Pages vues le mois dernier

mardi 5 octobre 2010

A Jelgava sur les traces de Louis XVIII



Je me suis rendu hier à Jelgava, ville de 65 000 habitants, située à 42 km au sud de Riga. Son nom germanique de Mitau, sous lequel elle a été connue pendant des siècles, est apparu en 1265 quand le Grand-maitre de l’Ordre Livonien a fait construire un château-fort sur une ile au confluent du fleuve Lielupe et de son affluent la Driksa. La ville se développera surtout au milieu du XVIe siècle, avec l’établissement du Duché de Courlande et l’installation, en 1568, de sa capitale à Mitau à l’instigation du premier Duc, Gotthard Kettler. L’étape suivante aura lieu sous le Duc Ernst Johann Biron, avec la construction, étalée de 1738 à 1771, d’un palais baroque sur les plans de l’architecte italien Bartolomeo Rastrelli, qui construira en même temps une résidence d’été de Rundāle. 


Mais ce qui m’a amené hier à Jelgava, c’est Louis XVIII

Celui qui n’est à l’époque que le Comte de Provence s’enfuit de Paris le 20 Juin 1791, le même jour que son frère le Roi Louis XVI, mais lui aura la chance de n’être ni reconnu ni rattrapé. Rejoignant d’abord l’armée des émigrés à Coblence, il va par la suite mener une vie d’exil, et cette vie ne dépendra que des subsides et de l’hospitalité des souverains étrangers. C’est ainsi qu’il arrive à Mitau le 29 Mars 1798, à l’invitation du Tsar Paul 1er

Il va retrouver un peu de faste dans l’ancien palais des Ducs de Courlande (le Duché a été annexé par la Russie en 1795), avec une suite de 108 personnes et une centaine de gardes du corps équipés aux frais du Tsar, lequel lui octroie en plus une rente annuelle de 200 000 roubles. Mais surtout, celui qui est officiellement le Roi Louis XVIII depuis le décès du Dauphin à la prison du Temple en 1795, va élaborer un programme politique destine à être appliqué à son retour en France. En outre, c’est à Mitau qu’a lieu, le 10 Juin 1799, le mariage de Marie-Thérèse-Charlotte, la fille orpheline de Louis XVI et Marie-Antoinette, avec le Duc d’Angoulême, fils ainé du Comte d’Artois futur Charles X.  

Mais, le 20 Janvier 1801, suite à des intempérances de langage de l’entourage de Louis XVIII, celui-ci est expulsé (par une lettre adressée à « Monsieur Louis XVIII ») vers Varsovie, alors en Prusse. C’est lors de ce voyage que Louis et sa suite seront bloqués par une tempête de neige le 24 Janvier 1801, et que le Roi sera contraint de passer deux heures à pied dans la neige (épisode rappelé par la gravure ci-dessous, photographiée hier au Musée du château de Jelgava).

Le Roi de Prusse expulsera à son tour « ces Français turbulents » en Aout 1804 et, après plusieurs semaines passées chez le Baron von Konigfels à Blankenfeld (actuelle frontière Lettonie / Lituanie), Louis XVIII retrouve Mitau en Octobre 1804. Il y séjournera jusqu’au 3 Septembre 1807, date à laquelle il rejoindra l’Angleterre, via le port de Liebau (Liepaja), car les troupes napoléoniennes sont décidemment un peu trop proches (on se rappellera que, le 25 Juin 1807, a eu lieu la rencontre entre Napoléon 1er et Alexandre 1er à Tilsit).  

Le palais de Mitau / Jelgava abrite aujourd’hui, et ce depuis 1936, l’Université d’Agriculture de Lettonie. Ayant été détruit plusieurs fois, notamment en 1919 par les troupes de Bermondt-Avaloff et en Juillet 1944, lors des combats germano-soviétiques de la poche de Courlande, le palais présente un extérieur brillant rénové petit à petit, mais l’intérieur n’a rien à voir avec ce qu’il pouvait être à l’époque des Ducs de Courlande ou de Louis XVIII. Une pièce abrite un modeste  musée, avec pratiquement rien qui ne rappelle le séjour de 2 fois 3 ans du Roi de France. Je dois toutefois souligner l’extrême disponibilité de la jeune femme qui devait en être le conservateur et qui m’a ouvert, sans que je l’aie sollicité, ses maigres archives sur le sujet. 

