Staline disait : « Ce
qui compte ce n’est pas le vote c’est comment on compte les votes ». Il
semblerait que l’Ukraine ait emboîté le pas à la Russie pour remettre à l’honneur
cet aphorisme, à l’occasion des élections législatives qui se sont déroulées ce
dimanche.
On rappellera tout d’abord
que le Parlement monocaméral ukrainien, la Verkhovna
Rada, est composé de 450 députés, élus pour moitié au scrutin proportionnel
de listes (pour autant que celles-ci reçoivent au moins 5 % des votes), pour
moitié au scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions. Un point de
détail est important : il faut 300 députés sur 450 pour pouvoir modifier
la Constitution.
Dimanche 28 Décembre à
20H, cinq instituts de sondage donnaient les fourchettes suivantes pour les
résultats « sortie des urnes » :
#
Parti des Régions (Yanukovych) entre
27 et 32 %
#
Opposition unie (dont Tymoshenko) entre 23
et 24 %
#
UDAR (Klitschko) entre
13 et 15 %
#
Communistes entre
11 et 13 %
#
Svoboda (nationalistes) entre
11 et 12 %
Lundi
29 décembre à 21H10, alors que seulement 79,24 % des votes ont été comptés, les
résultats à la proportionnelle seraient les suivants (source Kyiv Post) :
#
Parti des Régions 32,5 %
#
Opposition Unie 23,6 %
#
Communistes 14,1 %
#
UDAR 13,3 %
#
Svoboda 9,3 %
C’est
une relative déception pour UDAR qui, dans les derniers sondages d’avant vote,
avait atteint la deuxième place. C’est une bonne surprise pour Svoboda qui va
entrer pour la première fois au Parlement. Ce devrait être une déception pour l’Opposition
unie, quand on sait qu’en 2007 le parti Batkivshchyna de Ioulia Tymoshenko, aujourd’hui
un des membres de la coalition d’opposition, avait atteint à lui seul 30 %.
En
outre, chacun est resté dans son rôle, le Parti des Régions criant victoire, l’opposition
criant à la fraude, les observateurs de la CEI attestant d’élections
démocratiques, ceux de l’OSCE dénonçant une transparence insuffisante et
critiquant l’abus de « ressources administratives ». Ioulia
Tymochenko, en prison en principe pour 7 ans, a engagé une grève de la faim
pour protester contre « la falsification des élections ».
Mais
ce sont les résultats des 225 circonscriptions qui votaient au scrutin
majoritaire, attendus plus tard dans la semaine, qui vont être déterminants.
Or, d’après les premières tendances (le dépouillement étant toujours en cours),
une moitié des élus devraient provenir du Parti des Régions, l’autre moitié
seraient des indépendants. L’expérience de 1998 et 2002 a prouvé que ces « indépendants »
votaient le plus souvent avec le parti au pouvoir ; c’est la raison pour
laquelle le scrutin de circonscription avait été abandonné après la Révolution
orange de 2004. Et sans doute la raison pour laquelle il a été rétabli pour ces
législatives 2012.
Savoir
combien d’ « indépendants » vont rejoindre de facto le Parti des
Régions ou les communistes est très important. Car, si l’ensemble dépassait les
300 députés, cela pourrait ouvrir la voie à une modification de la
Constitution. Le Président Viktor Yanukovych ne fait pas mystère de son
intention de garder le pouvoir le plus longtemps possible, le fait que son
principal adversaire, Ioulia Tymochenko, soit en prison en est la preuve. Or,
il n’est pas sûr d’être réélu au suffrage universel en 2015. Si un changement
de la Constitution pouvait permettre qu’il soit élu par le Parlement
arrangerait manifestement ses affaires.
D’un
autre côté, le Parlement serait la tribune indispensable d’un contre-pouvoir,
si tant est que l’Opposition unie et UDAR arrivent à s’accorder. Ce n’est pas
évident, à l’aune des ambitions personnelles en vue des présidentielles de
2015. Le succès de Svoboda est d’ailleurs peut-être à chercher dans la
lassitude des électeurs vis-à-vis de l’opposition traditionnelle.
Dans
tout cela, le grand perdant risque d’être la démocratie en Ukraine, donc les Ukrainiens, et il y a
un risque réel de voir un deuxième Bélarus à nos portes.
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