Le nom de Skrunda fait d’abord référence à une
ville de Lettonie de 2 500 habitants, située en Kurzeme (Courlande) à 35
km de Kuldīga, sur la route Riga – Klaipėda.
Mais ce fut aussi, et je
dirais surtout, une ville secrète de l’époque soviétique, Skrunda-1, qui abritait deux installations radar majeures à 7 km de
la précédente (Lorsque les soviétiques construisaient des installations
secrètes, le site n’apparaissait pas sur les cartes et son nom était dérivé de
la localité la plus proche, suivi d’un numéro. L’arrêt de bus qui desservait la
ville secrète était lui-même appelé d’un anonyme « Kombināts » (Usine).
Les travaux des radars de
type « Dnepr » furent effectués secrètement, de 1963 à 1968 pour le
premier et de 1968 à 1973 pour le second. Chaque radar occupait un bâtiment à
deux ailes, chaque aile étant longue de 250 mètres et large de 12 mètres. Ils
étaient baptisés « Hen House » par l’OTAN, sans doute parce qu’ils ressemblaient
à des poulaillers ……
En 1985 commença la
construction d’un nouveau radar de type « Daryal » mais qui ne sera
pas menée à terme en raison de la chute de l’URSS. Il sera dynamité en mai 1995
par les Lettons bien décidés à montrer aux Russes que l’arrêt du fonctionnement
n’était pas négociable.
Destruction du radar inachevé, Daryal |
Ces radars étaient des
radars d’alerte qui avaient pour objet d’informer sur l’arrivée de missiles
balistiques intercontinentaux (ICBM). Le secret de la construction fut
toutefois éventés car, comme il s’agissait de radars de très forte puissance
(ils portaient jusqu’à 6000 km), ils perturbaient les émissions radio et télé
dans la région ! Par ailleurs, à partir de 1988, les habitants de la
région se sont mobilisés pour protester contre les risques que les radiations
électromagnétiques faisaient courir sur leur santé.
La ville militaire de
Skrunda-1 permettait aux militaires qui servaient les radars de vivre en
autarcie. Elle comptait 70 bâtiments sur 45 hectares, dont un hôtel, un mess, une
clinique, une cafétéria, une école, deux night-clubs, des serres et, bien sûr,
des casernements, le tout pour 5 à 600 personnes.
Après le retour de la
Lettonie à l’indépendance, le devenir de la station et de la ville fit l’objet
de discussions, avant que ne soit signé, entre la Lettonie et la Russie, le 30
avril 1994, un accord qui autorisait la Russie à utiliser les radars pendant 4
ans (en fait jusqu’au 31 août 1998), puis à les démanteler. La Russie essayer
de faire prolonger de deux ans l’utilisation du radar (jusqu’à ce que la
nouvelle station Daryal de Baranovichi au Bélarus soit opérationnelle), mais la
Lettonie refusa. La station fut donc fermée le 4 septembre 1998.
Le gouvernement letton
lança un appel d’offre pour vendre toute la zone. L’ensemble fut vendu le 5
février 2010 pour 1,55 millions de Lats (2,2 millions d’€) par une société
russe de Kinel, près de Samara, Alekseevskoye-Serviss,
mais qui sur place n’est connue de personne. Le propriétaire n’a jamais été
très clair sur ses intentions et son téléphone ne répond pas. Officiellement,
il semblerait qu’il voulait installer une porcherie de 120 000 têtes. Ou
un casino ! Ou qu’il ne soit qu’un prête-nom pour le géant pétrolier russe
Rosneft. En tout état de cause, il ne s’acquitta jamais de ses obligations. Le
site fut à nouveau soumissionné et fut acheté en juin 2010 pour …… 170 000
Lats (243 000 €) par une société lettone, Iniciative Europa mais dont le
propriétaire est un citoyen russe originaire de …… Samara. Mais qui ne s’en
occupe pas plus que le précédent !
Le site est toujours aujourd’hui à l’abandon et
Skrunda-1 est une ville fantôme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à
Pripyat, à côté de Tchernobyl (photos : http://pamirsta.lt/2013/10/29/karinis-miestelis-skrunda/)
.
Merci Gilles (comme d'habitude pour nous rappeller des pages d'histoire très contemporaine ). Surtout, bravo pour le lien
RépondreSupprimerqui conduit à un site lituanien d'explorateurs urbains qui offre plusioeurs dizaines de dossiers de photos sur leurs explorations des ruines militaires et industrielles qu'on rencontre à l'improçvisye=te en pleine forêt en voyageant en Lituanie et en Lettonie !
Je recommande tout particulièrement d'aller à votre prochain voyage dans les pays baltes, visiter le musée des missiles près du lac de Plateliai au coeur du Parc naturel de Samogitie.
http://coldwarsites.net/country/lithuania/plokstine-missile-base-museum-of-cold-war
Se trouvaient là enterrés dans la forêt des missilles à longue portée dont les têtes nucléaires pointaient vers Paris, Bruxelles Londres etc...
On en sort frigorifié et soulgé de retrouver la nature !
En Lettonie, c'est le site d'Irbene dans la forêt à 50 km au nord du port de Ventspils qui mérite le détour ! C'était une station secrète de radio télescope, d'écoutes . Imaginez une antenne ronde de plus de trente mètres de diamètre montée sur une un échafaudage de métal plus haut que l'Arc de triomphe... Et çà tournait... A côté quelques batiments en ruine qui servaient de logement aux tecniciens et aux militaires... Allez au moins voir les photos !
http://coldwarsites.net/country/latvia/secret-soviet-radio-telescope-and-former-closed-town-irbene
Et dire que je ne suis jamais allé voir un de ces sites ......Mais le week-end dans 8 jours et je me rattrape : je serai à Karosta, l'ex port militaire soviétique de Liepaja.
RépondreSupprimerKarosta est magnifique ! On entre par un pont tournant dessinné par Gustave Eiffel..
SupprimerTu as d'abord l'ancien port tsariste d'où est partie la flotte russe pour se faire couler par les japonais en deux jours après six mois de traversée depuis la Baltique. Il faut visiter la cathédrale orthodoxe Saint Nicolas inaugurée en 1903 par Nicolas II en personne..Grande coupole et quatre clochetons à bulbe ! Un monument aux marins coulés au Japon avec une gigantesque ancre... Avec une escale à Diego Suarez à Madagascar pour refaire du charbon : tu vois le voyage sur les traces des portugais.
Les maisons des officiers et la vielle école navale restent des batisses imposantes et en assez bon état. A côté des dizaines de HLM en ruine : à voir ! C'était la plus grande base navale de l'URSS : 26000 hommes.