Si l’ouverture du mur de
Berlin, le 9 Novembre 1989, est relativement bien connue, les raisons et les
conditions de son érection sont plus
floues. Ce post propose de revenir dessus.
L'Allemagne au lendemain de la seconde guerre mondiale |
A l’issue de la seconde
guerre mondiale, après la capitulation allemande du 8 Mai 1945, l’Allemagne est amputée d’une partie de son territoire
(Poméranie, Silésie, Prusse orientale) et occupée par les quatre principaux
alliés : URSS, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France. La capitale, Berlin,
initialement occupée par les seuls Soviétiques, est également partagée en quatre
zones d’occupation, et est enclavée dans la zone soviétique.
Les quatre zones d'occupation de Berlin |
Le 19 Mars 1948, les Soviétiques cessent leur participation au Conseil
de contrôle allié et au commandement interallié. A partir de cette date,
Staline s’emploie à gêner les communications des Occidentaux avec Berlin-Ouest
et instaure même le blocus de la ville du 24 Juin 1948 au 12 Mai 1949. Celle-ci
ne survivra que grâce à un gigantesque pont aérien des Occidentaux.
Le 23 Mai 1949, les Occidentaux créent la République Fédérale
Allemande (RFA) à partir des trois zones d’occupation américaine, britannique
et française. En représailles, le 7
Octobre 1949, les Soviétiques créent la République Démocratique Allemande
(RDA, en allemand DDR) à partir de leur zone d’occupation.
Mais le problème principal
de la RDA était qu’elle perdait ses forces vives : 2,7 millions d’Allemands
de l’est sont passés à l’ouest de 1949 à 1961, dont 200 000 rien que pour
la seule année 1960 (50 % ont moins de 25 ans), essentiellement pour des
raisons économiques. En effet, l’économie est planifiée par Moscou, la
production industrielle augmente moins vite que prévue et la collectivisation
des terres agricoles entraîne une baisse de la production.
Le 12 Août 1961, le conseil des ministres de RDA annonce qu’un
dispositif de contrôle va être mis en place aux frontières de la RDA avec la
RFA et les secteurs occidentaux de Berlin « afin de mettre un terme aux
activités hostiles du pouvoir militaire rancunier de l’Allemagne de l’Ouest et
de Berlin-Ouest » (sic).
Dans la nuit du 12 au 13
Août 1961, 14 500 membres des forces armées est-allemandes bloquent les
rues et les voies ferrées menant à Berlin-Ouest. Les troupes soviétiques sont
prêtes au combat. Erich Honecker, secrétaire général du comité central du Parti
socialiste unifié d’Allemagne présente le mur comme « un mur de protection
antifasciste » ! Jusqu’en Septembre 1961, la frontière reste
relativement franchissable.
La célébrissimme photo du jeune douanier est-allemand Conrad Schuman passant à l'ouest |
Au cours des jours et des
semaines qui suivirent, les barrages provisoires de barbelés furent remplacés
par un mur de dalles de béton renforcé de briques creuses, muni par la suite de
divers dispositifs de sécurité. Les
réactions internationales sont ambiguës. Le 27 Octobre 1961, chars et soldas des deux camps se font faces
pendant trois jours au Checkpoint Charlie,
suite à un différend sur la libre circulation des membres des forces alliées
dans les deux moitiés de la ville.
Face à face à Checkpoint Charlie (27 Octobre 1961) |
Cette situation absurde de
capitale coupée en deux perdurera jusqu’au 9
Novembre 1989. Mais l’ouverture du mur de Berlin ce jour-là, qui mènera à
la réunification allemande du 3 Octobre
1990, ne signifie par la libération de toute l’Europe, contrairement à ce
que certains croient. Les Etats baltes, par exemple, devront attendre de facto
jusqu’en Août 1991. Mais le processus, qui avait également suivi un chemin
parallèle notamment en Pologne et en Hongrie, était enclenché.
Pour mémoire, entre 136
et 176 personnes (selon les sources) ont été abattues en essayant
de franchir le mur.
Bonjour Gilles,
RépondreSupprimerBonne synthèse comme d'habitude. J'aurais ajouté une phrase sur la répression anti-ouvrière de 1953.
Le 9 novembre 1989 on peut se demander si l'ouverture du Mur, certes précédée par l'exode massif par la frontière hongroise, n'a pas été un peu accidentelle :
http://blogs.rue89.com/ibere-espace/2009/11/05/le-journaliste-qui-a-precipite-la-chute-du-mur-de-berlin
L'épisode de la question du journaliste est bien connu. Peut-être a-t-elle précipité l'ouverture du mur de quelques jours, de quelques heures, voire pas du tout. Il faudrait aussi citer ce Lieutenant-colonel des gardes frontières de la Bornholmer Straße qui, sans consignes, et sous la pression de la foule, a décidé d'ouvrir les barrières.
RépondreSupprimerMais, à la vérité, la RDA aurait tôt ou tard basculé dans la foulée de (principalement) la Pologne (Tadeusz Mazowiecki Premier Ministre)et la Hongrie (ouverture de la frontière avec l'Autriche). En RRDA même, l'Eglise luthérienne avait pris ouvertement la tête de la résistance.
Mais mon post, volontairement synthétique, avait pour objet la construction du mur et les raisons qui avaient poussé à cette construction. Je ne pense pas que la révolte des ouvriers de 1953 soit à classer comme une raison, mais plutôt comme un révélateur d'un malaise; en tous cas, elle est moins importante que l'émigration. C'est du moins mon avis, mais ce n'est que mon avis ......
Oui pour la question du journaliste, ça a fait gagner au mieux quelques heures (à voir sur video en cherchant un peu avec Google, ce que je n'ai pas fait).
RépondreSupprimerCe qui est classiquement cité comme déclencheur est l'accès aux chaines de télévision de RFA montrant les joies de la société de consommation.
Les Lituaniens( qui devaient avoir une quinzaine d'années à l'époque) que j'ai interrogés sur la fin du communisme m'ont quant à eux parlé d'un système auquel absolument plus personne ne croyait.
Enfin petite anecdote perso : en 1986 quand, ressortissant d'un pays occupant de Berlin, j'en ai profité pour avoir deux visas de 24 heures pour Berlin Est, je suis tombé à une occasion sur quelqu'un me demandant pourquoi lui n'avait pas le droit de revenir à l'Ouest comme moi.
Avec le recul ces histoires de frontières me paraissent complexes. En particulier, de même que la Pologne s'en est très bien sortie de refuser l'euro tout en disant le contraire, est-ce que la RDA ne s'en serait pas sortie mieux que sa disparition au profit de la RFA ?
En tout cas, comme on l'a vu naguère en Afrique du sud et maintenant en Palestine occupée et dans certains pays arabes, le besoin de liberté semble dominer quelque soit le résultat final. Le scrutin allemand dans quelques semaines devrait confirmer à la fois l'ultra-minorité des communistes et leur ancrage dans l'ex RDA
Personnellement, je suis allé à Berlin, ouest et est, (après traversée de la RDA par le train militaire français depuis Baden-Baden) en 1984 mais, en tant que militaire, je n'avais pas besoin de visa. Je me disais aussi combien cette situation de couper une capitale en deux était stupide.
RépondreSupprimerMais, quand on y réfléchit, l'UE en 2013 a une de ses capitales encore coupée en deux, Nicosie.