Dans mon précédent post,
j’évoquais la Colline des Croix à 12 km au nord de Šiauliai, haut-lieu de la
nation lituanienne (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2013/08/la-police-du-ciel-dans-les-etats-baltes.html ). Quand je vois ce qu’il
en est dit sur Wikipedia (« Les premières croix ont été posées sur la colline fortifiée au xive siècle »), je pense qu’il
n’est pas inutile de rappeler l’histoire de cette colline.
Faisons tout de suite un
sort à celui qui s’auto-baptise « un des meilleurs connaisseurs des Pays
baltes » ! Non, les premières croix n’ont pas été érigées par les
Lituaniens après la bataille de Saulė (qui, au passage, n’a vraisemblablement
pas eu lieu près de Šiauliai) en 1236 ! Pour la simple raison qu’en 1236
les Lituaniens étaient païens et qu’ils n’ont été convertis au christianisme (du
moins leurs chefs, à commencer par le Grand-duc Jogaila) qu’en 1386, avec une
brève parenthèse opportuniste (1252 – 1260) sous Mindaugas.
A la vérité, sur cette
colline de Jurgaičiai (Jurgaičių piliakalnio ) il n’y avait jusqu’au XIVe siècle qu’un château en bois qui
participait à la défense du Grand-duché de Lituanie contre les incursions des
Chevaliers livoniens, château qui fut brûlé en 1348.
La première mention écrite
de la présence de croix sur cette colline date de 1850. Le trésorier du district de Šiauliai, Mauricijus Griškevičius, fait état d’un habitant
de Jurgaičiai qui avait fait la promesse à Dieu en 1847 de mettre des croix sur la colline s’il survivait à une grave
maladie. Il est vraisemblable toutefois que les premières croix aient été
placées après l’insurrection de 1831
par les proches des victimes, les autorités russes tsaristes n’ayant pas permis
que celles-ci aient une sépulture décente. Puis les croix devinrent plus
nombreuses après la seconde insurrection de 1863.
A la fin du XIXe siècle, la colline était déjà un lieu sacré réputé. Le
premier comptage des croix eut lieu en 1900 et on dénombra alors 130
croix ; en 1938, il y en avait 400.
Sous l’occupation soviétique, la Colline des Croix prit une importance
particulière, devenant le symbole de la résistance au régime. En 1960 il y
avait plus de 2 000 croix, aussi le gouvernement soviétique, considérant
le lieu comme hostile, détruisit les croix en 1961 et planta à la place des
arbres décoratifs. A plusieurs reprises, la colline fut rasée par les
bulldozers, notamment en 1973, 1974 et 1976, et le site était gardé par l’armée
soviétique et le KGB. En 1978 et 1979 il eut même des tentatives pour construire
un barrage afin d’inonder le site. Mais, à chaque fois, les Lituaniens
réussissaient à revenir et chaque année, environ 500 croix devaient être
détruites par l’occupant.
Ce n’est qu’à partir de 1985 que la Colline des Croix fut
laissée en paix et, après le retour de la Lituanie à l’indépendance, elle gagna
une réputation désormais mondiale. A l’époque, des volontaires de Šiauliai
comptèrent 14 387 grandes croix. Il est aujourd’hui
impossible de dire combien de millions de croix de toutes tailles il y a sur le
site, des centaines s’ajoutant quotidiennement.
Le Pape Jean-Paul II
visita la Colline des Croix le 7
Septembre 1993 et fit don d’une croix haute de 3,80 mètres que l’on peut
voir à l’entrée du site.
Témoignage personnel. J’ai emmené plusieurs
fois des groupes à la Colline des Croix. La première réaction, que j’avais
personnellement eue lors de ma première visite, est de trouver que la colline
était petite. Mais, après leur avoir expliqué le pourquoi et le comment de
cette colline, je laissais mes touristes visiter seuls le site. Je dois dire
que tous sans exception, y compris les « esprits forts »,
reconnaissaient que ça faisait réfléchir. Personnellement, ce que je trouve le
plus remarquable, c’est que le site est ouvert à tous les vents mais que
personne, au grand jamais personne, n’aurait l’idée de toucher aux médailles,
chapelets, voire pièces de monnaie, et bien sûr croix de toutes tailles déposées
là. En Lituanie, on a encore apparemment le sens des valeurs.
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