Sur le mur du Fort IX de Kaunas : "Nous sommes 900 Français" |
Entre
mars 1942 et août 1944, 79 convois de déportation ont quitté la
France, généralement Drancy, pour les camps. Ils étaient composés
de personnes présumées de religion, d’appartenance ou
d’ascendance juive. Un seul, le convoi 73 s’est dirigé vers les
Etats baltes. A ce jour, on
ignore toujours la raison pour laquelle ce train a été dirigé
vers cette destination "non conventionnelle" et on
l’ignorera, sauf surprise, sans doute toujours.
Ce
convoi 73, constitué de 15 wagons à bestiaux, a quitté Drancy le
15 Mai 1944. Il avait pour caractéristique de ne comporter que des
hommes dans la force de l’âge, entre 12 et 66 ans, en tout 878
dont 38 adolescents. Au départ, il leur avait été dit qu’ils
allaient travailler pour l’organisation Todt, groupe de génie
civil et militaire allemand chargé de la réalisation de
constructions, civiles comme militaires, en Allemagne et dans les
pays occupés. En fait, le convoi s’est d’abord dirigé vers la
Lituanie qu’il atteint après trois jours d’un voyage éprouvant,
le 18 mai 1944.
Le Fort IX de Kaunas |
Dix
des quinze wagons sont restés à Kaunas, et ce sont environ 600
hommes qui ont été dirigés vers le IXe Fort puis,
peu de temps après, vers le camp de travail de Pravieniškės,
à une vingtaine de kilomètres de Kaunas. Ils furent soumis au
travail forcé avant d’être exécutés par groupes dans la forêt.
Les cinq autres wagons ont continué jusqu’à Reval, aujourd’hui
Tallinn, et les déportés ont d’abord été internés à la prison
de Patarei, puis utilisés à réparer les pistes du
terrain d’aviation de Lasnamaë. Ils furent là aussi
assassinés dans leur grande majorité.
Après
la guerre, les Allemands n’ont pas donné d’explication formelle
quant à cette destination exceptionnelle. Une « erreur
d’aiguillage » étant peu vraisemblable, une des théories
serait que les Allemands aient fait venir des « brûleurs de
cadavres » ne parlant pas la langue locale, de façon à ce
qu’aucun témoignage ne puisse filtrer sur les exactions qui se
déroulaient au fort.
(Sur
la ceinture de forts autour de Kaunas et en particulier le Fort IX,
voir
égalementhttp://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/04/la-ceinture-de-forts-autour-de-kaunas.html)
Seuls
22 des 878 hommes du Convoi 73 ont survécu après la guerre, et ont
pu rentrer en France en Mai 1945. Parmi les victimes, on compte le
père et le frère de Madame Simone Veil, elle-même déportée à
l’âge de 16 ans à Auschwitz-Birkenau. Le pire est que les
familles ignorent où leur parent a été exécuté. Il reste
aujourd’hui un seul survivant, M. Henri Zajdenwergier qui
avait 16 ans en 1944.
M. Henri Zajdenwergier avec le Premier Ministre Edouard Philippe à la prison de Patarei en juillet 2017 |
L’Association
des Familles et Amis des Déportés du Convoi 73 organise tous les
deux ans un voyage de mémoire en Lituanie et en Estonie. Le plus
récent a eu lieu durant ce mois de mai 2018. Par deux fois, lorsque
je résidais en Lituanie, j’avais participé aux cérémonies de
Kaunas. Bien que n’étant présent qu’en tant que modeste
historien, je ne pouvais faire autrement, au milieu des familles, que
d’être concerné par ce sentiment de tristesse, décuplé par le
fait de ne pas savoir où étaient morts et a fortiori où étaient
enterrés ces hommes qui n’avaient comme seul « tort »
que d’être Juifs.
Cérémonie au Fort IX de Kaunas (mai 2010) |
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