Le pacte Molotov – Ribbentrop du 23 Aout 1939, par lequel les deux puissances totalitaires du XXe siècle, l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, se partageaient l’Europe, fut le prélude pour les Etats Baltes à une soviétisation basée sur des déportations de masse et à une colonisation par des éléments immigrants russes.
Lors de la première occupation soviétique, les premières déportations de masse eurent lieu dans la nuit du 13 au 14 Juin 1941. En Lettonie, elles concernèrent entre 14 194 personnes (source lettone) et 15 081 personnes (source allemande). Elles visaient « des éléments socialement étrangers » dont 1 614 enfants de moins de 7 ans, soit 11,3 %.
Alors qu’à l’ouest le spectre de la guerre commençait à s’estomper, à l’est, sous la deuxième occupation soviétique, une nouvelle déportation eut lieu entre le 25 et le 29 Mars 1949. Celle-ci a concerné (cf. l'arrêté strictement secret No.390-138 du Conseil des ministres de l'URSS du 29 janvier 1949 définissant les catégories à déporter de Lettonie, de Lituanie et d'Estonie) :
1) les koulaks et leurs familles;
2) les membres des familles des bandits et nationalistes qui sont dans l'illégalité, ainsi que les membres des familles de bandits exécutés ou condamnés;
3) les bandits ayant régularisé leur situation et les membres de leur famille qui continuent des menées antisoviétiques;
4) les membres de famille de ceux qui ont soutenu les bandits.
NB : Dans la Russie tsariste, le terme koulak désignait les paysans ayant un certain niveau d'aisance par rapport à la majorité de paysans appauvris par les guerres et la famine. Après la révolution de 1917, les bolcheviques au pouvoir assimilèrent au koulak tout paysan mécontent de leur politique. A partir de 1928, une campagne de dékoulakisation, menée par Staline, a entrainé vers la déportation, l’incarcération, voire la mort, 5 millions de paysans.
Cette déportation de 1949, dont le souvenir est célébré aujourd’hui, a envoyé en Sibérie occidentale (principalement dans les régions de Tomsk et d’Omsk) 43 963 personnes (dont 3 369 enfants de moins de 7 ans, soit 7,6 %), très majoritairement des paysans, au nom de la collectivisation de l’agriculture. 5 073 sont morts en déportation.
Cette déportation mobilisa 3 250 groupes opérationnels. Chaque groupe devait arrêter 4 familles et se composait d'un chef membre opérationnel du NKVD, de 2 membres des troupes du NKVD, de 2 membres des troupes territoriales et de 4 à 5 membres du parti communiste. Elle valut à leurs auteurs 75 médailles du Drapeau rouge, qui est une décoration militaire pour fait d'armes sur le champ de bataille.
A partir de 1956, certains déportés furent autorisés à rentrer, mais généralement pas dans leur région d’origine. Ce n'est que le 2 novembre 1988 que le Soviet suprême de la RSS de Lettonie, dans son arrêté No.350 "sur la déportation administrative injustifiée de citoyens hors de la RSS de Lettonie en 1949", reconnaîtra comme non-fondée la déportation des familles de koulaks.
On relira avec profit le livre biographique de Sandra Kalniete, «En escarpins dans les neiges de Sibérie», qui porte sur cette période : « Je suis née au goulag le 22 décembre 1952 dans le village de Togour, district de Kolpachevo, région de Tomsk. Mes parents n'ont pas voulu offrir d'autres esclaves au pouvoir soviétique, je n'ai eu ni frère ni sœur. Nous sommes rentrés en Lettonie le 30 mai 1957 ».
Les crimes nazis et les crimes soviétiques sont une réalité. En aucun cas les crimes des uns ne peuvent excuser les crimes des autres. En aucun cas le commanditaire du crime, qu’il soit vainqueur ou vaincu d'une guerre mondiale, n'est absout et ne doit échapper à la justice, pas plus que l'exécutant.
Merci Gilles pour cette information et bravo pour le dernier paragraphe.
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