Avec un peu de retard………
De Prosper Mérimée, né le 28 Septembre 1803 à Paris, on connaît la
dictée destinée, en 1857, à distraire la cour de Napoléon III au château de
Compiègne. On sait également qu’il fut un écrivain prolixe à qui on doit, entre
autre, « Carmen » dont s’est inspiré Georges Bizet pour écrire son
œuvre, un des opéras les plus joués au monde.
Prosper Mérimée |
On sait peut-être moins
qu’à partir de 1834, il devient inspecteur des monuments historiques et qu’à ce
titre il parcourra la France pour en inspecter les monuments et confier
certaines restaurations à Viollet-le-Duc. A partir de 1842, il initie d’ailleurs
un classement des monuments historiques auquel la « Base Mérimée »
actuelle rend hommage.
Parallèlement, il mène, à
partir de 1825 (parution de « Les Espagnols au Danemark ») une vie d’auteur.
Les histoires qu’il raconte se passent souvent à l’étranger et sont souvent
pleines de mystère. Parlant en outre anglais, arabe, russe et grec, il sera un
des premiers traducteurs du russe vers le français.
C’est a priori au
printemps 1867 que « Lokis » a été conçu, mais il ne parut que le 15
Septembre 1869 dans la « Revue des Deux Mondes » sous le titre « Le
Manuscrit du professeur Wittembach ». Cette nouvelle raconte l’histoire d’un
philologue prussien qui effectue un séjour dans le château d’un mystérieux
comte en Lituanie (ou, plus exactement, en Samogitie), afin de consulter des
manuscrits baltes très anciens. Au fur
et à mesure du récit, le lecteur doit comprendre que le comte est le fruit du viol
de sa mère par un ours, mais ce n’est jamais explicitement affirmé. In fine, on
retrouve la jeune épouse du comte, lacérée par des mâchoires animales le soir
de sa nuit de noce, alors que le comte, lui, a disparu.
Prosper Mérimée s’est
probablement amusé à écrire cette nouvelle pour faire peur aux dames de la cour
de l’impératrice Eugénie qu’il fréquentait à Saint-Cloud et à Compiègne. Pour
certains historiens, « Lokis » est toutefois la plus belle nouvelle
de la littérature française du XIXe siècle.
Raymond Schmittlein |
Raymond Schmittlein (1904 – 1974), qui enseigna à Kaunas et à Riga
avant d’être parlementaire et même éphémère ministre, publia en 1949 une étude très
fouillée « Lokis, la dernière nouvelle de Prosper Mérimée », alors qu’il
est directeur général des affaires culturelles de la zone d’occupation
française en Allemagne.
Dans son étude, Raymond
Schmittlein, afin d’expliquer le choix de la Lituanie pour cadre de la nouvelle
de Mérimée, évoque l’afflux d’émigrés lituaniens et polonais en France après l’insurrection
de 1863. Mais, ce qui est encore plus intéressant, c’est de voir les parallèles
qu’il fait entre certains passages de « Lokis » et certains passages
de « Pan Tadeusz » d’Adam Mickiewicz, écrit en 1834. Une autre
source, citée par Mérimée lui-même, est « La Pologne captive et ses trois
poètes » écrite par Charles Edmond (pseudonyme d’un écrivain polonais) en
1868. On sait par ailleurs qu’à partir de 1867, Mérimée s’est intéressé à la
Lituanie et à la langue lituanienne.
Au résultat, Mérimée, qui
n’est jamais allé en Lituanie (contrairement à ce qu'a écrit un certain auteur), réussit à en faire une peinture très exacte,
peinture d’ « un pays sain
et vigoureux, primitif et mystérieux, au charme un peu voilé et aux fortes
passions. »
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