Ce sont les Chevaliers
Teutoniques qui, en 1252 fondent la
ville de Memel, à proximité du delta du Niémen, sur un territoire initialement
occupé par des tribus baltes (Coures et Skaloviens). La région fut âprement
disputée aux Lituaniens, qui, eux, voulaient avoir un accès à la mer, car elle
permettait de relier la Prusse des Chevaliers Teutoniques et la Livonie des
Chevaliers Porte-Glaive.
Le 27 Septembre 1422, la
paix du lac de Melno met fin à des décennies de conflit et fixe la frontière de
la Prusse au nord du Niémen, Memel revenant définitivement à l’Etat monastique
des Chevaliers Teutoniques. Au-delà des vicissitudes historiques, à travers le
Duché de Prusse (1525 – 1701), uni à la Marche de Brandebourg de 1618 à 1701,
puis du Royaume de Prusse (1701 – 1918), au sein de l’Empire d’Allemagne à
partir de 1871, la frontière ne sera plus modifiée et Memel restera germanique
jusqu’à la fin de la première Guerre mondiale.
Les articles 28 et 99 du Traité de Versailles (signé le 28 Juin 1919,
promulgué le 10 Janvier 1920) créent ex abrupto un « territoire de
Memel » (Memelland, cf. ci-dessus) avec la partie de la Prusse orientale située au nord du Niémen,
peuplée pour une grande moitié de Lituaniens et pour une petite moitié
d’Allemands. Le territoire est détaché de l’Allemagne mais il n’est pas précisé
à qui il est attribué. La tendance était que la France, qui considérait que la
Lituanie n’avait pas d’avenir en tant qu’Etat, et qui voulait l’installation
d’une zone tampon entre l’Allemagne et la Russie, souhaitait l’attribution du
territoire à la Pologne.
Le 9 Janvier 1920, un
accord intervient entre l’Allemagne et les Puissances alliées, qui place le
territoire de Memel sous le contrôle de la Société des Nations (créée par le
Traité de Versailles). Son administration est, après bien des tergiversations
et une ultime volte-face britannique (21 Janvier 1920), confiée à la France au
nom de l’Entente. Le Général de Brigade
Joseph Dominique Odry en est initialement le chef et le 21ème
Bataillon de Chasseurs à Pied (et non pas Alpins comme écrit ici ou là), avec
un effectif d’environ 750 hommes (6 compagnies), est chargé d’assurer le
fonctionnement de la mission et le maintien de l’ordre. Le 15 Février 1920, le commissaire allemand, le comte Lambsdorf, remet
officiellement le pouvoir sur le territoire de Memel au Général Odry.
Le Général Odry (au centre) |
Le gros des forces
françaises, aux ordres du Chef de Bataillon Guillaud (remplacé le 20 Juillet
1922 par le Chef de Bataillon Thibeaud), est installé à Memel, alors qu’une
compagnie est détachée à Heydekrug (Šilutė) et une compagnie et demie à Pogegen
(Pagėgiai). Mais, la situation étant estimé calme, voire monotone, les
effectifs seront réduits à plusieurs reprises jusque ne plus compter qu’une
seule compagnie à l’été 1922. La Mission quant à elle est abondée à partir du
31 Mars 1920 du Préfet Jean-Gabriel
Petisné qui deviendra en Mai 1921 Haut-commissaire allié.
Le Haut-commissaire Petisné (au centre) |
En Octobre 1922 fut créée, par la Conférence des Ambassadeurs, une
commission spéciale, dirigée par un diplomate français, chargée d’élaborer (enfin !)
un projet de statut pour le territoire de Memel. Mais ce projet prenant nettement
un tour correspondant aux attentes polonaises, les lituaniens, dont la partie
est du pays était par ailleurs militairement occupée par les Polonais,
décidèrent de résoudre le problème d’une autre manière, en l’occurrence l’annexion
par la force du territoire de Memel.
La prise du territoire de
Memel eut lieu du 10 au 15 Janvier 1923.
Elle fut le fait d’une unité lituanienne de 1 400 hommes, aux ordres du
Colonel Budrys, à qui ont avait imposé d’abandonner tout objet pouvant faire
croire qu’ils ne venaient pas du territoire de Memel. Le but était de faire
croire à un soulèvement des Lituaniens du territoire contre « … le directoire allemand et son soutien
Petisné ». Il faut souligner que le Premier Ministre lituanien,
Ernestas Galvanauskas, avait donné des consignes pour ne pas verser de sang
français inutilement.
Insurgés lituaniens |
Les deux premiers jours de l’insurrection
furent relativement calmes, et l’ennemi principal sembla être le froid. Les
affrontements décisifs eurent lieu dans la matinée du 15 Janvier 1923. Les
Français en sous-effectif (200 contre 1400 militaires lituaniens et 300
habitants du territoire) durent se replier sur la Préfecture, siège de la
Mission française. Les réserves de munitions françaises s’épuisant rapidement,
le Commissaire Petisné fit hisser le drapeau blanc. Les Chasseurs rendirent
leurs armes, mais qui leur furent rapidement rétrocédées par les Lituaniens.
Les combats firent toutefois 12 morts lituaniens et 2 français.
La Conférence des Ambassadeurs
tenta d’intimider les Lituaniens, mais renonça à une intervention armée de peur
d’embraser la région. Finalement, le 16
février 1923, la Conférence des Ambassadeurs décida que le port et la
région de Memel passaient officiellement sous souveraineté lituanienne. Le
gouvernement polonais était consterné mais, quelques jours plus tard, le statu
quo de l’occupation polonaise de Vilnius était officiellement reconnu à son
profit.
"Défilé de la victoire" lituanien |
Le 19 Février au matin,
tous les Français, civils et militaires, quittèrent Memel - devenue Klaipėda - pour s’embarquer sur l’aviso Ailette, puis sur le cuirassé Voltaire et rentrer en France. La
parenthèse française à Memel était terminée et il faut bien reconnaître que
cette période de trois ans, qualifiée encore aujourd’hui d’occupation par les
Lituaniens, n’a pas laissé de traces à Klaipėda.
Pour tout savoir sur cette
insurrection et ce qui se passera après : « Les Français à Klaipėda et après – 1920-1932 » d’Isabelle
Chandavoine, éditions Žara, 2003. On pourra également consulter, si on le
trouve, le catalogue de l’exposition « Prancūzai
Klaipėdoje 1920-1923 », Libra Memelensis, 2007, recueil de
photographies exposées par Bernard Jusserand au Musée pour l’Histoire de la
Lituanie Mineure de Klaipėda.
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