Pages vues le mois dernier

vendredi 15 juillet 2011

15 juillet 1410 : bataille de Žalgiris

La date du 15 Juillet 1410 est connue des écoliers lituaniens à l’instar de celle de la bataille de Marignan pour les écoliers français (du moins à mon époque). Il s’agit de la bataille de Žalgiris, également appelée Grünwald ou Tannenberg, qui a mis un coup d’arrêt aux visées expansionnistes des Chevaliers Teutoniques.

(NB : ce post est une actualisation d’un post du 15 Juillet 2007, paru sur mon précédent blog)

Contexte historique

L’Ordre Teutonique, installé dans la région depuis 1226, avait passé le XIVème siècle à combattre la Lituanie païenne. Mais, en 1386, la donne avait changé : le Grand-duc de Lituanie, Jogaila, s’était marié avec la princesse polonaise Edwige (Jadwiga) d’Anjou et était devenu Roi de Pologne, instituant une union personnelle entre la Pologne et la Lituanie. Mais, pour ce faire, il avait dû se faire baptiser et faire baptiser la Lituanie. En 1404, l’Ordre Teutonique et la Pologne avaient signé une paix perpétuelle.

Mais, en 1409, la Žemaitija (nord-ouest de la Lituanie actuelle), toujours païenne, prend les armes contre l’Ordre Teutonique qui l’occupe; l’Union Pologne-Lituanie, qui considère la Žemaitija comme une partie de son territoire, appuie sa révolte. Le 14 Août 1409, le Grand-maitre des Teutoniques, Ulrich von Jungingen, déclare la guerre à l’Etat polono-lituanien. Mais il propose également un armistice, car aucun des deux camps n’était prêt à la guerre. Celui-ci dura du 8 Octobre 1409 au 24 Juin 1410, et fut prolongé de 3 semaines, car chaque camp, comprenant l’importance capitale de la bataille à venir, regroupait ses forces. Côté Teutoniques, des chevaliers vinrent de toute l’Europe, notamment de France (on parle de 120 chevaliers), de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. De l’autre côté des Cosaques ukrainiens, des chevaliers de Bohème, des Russes et des Tatars rejoignirent l’armée polono-lituanienne. Les Polono-Lituaniens étaient les plus nombreux (45 000 à 50 000), mais les Teutoniques (32 000 à 36 000) étaient mieux équipés et mieux entrainés.

La bataille

NB : la bataille est appelée Tannenberg par les Allemands, Grünwald par les Polonais et Žalgiris (traduction littérale de Grünwald) par les Lituaniens.

Au matin du 15 Juillet 1410, le soleil se leva vers 4H30. Mais ce n’est qu’à 8H30, alors que les Teutoniques transpiraient au soleil sous leurs cuirasses, mais que les alliées étaient, eux, à l’ombre des bois, que Jogaila accepta le combat. Celui-ci fut longtemps indécis. Le Grand-duc de Lituanie Vytautas (ci-dessous) était de facto le commandant opérationnel sur le terrain, le Roi Jogaila observant depuis une colline à l’écart.

Les Teutoniques furent prêts de l’emporter. Mais Jogaila avait gardé son infanterie en réserve et ne l’engagea qu’à six heures du soir. Les paysans polonais et lituaniens s’élancèrent fanatiquement, remplis de haine et de revanche contre ces Teutoniques qui avaient détruit leurs villages et tué leurs amis.

A 19H20, le Grand-maitre Ulrich von Jungingen fut tué. 28 000 Teutoniques et leurs aides périrent dans cette bataille, dont 50 des 60 Commandeurs de l’Ordre et 209 chevaliers. Seuls 1 400 réussirent à quitter le champ de bataille et à rejoindre leur capitale Marienburg (aujourd’hui Malbork en Pologne). Les Alliés polono-lituaniens comptèrent environ 20 000 tués, dont 12 chevaliers et les 2/3 des fantassins.

Les conséquences

Le Grand-duc Vytautas alla mettre le siège à Malbork, mais sans trop de conviction, ne voulant pas servir sur un plateau une victoire trop éclatante à son rival de toujours, Jogaila. Il se retira d’ailleurs rapidement sur son territoire de Lituanie.

