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mardi 9 juillet 2019

Balzac et les « provinces baltes »

Honoré de Balzac


Honoré de Balzac (1799 – 1850) est un des écrivains français les plus connus et les plus prolixes, mais aussi un grand voyageur. Ses voyages dans l'Empire de Russie (Saint-Pétersbourg et Ukraine) avaient toutefois un but bien particulier : rencontrer sa bonne amie la comtesse Hańska (1801 – 1882) !

Née Ewelina Rzewuska, la comtesse Hańska était portée sur le mysticisme et lisait beaucoup de romans français. Devenue une fervente admiratrice de Balzac, elle engagea en 1832 une correspondance avec l’auteur et le rencontra pour la première fois au bord du lac de Neuchâtel. Balzac en tombe amoureux et va la courtiser pendant 17 ans. Ils se rencontrent à plusieurs reprises jusqu’en 1835, mais ce n’est qu’après le décès de son mari, Venceslav Hanski, que la comtesse accepte que Balzac vienne la retrouver à Saint-Pétersbourg, où elle s’était rendue pour régler la succession du comte.

La comtesse Hańska

Honoré de Balzac quitte Paris le 19 juillet 1843 pour s’embarquer à Dunkerque le 21 juillet sur le paquebot à vapeur Le Devonshire. Il arrive à Saint-Pétersbourg le 29 juillet et va y vivre une vie discrète, apparemment suivant le désir de Mme Hańska, soucieuse « de ne pas trop montrer son célèbre et exubérant ami ». Il reçoit toutefois plusieurs invitations et voit même le Tsar « à la distance de cinq mètres » à l’occasion d’une revue de troupes à Krasnoïe Selo, mais il ne lui est pas présenté. Durant ces semaines passées à Saint-Pétersbourg, il travaille peu.

C’est le 7 octobre que Balzac quittera Saint-Pétersbourg par la malle-poste, en direction de Berlin. On connaît le comportement de l’écrivain grâce aux lettres qu’un de ses compagnons de voyage qui se rendait à Rome, le jeune sculpteur russe Ramazanoff, envoie à sa famille.

Leur itinéraire passe par Narva (Estonie), où les lamproies qu’on lui sert au petit déjeuner inspirent a priori du dégoût à Balzac. Ce n’était que le début des déconvenues gastronomiques de l’écrivain. A Dorpat (aujourd’hui Tartu en Estonie), on lui sert « un bifteck récalcitrant aussi dur que les chemins caillouteux des provinces parcourues », ce qui lui fit dire : « Il faut avoir bien faim pour manger ça; c’est un tour de force » ! A Walki (Valka), c’est une pâtisserie qui n’est pas à hauteur de ses espérances puisqu’il ne subsiste que l’enseigne, représentant des gâteaux.

Le Traité de Nystad (10 septembre 1721), mettant fin à la Grande Guerre du Nord (1700 – 1721), avait consacré l’intégration des provinces baltes dans l’Empire russe. Pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Riga connut un grand essor industriel et, au XIXe siècle, la ville était devenue un des trois ports les plus importants de l’Empire russe et un centre ferroviaire majeur. Balzac constata : « En entrant dans les rues étroites de Riga, encombrées de hautes maisons à l’architecture originale, nous trouvâmes l’activité bruyante d’une ville commerçante »

Le passage à Mitau (aujourd’hui Jelgava en Lettonie) fut marqué par une altercation entre l’écrivain affamé et les serveuses d’une auberge, pas assez promptes à servir leur hôte. Le met tant attendu se révéla être une mauvaise soupe « Chez nous on donne ça aux cochons » fulmina-t-il. Il se consola avec une omelette qui fut le seul et maigre réconfort de ce triste repas. Heureusement que, pour compenser des qualités gastronomiques perfectibles, Balzac avait emporté un panier rempli de bouteilles de vin de Sauternes, dont la dernière sera ouverte à Tauroggen (Tauragė), à l’occasion du …… petit déjeuner.

Plaque inauguré le 10 octobre 2013 pour rappeler le passage de Balzac à Tauragé


Le 10 octobre, les voyageurs sont effectivement à Tauroggen /Tauragė, aujourd’hui en Lituanie mais alors à la frontière russo-prussienne. Les passagers ne virent pas de sentinelle, la guérite étant cachée par la verdure. Sur la route, il n’y avait que deux poules qui se promenaient. « Voyez, un grand empire comme la Russie est gardé par des poules » s’exclama Balzac !

Le samedi 14 octobre matin, Balzac arrive à Berlin où il trouve « le premier lit qui ressemble à un lit depuis qu{‘il a} quitté Dunkerque » ! Il sera de retour chez lui, à Passy, le 3 novembre 1843 au soir.

On notera que, tout au long du voyage, Balzac irritera régulièrement ses compagnons de voyage, en proclamant « qu’il n’y ait de bien que ce qui est en France ». Le jeune Ramazanoff écrira : « Il était agréable de voir son attachement à la terre natale s’exprimer dans ses propos impétueux {…}.Mais il n’était pas agréable d’entendre ses comparaisons et ses opinions sur les autres pays ».

Le mariage de Balzac et de Mme Hańska sera célébré dans l’église catholique Sainte-Barbe de Berdytchiv en Ukraine le 14 mars 1850. Le 24 avril 1850, Monsieur et Madame de Balzac prennent la route de Paris, où ils arrivent le 21 mai. Mais la santé de l’écrivain se dégrade de jour en jour. Laxatifs et saignées n’empêchent pas les fréquentes syncopes. Victor Hugo, qui a toujours loué son génie, le veille jusqu’au dernier souffle. Dans la nuit du 18 août 1850, Balzac s’éteint à l'âge de 51 ans. Sa veuve ne retournera jamais en Ukraine.

Pour en savoir plus sur Balzac en Russie : « Balzac dans l’Empire russe – De la Russie à l’Ukraine », Paris-Musées / Editions des Cendres, 1993






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