiga (Edwige d’Anjou – 1374 – 1399).
L'acte de Kreva |
La jeune princesse Edwige avait été couronnée Roi de Pologne le 15 Octobre 1384 et était destinée à épouser Wilhelm de Habsbourg (Guillaume d’Autriche). Mais des raisons politiques vont bouleverser ce projet. En effet, la petite Pologne devait se prémunir contre une invasion par la grande Lituanie, invasion qui se profilait dangereusement et contre laquelle la Pologne n’aurait pu lutter qu’avec difficulté. De son côté, le Grand-duc Jogaila cherche les moyens de renforcer ses positions dans sa lutte contre les Chevaliers Teutoniques et à réaffirmer son pouvoir à l'intérieur de l'état, face notamment à son cousin Vytautas.
Mais cette démarche était assez inattendue dans la mesure où la Lituanie et son prince étaient toujours païens, alors que les Capétiens (Edwige était une descendante de Charles 1er, frère du Roi de France Louis IX, dit Saint Louis), de quelque branche que ce fut, avaient toujours proclamé leur foi chrétienne.
Le tombeau d'Edwige au chateau du Wawel de Cracovie |
L’Acte de Krėva fixait donc :
Ø La conversion du païen Jogaila, des nobles lituaniens et de tout le peuple lituanien au catholicisme romain ;
Ø L’arrangement du mariage de Jogaila et d’Edwige/Jadwiga ;
Ø Le paiement de 200 000 florins en guise de dédommagement à Guillaume d’Autriche ;
Ø Le retour à la Pologne des territoires conquis par la Lituanie et la libération de tous les prisonniers de guerre chrétiens détenus par celle-ci ;
Ø L’union des terres de la Lituanie et de la Ruthénie à la couronne polonaise.
En fait, le texte de l’Acte de Krėva étant en latin, c’est le terme d’applicare, qui signifie aussi bien « se joindre » que « rattacher » qui a été utilisé. Or, et ce jusqu'à ce jour, les deux Etats y ont donne une signification différente. Les Polonais y ont vu une annexion pure et simple de la Lituanie, alors que, pour les Lituaniens, il ne s’agissait que d’un paragraphe du contrat de mariage, uniquement pour le mariage.
Jogaila |
D’ailleurs, tandis que Władysław II Jagiełło (nouveau nom chrétien de Jogaila) et Edwige régnaient sur la Pologne, le pouvoir réel dans le Grand-duché de Lituanie était aux mains de Vytautas (l’appellation « le Grand » ne sera ajoutée qu’au XIXe siècle), qui suivit une politique généralement indépendante, allant jusqu'à s’allier aux Chevaliers Teutoniques contre Jogaila !
Ce n’est qu’à partir de l’Union de Lublin (1er Juillet 1569) que sera créée une union permanente entre le Royaume de Pologne et le Grand-duché de Lituanie, mais union dans laquelle chacun des Etats gardera son autonomie, sur un plan d’égalité, au sein de la République des Deux Nations (Rzeczpospolita Obojga Narodów en Polonais, Abiejų Tautų Respublika en Lituanien). Seule la Constitution du 3 Mai 1791 déclarera finalement l’union totale des deux Etats en un seul, mais elle ne fut jamais appliquée, étant dénoncée par les Lituaniens.
Mais le petit mot « applicare » empoisonne toujours les relations entre la Lituanie et la Pologne, cette dernière considérant peu ou prou que la première fait parti de son territoire. Dernier avatar en date : la déclaration de M. Radosław Tomasz Sikorski accusant la Lituanie d’ « occuper » la région de Vilnius depuis 1939 ! Il lui a sans doute échappé que Vilnius était capitale du Grand-duché de Lituanie depuis 1323 ……
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