Vingt
sept ans après, nous n'avons toujours pas fini d'apurer les comptes
suite à l'étrange putsch qui s'est déroulé à Moscou du 19 au 22
août 1991. Après être revenu, dans une première partie, sur les
faits, je mettrai en exergue, dans la deuxième partie, les
incohérences de ce putsch et j'essaierai d'en tirer des conclusions.
1ère
partie : Les faits
Le 19
Août 1991 au matin, les Russes, et au-delà les
soviétiques, qui avaient appris à lire entre les lignes, se
doutèrent qu’il se passait quelque chose car leur télévision
passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet,
ce 19 Août à 6H du matin, un « Comité d’État pour l’état
d’urgence » s’approprie le pouvoir au Kremlin. Parmi
les comploteurs, il y a du beau monde. A commencer par Guennadi
Ianaïev, Vice-président de
l'URSS, Valentin Pavlov, Premier Ministre de l'URSS, Vladimir
Krioutchkov, Président du KGB, Boris Pugo, Ministre
(letton) de l'Intérieur et Dmitri Iazov, Ministre de
la Défense.
C'est
la publication du projet
de traité de l'Union,
le jeudi 15 août, qui a précipité l'instauration de cet état
d'urgence, opération envisagée depuis quelque temps. Alors que
six des quinze républiques soviétiques (les trois républiques
baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient à l'écart
d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur
aspiration à l'indépendance, les neuf autres avaient accepté de
participer à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS.
Mais, même pour celles-ci, les dispositions sont floues, ambiguës,
voire contradictoires et ne satisfont personne. Ainsi, comment
concilier la disposition qui fait de chaque république
"un État souverain"
et celle qui qualifie la nouvelle Union des Républiques soviétiques
souveraines d'"État fédéral
démocratique et souverain" ?
Mikhaïl
Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et
Président de l’Union soviétique, est
depuis le 4 août en vacances en Crimée dans sa somptueuse
datcha de Foros. Le 18 août, une délégation des conjurés arrive
là-bas, le relevant de ses fonctions et le séquestrant. Ils
justifient le « départ » du Président par une
incapacité d'exercer ses fonctions pour des raisons de santé,
argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev en
1964, déjà en séjour sur les bords de la Mer Noire…….
Les huit putschistes du « Comité d’État pour l'état d'urgence », représentant un éventail des principaux intérêts menacés par la politique de réformes de Mikhaïl Gorbatchev,proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à Moscou.
Très
rapidement, des
manifestations importantes contre les dirigeants du coup d'État se
déroulent à Moscou et à Leningrad (ancien nom de
Saint-Pétersbourg) et le président de la Russie, Boris
Eltsine, dirige la
résistance depuis la Maison Blanche, le parlement
russe. Un assaut planifié du bâtiment par la force ALFA, force
spéciale du KGB, échoue après que les troupes eurent
unanimement refusé d'obéir. Durant l'une des manifestations,
Eltsine se tint debout sur un blindé pour condamner la « junte ».
L'image, diffusée dans le monde entier à la télévision, devint
l'une des images les plus marquantes du coup d'État et renforça
très fortement la position de Eltsine. Le 21 août 1991, une
large majorité des troupes envoyées à Moscou pour soutenir le
putsch se rangea au contraire ouvertement aux côtés
des manifestants ou firent défection.
Dès
le 22
août 1991,
tout était terminé, l'armée avait fraternisé avec la foule, après
que Boris Eltsine, monté sur un char, ait appelé à défendre le
pouvoir légitime de Gorbatchev. Mikhaïl Gorbatchev put
regagner Moscou. Les putschistes furent arrêtés.
2ème
partie : Les
incohérences du putsch
Ce
fut sans doute un des coups d’État les plus mal préparés
de l’histoire. En effet, la vraie surprise viendra du degré
d’impréparation des putschistes qui n’arrivèrent pas à
empêcher les manifestations. Parmi les
incongruités, on relèvera :
#
S’il fut destitué comme Président, Gorbatchev conserva le
Secrétariat général du parti communiste et, à ce titre, contrôla
toujours, du moins sur le papier, l’armée et le KGB.
#
Le « Comité pour l’état d’urgence » censura la
télévision, mais laissa diffuser des images de Boris Eltsine
fraternisant avec les tankistes.
#
De même, le Comité laissa diffuser des appels de Chevardnadze et de
Iakovlev appelant à constituer des comités de soutien à
Gorbatchev.
#
Plus généralement, Eltsine bénéficia d’une totale liberté de
déplacement et d’expression, se forgeant ainsi une carrure de
héros démocrate.
#
Le Comité resta d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant
pas utiliser la force (la Division Taman fera même allégeance à
Boris Eltsine), et n’ayant pas non plus recours à la structure du
pouvoir : le parti communiste.
A
qui profita le "crime" ?
Ce
putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec
a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a
donné lieu à toutes les hypothèses.
La
plus couramment admise fut celle du premier degré, un putsch des
conservateurs qui échoua du fait notamment de l’opposition de la
population qui ne voulait pas revenir en arrière sur les acquis de
la perestroïka.
Une
autre version affirma que Boris Eltsine, Président démocratiquement
élu de la Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé
faire en vue de le récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est
indubitablement lui qui a été le bénéficiaire de ce putsch.
D’autres
encore pensèrent que c’est Gorbatchev qui avait tout monté, dans
une partie de billard à plusieurs bandes visant à discréditer les
« durs ». Auquel cas, il s’est planté puisque
supplanté par Eltsine, et l’U.R.S.S. a bel et bien implosé le 21
Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour au cours du
putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que d’augmenter
leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui
suivirent.
(NB :
les putschistes furent arrêtés, condamnés, puis amnistiés en
1994. Ils eurent une fin de vie paisible, à l’exception de Boris
Pougo qui s’est suicidé …… ou qui a été suicidé).
Aujourd’hui,
la Russie est dirigée par un ancien Lieutenant-colonel du KGB qui a
déclaré que la chute de l’URSS était la plus grande catastrophe
du XXe siècle et qui n’a de cesse de faire revenir, y compris par
la coercition, l’étranger proche dans le giron de la Russie.
Alors,
tout ça pour ça ?
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