Pages vues le mois dernier

mercredi 22 décembre 2010

Bélarus : retour à la « normale »

Donc, Aliaksandr Ryhoravitch Loukachenka aurait (conditionnel) finalement obtenu 79,67% des voix lors du premier tour de l'élection présidentielle bélarusse, d’après la présidente de la Commission électorale centrale, Lidia Iermochina. Son principal rival et suivant immédiat, Andreï Sannikov, n'en aurait (re-conditionnel) obtenu que 2,56%. Les premiers à le féliciter ont été Noursoultan Nazarbaïev, président du Kazakhstan, Hugo Chavez, président du Vénézuela et Mahmoud Ahmadinejad, président de l'Iran, une belle brochette de démocrates en vérité !

Hormis celles de ces alliés, les réactions dans le monde ont été quasi unanimes.

En ce qui concerne le scrutin en lui-même, seuls les observateurs de la Communauté des Etats Indépendants (C.E.I.) ont estimé (dès midi le jour de l’élection …) que le scrutin satisfaisait aux normes démocratiques internationales. A contrario, même les observateurs de l'association russe "Contrôle civil" ont détecté des irrégularités à presque toutes les étapes des élections, soulignant l’absence de représentants des partis d'opposition dans les commissions électorales territoriales et le fait que certaines catégories d'électeurs (étudiants, soldats, policiers et fonctionnaires) aient été contraintes au vote anticipé. L’administration américaine a déclaré, elle, être dans «l'impossibilité de reconnaitre les résultats de ces élections ».

L’Union Européenne a surtout, de son côté, «condamné le recours à la violence ». Catherine Ashton, Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a demandé avec une certaine naïveté la libération immédiate des leaders de l’opposition, tout en notant un progrès relatif lors de la période pré-électorale. De son côté, Geert-Hinrich Ahrens, qui dirigeait la mission des observateurs de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) a estimé qu’une estimation positive était impossible. Par ailleurs, l'organisation Reporters sans frontières a indiqué qu'une vingtaine de journalistes au total avaient été interpellés.

La réaction de la Russie était très attendue. Moscou n'a toujours pas officiellement félicité Loukachenka même si M. Medvedev a déclaré que les manifestations étaient «une affaire interne» du Bélarus ce qui, à mon sens, équivaut à une reconnaissance implicite des résultats.

Aujourd’hui (22 Décembre), plus de 600 opposants, dont 5 candidats à l’élection (qui risquent jusqu’à 15 ans de prison !), sont toujours incarcérés. Il semble qu’Uladzimir Nyaklyaeu soit particulièrement dans le collimateur ; hospitalisé après avoir été matraqué par la police, des policiers anti-émeute, sans s’identifier, sont venus l’enlever. Ayant fait partie à une époque de l’équipe du président biélorusse, l’envie de venger la " trahison " pourrait justifier la haine de l’ancien chef !

Le Ministre de la Justice bélarusse, Viktor Golovanov, a déclaré que les partis politiques liés à la manifestation seront “liquidés”. De son côté, Loukachenka a dit : «Il n'y aura pas de révolution au Bélarus (...) Nous avons fait tout le nécessaire pour que la campagne électorale se déroule honnêtement et dans le strict respect de la législation de notre pays», critiquant vertement les conclusions de l’OSCE.

Bref, on assiste à une sérieuse reprise en main du Bélarus après une campagne électorale qui, vue de loin, avait pu paraitre plus démocratique que d’habitude. L’Union Européenne va avoir bien du mal à continuer sa politique de rapprochement (sans parler de Ms Grybauskaitė qui avait déclaré préférer que Loukachenka reste en place……). Pourtant, depuis ces derniers mois, l’Union Européenne et même les Etats-Unis envoyaient des signaux à Minsk en disant : nous sommes prêts à accepter qu'Alexandre Loukachenka exerce un autre mandat ; nous demandons juste que le respect minimal des exigences par rapport aux élections. Un Loukachenka qui a d’ailleurs dit a contrario: «Nous n'allons pas nous incliner devant l'Union européenne, ramper, implorer», soulignant en revanche que les relations avec Moscou allaient être «meilleures qu'avec tout autre pays».

Un « expert » de RIA-Novosti déclare toutefois : « Même si Alexandre Loukachenko revenait à des méthodes plus civilisés de lutte, la violence de la soirée de la présidentielle aura un impact négatif sur lui, mais malheureusement sur le pays également. Le président biélorusse a dépassé une certaine limite ».

La cérémonie d’investiture d’Aliaksandr Ryhoravitch Loukachenka, au pouvoir depuis déjà 16 ans, pour un nouveau mandat de 4 ans, aura lieu le 19 Février 2011. Très prochainement, je ferai un post sur la précédente investiture, en Avril 2006, à laquelle j’ai participé …… de loin.

6 commentaires:

  1. A mon avis Lukashenka a commis une erreur en donnant ce résultat là. 10 à 15% pour l'opposition pour un ou 2 candidats et 60% pour lui aurait moins embarrassé les pays occidentaux. Il se tire une balle dans le pied en faisant ce qu'il a fait car il faudra du temps que l’épisode soit oublié en occident. D'un autre côté on remarque l’absence de critique quasi totale de la part des occidentaux, aucun chef d'Etat ou de gouvernement n'étant monté au créneau pour défendre la nébuleuse qui sert de l'opposition au Belarus. L’ère des révolutions de couleur est terminée.

    RépondreSupprimer
  2. L'ère des révolutions de couleur semble d'autant terminée que le Bélarus semble bel et bien revenir dans le giron de Moscou.

    RépondreSupprimer
  3. "Revenir"? L'a-t-il jamais quitté?

    RépondreSupprimer
  4. Disons que récemment Luka et Medvedev se sont échangés des noms d'oiseaux qui ne dénotaient pas une grande tendresse réciproque ......

    RépondreSupprimer
  5. Un sourire dans cette sombre actualité "back to USSR":

    Parmi les 600 personnes arrêtées dimanche soir, un homme, accusé d'avoir hurlé des slogans anti-gouvernementaux, n'a pas répondu aux questions du juge. Mauvaise volonté ? Non. Il est sourd-muet!
    http://telegraf.by/2010/12/a-deaf-and-dumb-detained-by-minsk-police-for-shouting-anti-government-slogans-media.html

    Ca ne vous rappelle pas l'ubuesque de l'Union soviétique ça ?

    RépondreSupprimer
  6. Si on veut vraiment faire du "back to USSR" il faut se souvenir que l'innocence ne prouve rien. C'est mal parti pour le sourd-muet en question...

    RépondreSupprimer