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jeudi 19 juillet 2012

Les nounours menacent-ils le Bélarus ?


L’affaire resterait anecdotique si elle ne révélait pas l’opacité d’un régime totalitaire et paranoïaque, et si elle n’en rappelait pas une autre survenue à l’époque soviétique. De quoi s’agit-il ?

Une agence suédoise de relations publiques, Studio Total, affirme, vidéo à l’appui, qu’elle a procédé le 4 Juillet à un vol clandestin au-dessus du territoire bélarusse, au départ de Lituanie, afin de larguer un millier d’ours en peluche pour promouvoir la liberté de parole et le respect des droits de l’homme au Bélarus. Des largages d’ours auraient eu notamment lieu au-dessus du village d’Ivyanets (entre Lida et Minsk, à 80 km de la frontière lituanienne) où un des cofondateurs de Studio Total, Per Cromwell, se serait trouvé. Des villageois auraient effectivement vu un avion lancer des paquets, lesquels auraient été ramassé par les équipes de nettoyage locales et remis au poste de police.


Une vidéo en deux parties des 90 minutes du vol peut être vue sur You Tube :

Les autorités bélarusses nient qu’il y eut un quelconque vol intrusif et affirment que la vidéo est un faux.
Mais, là où le bât blesse, c’est que, dans le même temps, elles arrêtent Anton Suriapin (Антон Суряпин), un étudiant en journalisme et webmestre du site www.bnp.by (Belarusian News Photos) et l’accusent d’avoir « aidé des étrangers à pénétrer illégalement au Bélarus ». Question : Peut-on accuser quelqu’un d’avoir aidé à une intrusion alors que l’on proclame par ailleurs qu’il n’y a pas eu d’intrusion ?! Peut-on placer en détention quelqu’un accusé d’avoir publié des photos d’un événement qui ne s’est jamais produit ? Au Bélarus, a priori oui.

Anton Suriapin

En Lituanie, d’où l’avion aurait décollé, le Ministre de la Défense, Rasa Juknevičienė, assure elle aussi il n’y a pas eu de vol. A noter que cet incident intervient dans une période de tension entre le Bélarus et la Lituanie, le KGB bélarusse ayant récemment arrêté un Bélarusse et tout son réseau, accusés d’espionnage au profit de la Lituanie pour « recueillir des informations sur le fonctionnement de l'armée de l'air et de la défense antiaérienne. »

Les deux affaires sont-elles liées ? Ce n’est pas impossible, puisqu’elles tournent toutes les deux autour de la défense antiaérienne. Et elles ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé à Moscou en Mai 1987.

Le 28 Mai 1987, un jeune Allemand, Mathias Rust, aux commandes d’un petit monomoteur Cessna 172, pénètre de 800 km en territoire soviétique et se pose sans encombre à proximité de la place Rouge de Moscou, près des murailles du Kremlin. Mikhaïl Gorbatchev en profite pour limoger son Ministre de la Défense, le responsable de la défense aérienne et 2 000 Officiers qui ont comme point commun d’être généralement opposés à la glasnost et à la perestroïka.

D’après leurs déclarations, c’était d’ailleurs l’objectif des initiateurs suédois du projet : ridiculiser le pouvoir bélarusse en montrant que ce régime policier avait finalement des pieds d’argile puisque sa défense antiaérienne n’était pas capable de prévenir ni d’arrêter un bombardement de nounours !




Espérons simplement que des lampistes, tels Anton Suriapin, n’auront pas à en pâtir.  

(On soulignera l’emploi quasi systématique du conditionnel dans le présent article, dans la mesure où les informations synthétiques exposées sont tirées de média forcément partisans).

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