Les putschistes du Comité d'Etat pour l'état d'urgence |
Le 19 Août 1991, alors que Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du
Parti Communiste et Président de l’URSS, est en vacances près de Yalta en
Crimée, un « Comité d’Etat pour l’état d’urgence » (Государственный Комитет по Чрезвычайному Положению
– dénommé plus loin le Comité), annonce que
Gorbatchev est malade et qu’il a été soulagé de ses fonctions de Président.
L’agence TASS annonce que le Vice-président de l’URSS, Guennadi Ianaïev, avait
pris en charge ses fonctions.
Le Comité est composé de 8
membres, tous des proches de Gorbatchev, notamment, outre le
Vice-président Ianaïev, le Premier Ministre (Valentin Pavlov), le Ministre de
la Défense (Maréchal Dmitri Jazov), le Ministre de l’intérieur (Boris Pougo) et
le Chef du KGB (Vladimir Krioutchkov). A priori des hommes d’expérience, mais
qui vont faire preuve d’amateurisme.
Première incohérence : Gorbatchev
conserve son poste de Secrétaire général du PC d’Union soviétique donc,
légalement, le contrôle du Parti, de l’Armée et du KGB !
La date choisie pour le putsch
n’est apparemment pas un hasard puisque le lendemain, 20 Août, devait être
signe le Traité établissant l’Union des Républiques Souveraines (Сою́з
Сувере́нных
Госуда́рств), traité donnant une plus large autonomie aux
Républiques constituantes que le traité de 1922 instituant l’URSS (Les 3 Etats
baltes, l’Arménie, la Géorgie et la Moldavie refusaient toutefois de signer).
Ce coup d’Etat est donc généralement analysé comme une réaction des
conservateurs dont les intérêts étaient menacés : Armée, KGB, Intérieur,
complexe militaro-industriel, etc…… Leur priorité est le maintien de l’URSS
dans ses frontières et l’arrêt des séparatismes périphériques (Ils semblent d’ailleurs
à l’origine de la « normalisation » sanglante de Janvier 1991 à
Vilnius et à Riga).
En face des putschistes, il y a Boris Eltsine, le
Président élu (le 12 Juin 1991) démocratiquement de la Russie (la plus grande
des Républiques soviétiques), dirigeant la résistance depuis la « Maison
blanche », le Parlement russe. Il peut se targuer du support d’au minimum
50 % de l’Armée qui a voté pour lui le 12 Juin.
Deuxième incohérence : le Comité a rétabli la censure, ne
laissant émettre que la Première chaîne publique de télévision ; mais, le
19 Août, il laisse passer des images d’Eltsine fraternisant avec les tankistes ;
Eltsine qui a totale liberté de mouvement et d’expression. De même, les lignes
téléphoniques de la Maison Blanche, où sont installés les journalistes, ne sont
pas coupées, et les journalistes peuvent communiquer avec les Occidentaux.
Boris Eltsine sur un char devant la Maison Blanche |
D’importantes manifestations contre les
putschistes ont lieu à Moscou et à Leningrad (nom de Saint-Pétersbourg à l’époque)
à partir du 19 Août après-midi. C’est au cours d’une de ces manifestations que
l’image de Boris Eltsine debout sur un blindé fera le tour du monde et
deviendra le symbole de ce coup d’Etat, renforçant la position d’Eltsine.
Finalement, le 21 Août 1991, à 1 heure du matin, les rares troupes fidèles aux
putschistes sont bloquées sous un tunnel par un barrage de trolleybus et de
camions poubelles ! La majorité des troupes envoyées contre les
manifestants anti-putschistes rejoignent ceux-ci ou font défection.
Troisième incohérence : Comment expliquer la « surprise »
de ces défections, alors que, parmi les putschistes, il y a le Ministre de la
défense, le Ministre de l’Intérieur et le Chef du KGB !? Alors qu’ils
savaient qu’aux élections présidentielles russes 70 % des Officiers supérieurs
et 90 % des Officiers subalternes avaient voté pour les démocrates (chiffres
cités par les services du Premier Ministre français).
Le putsch est donc un échec et Gorbatchev rentre
à Moscou le 22 Août tôt le matin avec les putschistes qui étaient allés en
Crimée lui demander sa démission. Ces derniers sont arrêtés à leur descente d’avion.
Mikhaïl Gorbatchev à sa descente d'avion le 22 Août |
Dans une interview de 2011, l’écrivain Vladimir
Fedorovski, à l’époque porte-parole du mouvement des réformes démocratiques
affirme que le mouvement aurait été prévenu de l’imminence du putsch par un mystérieux
personnel du KGB, et que le mouvement aurait prévenu Eltsine, Gorbatchev et
même les Américains.
En outre, et c’est là peut-être le plus
important, les Occidentaux, par la voix du G7, accordent le 21 Novembre 1991 un
report de paiement des intérêts de la dette publique soviétique et octroient de
nouveaux crédits à M. Gorbatchev. Car, après avoir eu peur de le voir évincé,
on ne saurait lui refuser quoi que ce soit ! Mais en pure perte car l’Union
soviétique mourra quelques jours plus tard.
Alors, ce « putsch »
n’a-t-il été qu’une vaste comédie ? On le saura sans doute un jour……
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