Je ne peux donc qu’espérer qu’à l’avenir un peu plus d’intérêt soit apporté, notamment par la France,  à un lieu qui a abrité une partie de son histoire.          

14 commentaires:

  1. Louis XVIII, comme Charles X et Louis-Philippe ont eu tort d'être rois après la révolution, ça fait tâche sur les livres d'histoire.

    RépondreSupprimer
  2. Merci Gilles ,j'ai encore appris quelque chose de très intéressant ,une partie méconnue de notre Histoire de France hors de nos frontières.
    Le palais est magnifique vu de l'extérieur ,et je lui trouve une certaine ressemblance avec le palais de Kadriorg près de Tallinn .
    http://claudepoulain.ifrance.com/claudepoulain/Estonie/tallinn_kadriorg.htm

    Mais pensez vous qu'on puisse espérer que l'Etat français s'intéresse à Jelgava et à l'Histoire que la France y a laissée ?
    J'aimerais y croire ,mais je suis très sceptique!

    RépondreSupprimer
  3. Mais au final tout est bien qui finit bien et la France a retrouvé son roi légitime.

    RépondreSupprimer
  4. Le probleme est qu'il ne va meme bientot plus y avoir de livres d'histoire, puisque celle-ci est en train de disparaitre des programmes. "Du passe faisons table rase !" Pourtant que de chose du present on peut expliquer avec le passe !

    RépondreSupprimer
  5. @ Marianne

    A votre question, j'aurais tendance a repondre non ! Helas ....

    Qu'il y ait des similitudes entre le palais de Kadriog et celui de Mitau /Jelgava n'est pas etonnant.
    # Le premier a ete construit de 1718 a 1736 par un architecte italien, Niccolo Michetti.
    # Le second a ete construit de 1738 a 1772 (avec 23 ans d'interruption lorsque Ernst-Johann Biron a ete exile en Siberie) par un autre architecte italien, Bartolomeo Rastrelli.

    Car le style a la mode a l'epoque, c'etait le baroque italien. Et les deux architectes ont ete au service de la cour de St Petersburg, le premier ayant fait la grande cascade a peterhof, et le second - entre autres - le palais d'hiver.

    RépondreSupprimer
  6. Merci pour ces précisions architecturales :)

    RépondreSupprimer
  7. @ Gilles 16.3O: L’historien et philosophe allemand Golo Mann a dit "Qui ne connaît pas le passé ne peut pas comprendre l'avenir" ou mieux encore "Qui ne connaît pas le passé ne peut pas comprendre le présent. Qui ne comprend pas le présent ne peut pas imaginer l'avenir" (Hans-Friedrich Bergmann). Ou: "Qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la répéter" (Johann Wolfang von Goethe).

    RépondreSupprimer
  8. Je ne connaissais pas ni l'exactitude de ces citations, ni leurs auteurs, mais elles vont bien toutes das la meme direction. Je pense que je les reutiliserai. Merci.

    RépondreSupprimer
  9. Merci pour cet article très intéressant. Jelgava est jumelée avec Rueil Malmaison, et l'école des Métiers de Jelgava, envoie régulièrement des étudiants en France. Malheureusement le français n'y est pas étudié. J'espère y aller l'année prochaine, et je ne manquerai pas de rappeler la présence du roi Louis XVIII au palais ! Merci encore!

    RépondreSupprimer
  10. Merci de votre commentaire. Je suis retourné récemment à Jelgava. Malheureusement, comme je le soulignais dans l'article de l'époque, si l'aspect extérieur du château est attrayant, l'intérieur est hélas celui d'une université d'agriculture ....... A voir par contre, la crypte où sont les cercueils (vides) des Ducs de Courlande.

    RépondreSupprimer
  11. Merci cher Gilles pour ce travail ! Vos ouvrages sont ils disponibles?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Les Francais dans l'histoire de la Lituanie" est paru en 2009 aux editions de L'Harmattan et peut etre achete en ligne. "Des Francais dans l'histoire de la Lettonie" est actuellement entre les mains du comite de lecture de L'Harmattan et pourrait etre publie a l'automne.

      Supprimer