Le 22 Juin 1941, à 4 heures du matin, l’aviation allemande survole Ventspils et Liepāja : c’est le volet letton de l’Opération Barbarossa, par laquelle l’Allemagne nazie se retourne contre son allié de circonstance soviétique. Le Groupe d’Armée nord, commandé par le Maréchal Wilhelm Ritter von Leeb, a pour objectif Leningrad (aujourd’hui Saint Petersburg) à travers les Pays baltes. Riga (où aucune bataille sérieuse n’a lieu) tombe le 1er Juillet, et le 8 Juillet 1941 l’armée allemande occupe déjà tout le territoire de la Lettonie.
Dans leur retraite, les unités russes du NKVD font sauter la vieille ville de Riga, et le Commissaire aux affaires intérieures, Semjon Sustin, donne l’ordre de fusiller tous les prisonniers politiques. Ces derniers crimes, s’ajoutant à l’ « Année de Terreur » que viennent de vivre les Lettons, expliquent pourquoi les unités allemandes sont, en beaucoup d’endroits, accueillies en libératrices de la tyrannie soviétique. Il est vraisemblable que les Allemands, vus pendant des siècles comme des oppresseurs à travers les barons germano-baltes, n’auraient pas reçu un tel accueil s’il n’y avait eu entre temps les exactions soviétiques.
La majorité des Lettons espèrent que la Lettonie va pouvoir retrouver sa liberté et son indépendance. Mais telle n’est pas l’intention des Allemands. Dès le 1er Juillet, les Allemands ordonnent le démantèlement des unités de partisans lettons et leurs armes doivent être données aux unités allemandes. Le port d’uniformes lettons est interdit et le drapeau letton ne peut plus être arboré. Les noms de lieux et de rues lettons sont remplacés. Les Lettons sont tombés d’une occupation dans une autre. En quelques mois, dans les pays baltes, mais aussi en Ukraine et dans plusieurs républiques soviétiques, le Reich va ainsi s’aliéner des millions de personnes qui, jusque-là, avaient été plutôt heureuses de s’être vues débarrassées des communistes et des commissaires politiques grâce aux soldats allemands.
Considérant la Lettonie comme une partie intégrante de l’U.R.S.S., les nazis s’y conduisent comme en territoire conquis, prenant sous leur coupe les administrations et les biens. Un Ministère des Territoires occupés de l’Est est créé, dirigé par Alfred Rosenberg. Les rouages d’un régime d’occupation se mettent en place, prévoyant une colonisation de l’Estonie et de la Lettonie. Mais Rosenberg, excluant toute autonomie étatique, estimait que seuls 50 % de la population lettone pouvait être germanisée, les autres devant être transférés dans les zones occupées de Russie et de Biélorussie et remplacés par des colons allemands.
Dès les premiers jours de l’occupation, les Allemands instaurent en Lettonie un système de répression, organisé par le Brigadenführer SS Stahlecker et basé sur le Sicherheitsdienst (SD – Services secrets). Il dispose du Groupe opérationnel A (SD Einsatzgruppe A), chargé de l’extermination des Juifs et des communistes. Afin d’atteindre plus rapidement les objectifs du régime, des unités lettones furent incluses dans les forces du SD, dont la plus notoire fut le commando de Viktors Arājs à Riga qui, en 1943, comptait 1 200 hommes. Un système de ghettos (Riga/Mežaparks, Daugavpils, Liepāja), de camps de concentration (Salaspils) et de prisons fut établi.
De Juin 1941 à 1945, 70 000 Juifs de Lettonie seront exterminés. S’y ajouteront environ 20 000 Juifs venus d’Allemagne, d’Autriche, de Hongrie et de Lituanie, 18 000 Lettons, 2 000 Tziganes et 2 271 malades mentaux. Les unités lettones du SD et le SD Einsatzgruppe A allemand ont été les exécutants zélés de cette extermination. Mais, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, la « Légion de Volontaires SS Lettons », créée en 1943 et engagée dans des combats défensifs en Russie contre l’armée soviétique n’a jamais participé à cette extermination. (Cette « Légion lettone » fera l’objet d’un post ultérieur). Ce qui ne dédouane nullement les Lettons qui ont participé aux massacres.
Il existait un mouvement de résistance au régime nazi, mais qui n’était pas unifié. Il y avait d’une part un mouvement de résistance nationale, défendant une restauration de la souveraineté de l’Etat, qui devait faire face à deux ennemis : les nazis et les soviétiques. Elle ne bénéficiait d’aucun soutien extérieur. Il y avait d’autre part la résistance communiste, soutenue par l’Union soviétique, qui souhaitait le retour au régime (illégal) soviétique. A l’été 1943, le Conseil Central de Lettonie (LCP - Président : Konstantīns Čakste), regroupant des représentants des quatre plus grands partis politiques de la dernière Saeima indépendante, a essayé d’unifier les mouvements de résistance nationale. A partir de 1944, il aidera les refugiés, fuyant la nouvelle occupation soviétique, à se rendre en Suède. Après la guerre, le LCP a essayé, mais en vain, de reprendre ses activités dans une Lettonie réoccupée par les soviétiques.
