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lundi 7 avril 2014

Quand la Moscovie capte l’héritage de la Rus’ / Ruthénie

Le baptême de Volodymyr le Grand en 988

Ce qui va suivre va sans doute paraître ésotérique à certains de mes lecteurs. Ces subtilités historico-sémantiques sont toutefois bien plus importantes qu’il n’y paraît dans la mesure où la Russie d’aujourd’hui joue encore dessus pour étendre son empire !

Tout d’abord, il n’est sans doute pas inutile de rappeler qu’en ethnologie comme en linguistique, on distingue trois groupes de populations slaves : les Slaves orientaux (principalement Russes, Biélorusses et Ukrainiens), les Slaves occidentaux (Polonais, Tchèques, Slovaques) et les Slaves méridionaux (Slovènes, Croates, Bosniaques, Serbes, Bulgares, Macédoniens, etc….). Il ne sera ici question que des Slaves orientaux.

A partir de la fin du IXe siècle, les tribus slaves orientales, divisées, auraient fait appel à un groupe de Varègues (Vikings de la route de l’est) pour les unifier. A partir de 1917, les « historiens » soviétiques finirent par nier toute intervention extérieure et affirmèrent que la Rus’ fut le produit du seul développement indigène des sociétés slaves-orientales.  

S’il n’y a aucune certitude que les Varègues aient créé ex nihilo des structures politiques chez les Slaves orientaux, il n’en reste pas moins qu’ils ont fourni à la Rus’ originelle une dynastie de souverains talentueux.
L’apogée de l’Etat de la Rus’ sous les Grands Princes Volodymyr le Grand (980 – 1015), qui reçoit le baptême en 988 et impose à son peuple le christianisme de rite byzantin, et de son fils Iaroslav le Sage (1019 – 1054).

La Rus' au XIe - XIIe siècle

Malheureusement, le système de succession entraîna des guerres civiles entre les diverses principautés constitutives de la Rus’, laquelle se divisa en de multiples principautés. Malgré Volodymyr II Monomaque (1113 – 1125) et son fils Mstislav 1er (1125 – 1132), ce dernier sera le dernier souverain d’une Rus’ unie.
C’est un événement extérieur qui mettra fin à la Rus’ kiévienne : la conquête mongole. Après un premier raide, suivi d’autres, en 1222, Kiev tombera en 1240 et sera presque totalement ruinée.

A cette époque de la conquête mongole, Moscou n’était qu’un avant-poste négligeable de la Principauté de Vladimir-Souzdal. C’est Daniel Moskovski (1263 – 1303), le plus jeune fils d’Alexandre Nevski, souverain de Vladimir-Souzdal, qui va commencer à élargir sa petite principauté de Moscou. Par la suite, celle-ci se transforma en Grande-Principauté (1328 – 1547), son expansion s’accompagnant de consolidation interne (perte de l’autonomie des princes). En 1547, c’est Ivan IV le Terrible qui prendra le titre de « Tsar de toutes les Russies », le terme englobant la Grande Russie (Russie stricto sensu), la Petite Russie (Ukraine) et la Russie blanche (Biélorussie).  

Les extensions successives de la Principauté de Moscou

Depuis le XVIIIe siècle, l’Empire russe a réussi à imposer une théorie selon laquelle les Russes sont les principaux héritiers de la Rus’ kiévienne, qui était en fait la première « Russie » (sic). C’est d’ailleurs à cette époque que la Moscovie a adopté le nom de Russie, dérivé de Rus’, ce qui constitue une sorte de captation d’héritage. Après les invasions mongoles, alors que les territoires des futures Ukraine et Biélorussie tombaient sous la domination lituanienne puis polono-lituanienne, la Moscovie s’estima dépositaire de la tradition politique kiévienne et entreprit la « réunification » de l’ancienne Rus’ sous la forme de l’empire russe moderne. Après les avoir « libérés », le pouvoir russe nia la qualité de peuples distincts aux Ukrainiens et aux Biélorusses, les considérant comme des groupes russes dont les particularismes ne seraient apparus que tardivement, sous l’influence polono-lituanienne.  

Aujourd’hui, on assiste bien à la même dialectique, la Russie voulant « réunifier », au besoin par la force, les peuples de langue russe !  

(Texte en partie inspiré de « L’Empire médiéval de Kiev, débats historiques d’hier et d’aujourd’hui » de Iaroslav Lebedynsky, 2002)


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