Une fois n’est pas
coutume : je vais sortir de ma zone de prédilection (qui s’étend quand
même de Tallinn à Yalta !) pour vous emmener jusque dans le Caucase.
Retour quatre ans en arrière.
En Avril 2008, la Russie
avait remporté une victoire tactique au sommet de l’OTAN à Bucarest, où, sous
l’influence de la France et de l’Allemagne, ni l’Ukraine ni la Géorgie n’obtinrent
le MAP (Plan d’action pour l’adhésion). La France expliquait son refus par la
nécessité de respecter l’équilibre européen, en clair, de ménager la Russie.
Dans la nuit du 7 au 8 Août 2008, l’armée géorgienne
bombarde la « capitale » sud-ossète Tskhinvali, débutant une
offensive pour essayer de reprendre par la force le contrôle de sa région
séparatiste d’Ossétie du sud. Tbilissi réagissait à une longue période
d’escalade et de provocations, accentuée pendant l’été, de la part de la
Russie. (NB : Si la Russie et ses affidés soulignent la première partie de
la phrase du rapport de la commission Heidi Tagliavini : « C'est
la Géorgie qui a déclenché la guerre contre la Russie lorsqu'elle a bombardé
Tskhinvali, la capitale de l'Ossétie du Sud, dans la nuit du 7 au 8 août
2008 », elle
« oublie » de mentionner la suite : « Toutes les parties, géorgienne, russe, abkhaze et ossète du sud, ont
leur part de responsabilité. La Russie avait mise en place une véritable
politique de l'escalade qui a mené à la guerre. Le contexte a mis la Géorgie
dans une situation où elle ne pouvait pas agir autrement ». Pour
consulter le rapport en Anglais (3 volumes) : http://www.ceiig.ch/pdf/IIFFMCG_Volume_I.pdf).
Le 8
Août matin, appliquant un plan
militaire approuvé en 2006 (fait récemment reconnu par le Président russe
Vladimir Poutine), la Russie faisait pénétrer en Géorgie, par le tunnel de
Roki, 5 bataillons de la 19e Division de Fusiliers motorisés appartenant
à la 58ème Armée, normalement stationnée en Tchétchénie, mais qui
sortait à peine de l’exercice « Caucase 2008 » ( Kavkaz-2008,
du 16 Juillet au 2 Août 2008).
La Russie justifia notamment son intervention
par le fait qu’elle avait, selon elle, toute légitimité à protéger
« ses » citoyens attaqués à l’étranger (les Sud-ossètes comme les
Abkhazes avaient été massivement naturalisés russes, bénéficiant d’une
stratégie de « passeportisation » les plaçant sous la protection de
la Fédération de Russie).
Le
14 Août 2008, Moscou et Tbilissi
acceptèrent de signer un accord de cessation des hostilités, proposé par la France
qui assure alors la présidence de l’Union européenne. Mais, alors que l’accord
prévoyait le retour des forces russes sur leurs positions ante bellum, il est notoire que la Russie ne respecte pas celui-ci,
entre 10 000 et 20 000 soldats russes étant encore stationnés en
Abkhazie et en Ossétie du sud. En outre, Moscou bloque le déploiement de
missions d’observation de l’ONU ou de l’OSCE, et la mission de surveillance européenne
(EUMM) est interdite de pénétrer en territoire sud-ossète.
Or, 4 ans plus tard, l’exercice « Caucase 2012 »
vient de se dérouler du 17 au 23 Septembre et a engagé 8 000 soldats, 200
véhicules de combat et près de 100 pièces d’artillerie. Notamment, des tirs
réels de missiles tactiques Totchka-U (SS 21 Scarab, d’une portée de 120 km) et
Iskander (SS 26 Stone, portée maximum 500 km), ainsi que de lance-roquettes multiples
Smerch (12 roquettes en 38 secondes jusqu’à 90 km) ont été effectué au cours de
l’exercice.
Ce qui rend nerveux les Géorgiens, outre le
précédent de 2008, c’est que cet exercice a lieu juste avant les élections
législatives du 1er Octobre
2012. Finir le travail de 2008, à savoir la conquête militaire du reste de
la Géorgie par la Russie n’est pas à exclure. Mais il est plus vraisemblable qu’il
s’agisse surtout d’un moyen de pression pour installer à la tête de la Géorgie
une marionnette au service du Kremlin, en l’occurrence le multimilliardaire Bidzina
Ivanishvili, qui a créé la coalition « Le rêve géorgien ». Ce
mouvement, financé par la Russie, et accusé d’acheter les voix, ratisse large,
des nostalgiques de l’URSS aux nationalistes les plus véhéments, et est prêt à descendre
dans la rue pour obtenir par la violence ce qu’il n’aurait pas pu avoir dans
les urnes.
Bidzina Ivanishvili |
Autant le résultat des élections législatives
bélarusse de dimanche dernier ne faisait aucun doute, autant celui des
élections en Géorgie mérite qu’on s’y attache.
Tir de batterie de Smerch |
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