Car, avec la retraite allemande, l’armée soviétique retraversa la frontière lettone en Juillet 1944, semant la panique et l’horreur dans les zones « libérées ». Par exemple, à Ļaudona, dans la région de Madona, 630 habitants sur 2 000 sont tués le 6 Aout 1944. Rēzekne, Daugavpils, Bauska, Jelgava, etc.… sont dévastées, parfois par les deux belligérants. L’armée rouge se comporte en Lettonie comme en territoire ennemi, pillant et violant. Au printemps 1945, 40 000 Lettons sont déjà déportés. Une nouvelle occupation commençait. Elle allait durer 47 ans.
(à suivre)
Sources :
· Histoire de la Lettonie au 20eme siècle, éditions Jumava, 2006
· Latvia during the Second World War, Nacionālais Apgāds, 2007
· The three occupations of Latvia 1940-1991, Occupation Museum Foundation, 2005
En parlant de ça, nous avons découvert l'an dernier que l'armée de l'air lettone de l'entre deux guerres avait la croix gammée comme embleme et au musée de la guerre de Kaunas, nous avons vu des statues (monument aux morts) et gravures dans le musée ou les généraux lituaniens de l'entre deux guerres portaient une médaille arborant la croix gammée.
RépondreSupprimerIl est évident que cela n'a aucun lien avec le régime nazi car c'est plus ancien, mais nous n'avons pas trouvé d'explication à cela.
C'est très étrange de voir ce symbole apparaitre dans les pays baltes juste avant que les nazis en fassent usage.
Avez vous connaissance de ceci et savez vous pourquoi la Lituanie et Lettonie a choisi ce symbole pour leurs armées ?
Je montrais à un ami un passeport letton délivré en ma mère le 12 septembre 1928. Il a examiné chaque page par transparence. Surprise partagée, il y avait à chaque page des croix gammées en filigrane.
SupprimerEn 1928, il devait s'agir d'une "perkonkrusts" (croix de Perkons ou Perkunas : le dieu du tonnerre), ou "zibenkrusts" (croix de tonnerre) ou encore "ugunskrusts" (croix de feu), symbole de la vie éternelle, du tonnerre et du feu.
SupprimerLe svastika est un des plus anciens symboles de l'humanite dans la majoite des civilisations au monde ! Il remonte au moins au 5eme millenaire avant J.C.. En Chine il symbolise l'eternite, on le trouve dans le bouddhisme, l'hindouisme, etc.....A partir de la fin du XIXe siecle, le svastika etait meme tres populaire en Occident, notamment comme porte-bonheur. Coca-Cola l'a meme utilise en 1925 sur des objets publicitaires !
RépondreSupprimerDans la mythologie lettone, il est appelé « croix de tonnerre » (zibenkrusts) ou « croix de feu » (ugunskrusts). L'armée de l'air lettonne utilisa un svastika (appelé Pērkonkrusts, « croix du [dieu-]tonnerre ») de 1918 à 1934. D'autres unités l'utilisèrent comme insigne.
Il n'y a donc strictement rien d'etrange a voir de tels emblemes tres repandus, Perkons en Lettonie, Perkunas en Lituanie etant considere comme un des dieux les plus importants du pantheon balte.
Evidemment, son utilisation par les nazis a fait que ce symbole est mal vu, voire interdit, en Occident. Si je ne m'abuse, la Russie et l'extreme gauche francaise se sont offusquees, il y a quelques semaines, qu'un tribunal de Klaipeda considere le svastika comme un symbole traditionnel lituanien. Et pourtant ..... Mais il faut voir dans quel contexte c'etait, et ca je l'ignore.
Pour ce qui est que ce soit un signe répandu, c'est bien connu (nous avons entre autres le croix basque chez nous dans le meme genre), par contre que ce soit la "croix du tonnerre" en letton, ça m'était inconnu.
RépondreSupprimerJ'avais été assez interloqué de voir ce signe apparaitre sur une médaille, maintenant je comprends mieux.
Néanmoins je trouve bizarre que la Lettonie et Lituanie aient utilisé en même temps ce symbole dans leur domaine militaire.
Ces mêmes militaires ont du être étonnés de voir émerger en Allemagne un pouvoir utilisant ce même signe.
En effet on n'en a pas eu l'occasion de reparler mais la svastika est un symbole de l'art traditionnel lituanien. On n'en vois plus de nos jours mais en cherchant bien on en trouve des traces assez souvent.
RépondreSupprimerElle représente la vie éternelle et le soleil/feu. A été utilisé non seulement par les lettons pour leur aviation militaire mais aussi par les finlandais.
A titre personnel je trouve que c'est dommage de la voire proscrite(même si en Lituanie comme Gilles l'a souligné elle n'est pas interdite) mais on ne peut réécrire l'histoire. Reste plus qu'à interdire l'étoile rouge :D
Aucun rapport avec le sujet, mais voici une présentation délirante de l'histoire sovietique :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=hWTFG3J1CP8&feature=player_embedded#!
Il y aura un probleme tant que, pour une partie des opinions, tant a l'ouest qu'a l'est de l'Europe, il sera impensable de mettre sur le meme pied d'egalite les totalitarismes sovietique et nazi.
RépondreSupprimerAvant d'interdire l'etoile rouge, on pourrait commencer par ne pas elever de statues a Lenine (cf. Montpellier), voire a Staline (Ukraine, Russie).