Certains esprits curieux,
se rendant en Lettonie, pourraient se demander que célèbrent ces « Abrenes
iela » (Rue d’Abrene) que l’on rencontre dans la plupart des villes
lettones, à commencer par Rīga. Retour (bien sûr ……) sur l’histoire du jour,
car Wikipedia en français ne vous sera pas d’une grande utilité.
Bien qu’ayant déclaré
formellement son indépendance le 18 novembre 1918, la République de Lettonie dut
livrer, de 1918 à 1920, une guerre contre – entre autres - les bolcheviques, les
Allemands de von der Goltz et les corps francs de Bermondt-Avalov.
Finalement, le 11 août 1920, la Lettonie signe le Traité de Riga par lequel la Russie soviétique (L’URSS ne naîtra
que le 30 décembre 1922) reconnaissait la République de Lettonie et renonçait
définitivement (sic) à toute revendication territoriale. L’échange des
documents de ratification a lieu à Moscou le 4 décembre 1920. Le texte du
traité précise en détail la délimitation de la frontière (cf. le texte en
anglais : http://www.mfa.gov.lv/en/policy/peace-treaty/).
Ce traité officialisait le
rattachement de la ville de Pytalovo
à la Lettonie. En 1924, elle changea son nom russe contre celui plus letton de Jaunlagale puis, en 1938, son nom officiel
fut modifié en Abrene.
Le 17 juin 1940, la Lettonie, comme les deux
autres Etats baltes, fut attaquée puis annexée par l’Union soviétique. Abrene resta
incluse dans la République Socialiste Soviétique (RSS) de Lettonie. Après 3 ans
sous occupation allemande, Abrene fut reprise par les soviétiques en juin 1944.
La gare d'Abrene en 1938 |
Le 22 août 1944, le Présidium du Soviet Suprême
de la RSS de Lettonie « demanda » au Présidium de l’URSS que soient
séparées de la Lettonie et rattachées à la République Fédérative de Russie les
zones à majorité russe, en l’occurrence la région d’Abrene. Le Présidium de l’URSS
donna son accord, ce qui était en violation de la loi soviétique, les
changements de frontière interne devant être approuvé par tout le Soviet
suprême. Le transfert ne fut finalisé qu’en 1946, la RSS de Lettonie perdant 1 293
km2, alors que seuls 1 075 km2 avaient été proposés.
Le territoire fut soumis à la collectivisation forcée et de nombreuses
personnes furent déportées (2 728 début 1949 et 1 563 en mai 1950). L’administration
locale fut remplacée par des immigrants venant de Russie ou d’autres
républiques. Nombreux furent les
habitants lettons, voire russes, qui n’avaient pas été déportés, qui s’enfuirent
en RSS de Lettonie.
La gare de Pytalovo en 2012 |
Lorsque la Lettonie recouvra
son indépendance le 4 mai 1990, la République de Lettonie s’appuya sur le
Traité de Riga de 1920 pour définit les limites de son territoire, ce qui
impliquait donc la restitution d’Abrene, redevenue entre-temps Pytalovo, dans l’oblast
de Pskov, à la Lettonie. La Russie rejeta toute référence au traité de 1920.
Comme, de plus, la Russie ne reconnaissait pas (et ne reconnaît toujours pas)
que les Etats baltes en général et la Lettonie en particulier aient été occupés
illégalement et annexés, la question fut gelée.
En 2005, quand la Lettonie négociait l’accord
de frontière avec la Russie, Vladimir Poutine (déjà Président de la Fédération
de Russie) déclara que les prétentions de la Lettonie sur Abrene étaient « contre
l’esprit européen » et qu’à la place elle recevrait (je cite) les oreilles
d’un âne mort (!).
L’accord frontalier fut
finalement signé en 2007,
sans faire référence au Traité de 1920, ce que d’aucuns considèrent comme une
trahison.
NB : l’Estonie a
connu le même problème avec le territoire de Petseri, au sud du lac Peipsi.
Pour plus de détails, voir
le texte en Anglais « The lost
Latvian land – Abrene » du 29 mai 2014 sur le site « Latvian
History » : http://latvianhistory.com/2014/05/29/the-lost-latvian-land-abrene/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire