Le Fort VII de nos jours |
Dans un précédent post (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2013/08/2-aout-1914-lest-rien-de-nouveau.html),
j’évoquais la construction par les Russes, à la fin du XIXe siècle et au début
du XXe siècle, d’une ceinture de fort pour protéger la ville de Kaunas. Revenons
en détail sur ce sujet.
Suite au partage de la
République des Deux Nations (polonaise et lituanienne) entre leurs prédateurs (Empire
Russe, Royaume de Prusse et l’Empire des Habsbourg / Autriche-Hongrie), le Grand-duché
de Lituanie fut principalement incorporé à l’Empire Russe à partir de 1795,
perdant jusqu’à son nom.
Au confluent du Niémen et de
la Neris, la ville de Kaunas (Kovno) était déjà un centre commercial important depuis
la fin du XVIe siècle, voire depuis que la ville était devenue un poste avancé
de la Ligue Hanséatique depuis 1441. Au XIXe siècle, deux réalisations majeures
contribuèrent à l’essor de la cité : la construction du Canal Augustów,
achevé en 1832, permettant de relier Baltique et Mer Noire, et la ligne de
chemin de fer Saint-Pétersbourg – Kaunas - Varsovie – Allemagne, terminée en
1862.
La protection de Kaunas,
aux marches de l’Empire Russe, devint un souci après que la Grande Armée de
Napoléon ait franchi le Niémen sans difficulté à partir du 24 Juin 1812. L’unification
progressive de l’Allemagne et la proclamation de l’Empire allemand le 18
Janvier 1871, convainquirent les autorités russes de faire de Kaunas une place
forte qu’un ennemi devrait conquérir avant de s’engager vers Riga ou Vilnius. Il
fallut toutefois attendre le 7 Juillet
1879 pour que le Tsar Alexandre II signe le décret ad hoc.
Le système de fortifications de Kaunas |
Les travaux commencèrent
en 1882 et utilisèrent environ 4 000 ouvriers. Initialement, il était
prévu la construction de 7 forts et de 9 batteries défensives, mais aussi de
casernes, de nouvelles routes et d’un dépôt de munitions. Les forts avaient
cinq faces et étaient construits en briques renforcées de terre, selon les
standards russes de l’époque. La première phase de construction fut achevée en
1889.
En 1890 commença la
construction du Fort VIII (Linkuva) qui utilisait de nouvelles techniques de
construction, notamment le béton. Terminé vers 1907, il disposait de l’électricité
et de l’évacuation des eaux usées, et pouvait accueillir un millier de soldats.
La construction du Fort IX commença en 1903 et dura jusqu’en 1911. A partir de
1912, la modernisation des anciens forts fût entreprise, afin de satisfaire aux
nouveaux critères techniques, et la construction de 12 nouveaux forts
supplémentaires était prévue. Mais le début des opérations sur le front est en
1914 interrompit les travaux.
Les Allemands atteignirent
Kaunas en Juillet 1915 et concentrèrent leurs attaques sur les forts les plus
anciens, I, II et III. La garnison de 90 000 hommes, aux ordres du Général
Vladimir Grigoriev, résista jusqu’au 15 Août, mais la chute des forts I et II entraîna
alors la capitulation des autres. Les défenseurs perdirent 20 000 hommes
et 1 300 armes dont des pièces d’artillerie. Le Général Grigoriev fut
arrêté par les Russes et condamné à 15 ans de prison, à la perte de son grade
et de ses prérogatives.
Après la Première Guerre
mondiale et après que la Lituanie ait regagné son indépendance, une commission
ad hoc conclut à l’inutilité des forts, en raison de l’évolution des techniques
militaires. L’armée lituanienne occupa les casernes et les forts furent donnés
à des institutions civiles : prisons, archives centrales, hébergement pour
les pauvres, et même une station radio.
Centre d’interrogation du
NKVD pendant la première occupation soviétique (1940 – 1941), plusieurs forts
devinrent des prisons et des lieux d’exécution pour les Juifs après l’occupation
allemande (24 Juin 1941). Selon les sources, entre 19 000 et 30 000 Juifs
ont été assassinés au Fort IX. Parmi eux, environ 600 des 878 Français du
Convoi 73, le seul convoi, parti de Drancy le 15 Mai 1944, qui ait eu pour
destination les Pays baltes.
Inscription "Nous sommes 900 Français" au Fort IX |
Pendant la deuxième
occupation soviétique, les forts servirent de casernes mais surtout de dépôts.
Le Fort IX devint un musée en 1958 et un gigantesque monument (32 mètres de
haut) de facture très soviétique y a été érigé en 1984.
Le Fort IX et, dans le fond, le monument soviétique |
Aujourd’hui, l’ensemble
des forts, malgré les dommages, constitue le complexe fortifié de l’époque
russe tsariste le plus important.
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