La Paix de Toruń fut signée entre l’État polono-lituanien et l’Ordre teutonique le 1er Février 1411. Les pertes territoriales de l’Ordre furent relativement minimes, les Polonais et les Lituaniens récupérant toutefois la Žemaitija et une partie de la Poméranie. La rançon était par contre colossale, équivalent à 20 tonnes d’argent pur et ruina totalement le trésor teutonique pour deux siècles !

Mais surtout, le plus important est que cette victoire permit à la Pologne et à la Lituanie de ne pas subir le sort des malheureux Vieux-Prussiens, exterminés par les Teutoniques, et de conserver leur indépendance et leur culture pour les siècles à venir. Pas étonnant donc que ce qui est important en Lituanie, comme une bière ou une équipe de basket, soit baptisé du nom de Žalgiris.

Le traumatisme fut énorme côté germanique. À un point tel que, lorsque le général Paul von Hindenburg battit les Russes dans la région le 30 Août 1914, il obtient que sa victoire porte le nom de Tannenberg, afin d’effacer l’affront subi 500 ans auparavant !


"La bataille de Grünwald" par Jan Matejko, au Musée National de Varsovie. Au centre, en tunique rouge, le Grand-duc Vytautas



2 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour ce post, Gilles. Cette bataille a changé le cours de l'histoire en effet, du moins dans la partie orientale de l'Europe, et les proportions en terme de victimes en sont vraiment exceptionnelles pour l'époque, quelles que soient les sources. Je me demande si inscrire cette tuerie dans le contexte plus général de l'opposition entre Slaves et Germains serait une idée saugrenue. Après tout, la révolte des hussites en Bohème, à peu près à la même époque, marque elle aussi un coup d'arrêt à l’expansion germanique vers l'Est... Indirectement, les Slaves de la Grande Lituanie (c'est à dire les Ruthènes, aujourd'hui Bélarus et Ukrainiens) bénéficient de cette victoire éclatante, proclamant au concile de Novgorok, cinq ans plus tard, et pour la première fois depuis des siècles, un archevêque de sang slave (et non grec), d'autant plus un Bulgare, à la fois ennemi des Grecs et des Turcs (ces derniers en pleine expansion). En revanche, je ne sais pas si on peut parler de Cosaques ukrainiens à cette époque; le mot est antérieur à la bataille, certes, mais il faut attendre la fin du XVe siècle pour qu'ils apparaissent en Ukraine comme un corps plus ou moins constitué. D'ailleurs, étaient-ils eux-mêmes un peu lituaniens (nobles sans terres) réfugiés dans la steppe sauvage, voilà encore une théorie séduisante...

    RépondreSupprimer
  2. Merci de votre commentaire.... et de votre indulgence

    Je pense surtout qu'au-delà d'une opposition entre Germains et Slaves, c'est une opposition contre les Germaniques qui, officiellement, voulaient imposer leur religion par le fer et, officieusement, voulaient surtout s'emparer de territoires.

    Il s'avère qu'en face il y avait un Grand-duché de Lituanie multiethnique, multiculturel, ce qui était novateur pour l'époque. Quelques années plus tard, le chevalier franco-bourguignon s'étonnera (pour ne pas dire se choquera) de voir des "Mohométans" à la table du Grand-duc Vytautas ! C'est l'image d'un GDL qui perdurera jusqu'à la deuxième guerre mondiale (Sauf erreur, en 1918, les Ruthènes étaient favorables pour rejoindre la Lituanie et non pas la Pologne).

    Il y a encore aujourd'hui, notamment à Trakai, des descendants de Tatars et de Karaites venus des rives de la Mer Noire pour servir de garde rapprochée au Grand-duc Vutautas.

    Je préfère ça à une opposition entre Germains et Slaves, dans la mesure où les Lituaniens stricto sensu ne sont pas slaves, et qu'il y a depuis 1385 (et jusqu'à nos jours) une opposition latente entre Lituaniens et Polonais.

    En ce qui concerne les Cosaques, je vous fais confiance pour mieux connaitre que moi !! Je reconnais qu'en 1410 c'est sans doute un peu trop tôt et je ne me souviens plus où je suis allé chercher ça !...... On pourrait écrire: "Les chevaliers polonais du roi Władysław II Jagiełło (Jogaila), les Lituaniens du grand-duc Vytautas, les mercenaires tchèques ou moldaves, environ 3 000, commandés par Jan Sokol de Lamberk. Des vassaux de la Lituanie, Smolensk et les Tatares, fournissent leur également leurs contingents."

    RépondreSupprimer