Le 23 Août 1989, en pleine occupation soviétique, deux millions d’Estoniens,
Lettons et Lituaniens se sont donné la main sur plus de 600 km, entre Vilnius
et Tallinn via Riga. Le but de cette chaîne humaine (en Estonien Balti kett, en Letton Baltijas ceļš et en Lituanien Baltijos kelias) était d’attirer l’attention
du monde sur le Pacte Molotov – Ribbentrop
du 23 Août 1939 par lequel les deux puissances totalitaires du XXe siècle,
l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, s’étaient partagé l’Europe de l’Est.
Tout avait commencé le 23
Août 1986 où le « Black Ribbon Day », destiné à
attirer l’attention sur les violations des droits de l’homme, s’était tenu dans
21 villes de par le monde. En 1987, on comptait 36 villes dont Vilnius, Riga et
Tallinn. En 1988, pour la première fois, les autorités occupantes ne
procédèrent pas à des arrestations. Ce qui encouragea les organisateurs baltes,
Rahvarinen
en Estonie, le Front Populaire de Lettonie et Sajūdis en Lituanie de
frapper un grand coup pour le 50ème anniversaire du Pacte Molotov –
Ribbentrop. Mais que l'on s'imagine les trésors d'ingéniosité qu'il a fallu déployer pour organiser un tel événement au nez et à la barbe des occupants soviétiques !
Le Pacte Molotov – Ribbentrop
(officiellement « Traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union
soviétique ») contenait en effet des protocoles secrets, qui partageaient la Finlande, l’Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, tous Etats souverains, entre
les deux « zones d’influence » de l’Allemagne nazie et de l’URSS. C’est
conformément à ces protocoles que l’Allemagne put envahir la Pologne par l’ouest
dès le 1er Septembre 1939, puis l’URSS le faire par l’est le 17
Septembre. C’est tout aussi conjointement qu’à la mi-juin 1940, pendant que l’Allemagne,
tranquille à l’est, envahissait la France, l’URSS put occuper et annexer les
Etats baltes, la Bessarabie et le nord de la Bukovine.
Le texte du Traité et des
protocoles secrets, sauvés sur microfilms, n’apparurent officiellement qu’à la fin de 1947, mais les autorités
soviétiques nièrent ces dernier jusqu’en 1989. Staline fit même publier en 1948
« Les falsificateurs de l’histoire »,
livre dans lequel il prétendait qu’au contraire il s’était opposé à Hitler à
propos de ce découpage de l’Europe et dans lequel il dénonçait dans les accords
de Munich de 1938 un complot pour agresser l’Union soviétique.
Et c’est justement
cette « Voie balte » qui permit que l’Union soviétique change sa
politique de négation vis-à-vis de l’existence des protocoles secrets. Car
la presse occidentale se fit l’écho de cette manifestation qui témoignait d’un
problème, non seulement politique, mais aussi moral, que des Baltes solidaires (environ
¼ de toute la population des trois Etats) avaient exprimé pacifiquement. Suite
à cette chaîne, Mikhaïl Gorbatchev donna l’ordre à Alexander Yakovlev d’enquêter sur l’existence des protocoles. En
Décembre 1989, la commission concluait à l’existence des protocoles, mais il
fallut encore attendre début 1993 pour que la copie de la version russe soit
publiée dans un journal scientifique.
Depuis 2009, le 23 Août
est officiellement le Jour du souvenir des victimes du stalinisme et du nazisme
dans l’Union Européenne. Quelqu’un s’en est-il soucié en France aujourd’hui
?
En 2009 également, la Voie
Balte fut inscrite au registre de l’UNESCO « Mémoire du Monde » en
tant que « manifestation unique
et pacifique qui a uni les trois pays dans leur marche pour la liberté ».
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